Par Robert Stevens
15 août 2011
Le premier britannique ministre David Cameron a présidé hier une réunion d'urgence du Conseil COBRA et a appelé pour jeudi à une session parlementaire extraordinaire en réponse aux émeutes continues à Londres et qui se sont propagées à d'autres villes et cités de l'Angleterre.
La police anti-émeute dans une rue du district londonien de Lewisham
Cameron a été obligé d'écourter ses vacances en Toscane pour superviser le plan d'une importante opération de police dans la capitale. Quelque 16.000 policiers sont restés en service dans la nuit du 9 août - le triple du nombre habituel - avec des renforts venus des quatre coins du pays.
Les mesures avaient été prises en réaction aux émeutes qui s'étaient propagées partout dans Londres ainsi qu'à Bristol, Birmingham, Leeds, Liverpool et Nottingham. Le 9 août au soir, on avait fait état de troubles supplémentaires à Manchester, dans la ville voisine de Salford, à West Bromwich et à Wolverhampton dans les Midlands.
Les émeutes avaient été déclenchées par la mort par balles jeudi soir d'un habitant de Tottenham, âgé de 29 ans, Mark Duggan, tué par un agent du 'Specialist Firearm Command' (CO19). Une manifestation pacifique organisée samedi soir par la famille de Duggan et des gens les soutenant a violemment été attaquée par la police anti-émeute, déclenchant une vague de troubles.
Lundi soir très tard, la Commission indépendante des plaintes concernant la police (IPCC) a reconnu que Duggan n'avait pas ouvert le feu sur les policiers comme il avait été initialement affirmé. Elle a dit que des examens balistiques n'avaient fourni « aucune preuve » que le pistolet retrouvé sur les lieux où Duggan avait été tué, avait servi à tirer sur les policiers.
L'IPCC a constaté qu'un officier de police du CO19 avait tiré deux balles dont une balle s'était logée dans la radio de la police après avoir traversé le corps de Duggan. Duggan avait également été touché au bras.
Le communiqué confirme les informations selon lesquelles Duggan a été victime de la police qui a agi comme juge, jury et bourreau. Et pourtant, personne n'a été tenu responsable du meurtre. L'officier impliqué a simplement été relevé de ses fonctions. L'enquête sur la mort de Duggan a été suspendue mardi en attendant la fin de l'enquête de l'IPCC qui pourrait durer six mois.
De plus, le mécontentement qui couvait depuis longtemps au sujet de l'aggravation des conditions sociales et de la violence policière est tout à fait ignoré par les partis politiques officiels et les médias. Manifestement, pour eux les meurtres policiers sont acceptables, par contre, toute riposte doit être traitée avec toute la force de l'Etat.
La rhétorique la plus abominable contre les jeunes impliqués dans les troubles a été utilisée par les représentants des principaux partis politiques.
Cameron a annoncé que le gouvernement ferait « tout pour ramener l'ordre dans les rues de Grande-Bretagne. » En décrivant les événements comme étant « de la criminalité pure et simple », il a dit à l'attention de ceux qui ont été interpellés qu'ils « sentir[ont] toute la force de la loi. Si vous êtes assez grands pour commettre ces crimes, vous êtes assez grands pour être punis. »
Compte tenu du fait que l'ensemble de l'establishment politique - y compris Cameron et la Police métropolitaine - est mêlé au scandale criminel des écoutes téléphoniques illégales du News of the World et qui implique l'ultraréactionnaire et multimilliardaire propriétaire de médias, Rupert Murdoch, l'hypocrisie de tels commentaires est à couper le souffle.
Le Parti travailliste, quant à lui, tente de surpasser Cameron dans le sécuritaire. Le dirigeant travailliste, Ed Miliband, a exigé une réponse « robuste » de la part de la police: « il doit y avoir une présence policière partout à Londres. »
Le député travailliste Tom Watson - qui, en tant que membre de la commission d'enquête parlementaire, avait récemment poliment auditionné Murdoch et son fils James, au sujet de leur implication dans des activités illégales, dont la corruption de policiers de la Metropolitan Police - a réclamé le recours à l'armée. Il a exigé sur Twitter, « C'est tout simple : Rappel du parlement. Annulation des congés. Appel au soutien logistique de l'armée pour les services d'urgence. Stopper les réductions des dépenses de la police. »
L'ancien maire travailliste de Londres, Ken Livingstone, tout en reconnaissant que les mesures d'austérité de masse de 80 milliards de livres sterling du gouvernement, créaient des « clivages sociaux » a exigé le recours aux canons à eau. La député parlementaire travailliste de Hackney, Dianne Abbott, a dit qu'il faudrait envisager un couvre-feu.
Le député conservateur, Patrick Mercer, a demandé au gouvernement de déployer dans les rues de Londres le genre de répression brutale que l'impérialisme britannique a utilisé en Irlande du Nord. « Je trouve curieux que nous sommes prêts à utiliser ce genre de mesures contre les Irlandais, » a-t-il dit, « mais quand les Anglais se font remarquer et se comportent d'une manière aussi atroce et répugnante, nous nous contentons de les dorloter gentiment. »
Mercer a dit que les troupes ne devraient pas être utilisées à ce stade : « Ce n'est pas une situation militaire ; en recourant aux troupes on commence à parler d'une révolution - nous sommes encore loin de là. »
Ses commentaires sur le spectre d'une « révolution », reflètent la crainte de l'élite dirigeante des implications d'une génération entière de jeunes, sans avenir sûr, qui exprime son mécontentement social et sa haine à l'égard de l'establishment politique. Les conditions sociales qui sous-tendent les émeutes sont un réquisitoire contre le système capitaliste et l'élite politique britannique qui n'offre aucun avenir à la majorité des gens.
Avant les élections législatives de l'année dernière déjà, le dirigeant des Libéraux Démocrates, actuellement vice-premier ministre, Nick Clegg, avait mis en garde contre « de graves conflits sociaux » du fait de la crise économique mondiale et de l'imposition de réductions brutales dans les dépenses de la part d'un « gouvernement qui n'a aucune légitimité. » A présent, Clegg et les Libéraux Démocrates font partie d'un tel gouvernement qui impose de massives mesures d'austérité et qui exige des mesures autoritaires pour les appliquer.
Au jour d'aujourd'hui, le gouvernement a exclu le recours à l'armée. Toutefois, l'utilisation de matraques en plastique est « sérieusement envisagée » tandis que le recours aux véhicules de police lourdement blindés doit être accru. Le commissaire adjoint de la police métropolitaine, Steve Kavanagh, a dit que ces trois derniers jours des balles en plastique avaient été à la disposition de la police anti-émeute, en ajoutant : « S'il le faut [les utiliser], nous le ferons. »
Les discussions sur l'utilisation de l'armée sont une indication de la réaction impitoyable de l'establishment dirigeant face au mécontentement social qui a explosé à Londres et entre-temps aussi ailleurs.
L'opération de police dans la capitale est la plus vaste de l'histoire britannique. Les congés de tous les fonctionnaires de police de la Metropolitan Police ont été suspendus et la police anti-émeute a été dépêchée dans la capitale en provenance de 30 autres unités venues en renfort de toutes parts du pays, dont Manchester distante de plus de 250 kilomètres. Même des policiers à la retraite ont été sollicités.
Parallèlement, quelque 6.000 personnes ont été interpellées depuis samedi soir lors de raids policiers, la majorité dans la capitale. Les prisons sont à présent pleines et les détenus sont emmenés par cars dans des régions avoisinantes. Quelque 500 enquêteurs sont également occupés à examiner les séquences des vidéos surveillance CCTV et les images des troubles, la plus importante enquête criminelle de l'histoire de la police de Londres.
La centaine de personnes traduites en justice jusque-là, comprend des jeunes, des travailleurs et des diplômés universitaires au chômage - réfutant ainsi les affirmations des médias et de la politique officielle à savoir que les participants ne font pas simplement partie d'une « sous-classe criminelle » déterminée à détruire.
D'autres arrestations comprennent celle d'un garçon de 16 ans de Glasgow, pour avoir soi-disant incité à l'émeute dans la ville au moyen de Facebook, et celle d'un homme interpellé par la police du Grand Manchester « soupçonné » d'avoir recouru aux réseaux sociaux pour fomenter des troubles.
(Article original paru le 10 août 2011)