par Fathi Chamkhi
Depuis 28 jours le pays connait un mouvement social sans précédent dans son histoire, provoqué par trop d'injustices et d'humiliations, et qui ont fait des dizaines de morts et des centaines de blessés et des dégâts importants dans les biens publics et privés, dont une grande partie est le fait des milices à la solde des clans mafieux locaux.
Au cours de cette révolte, Ben Ali est apparu à la télé à trois reprises. Au cours des deux premières il a tenu un discours menaçant et humiliant pour les tunisiens, sans pour autant réussir à dissuader le mouvement, et sans que sa machine répressive n'arrive non plus à stopper le déferlante sociale.
Dans sa dernière allocution, qui vient de se terminer à l'instant, Ben Ali a changé de tactique. En optant pour une tactique que son prédécesseur Bourguiba avait adopté en 1984 lors de la 'révolte du pain'. Ben Ali est apparu affecté par le sang versé de citoyens innocents en avouant avoir été 'trompé' par ses conseillers ! Il est clair que Ben Ali veut se disculper aux yeux de ses victimes ! Sa manoeuvre passera-t-elle ? Il est encore tôt de le dire, demain nous apportera la réponse.
Ben Ali a promis de ne pas se présenter aux élections prévues en 2014, la liberté de la presse et d'internet, la baisse des prix du lait, du sucre et du pain, ainsi que la constitution d'une commission d'enquête indépendante. Autrement dit, on prend les mêmes et on recommence !
Ce scénario nous remet en mémoire novembre 2007 quand le régime était au pied du mur. Ben Ali avait alors promis la démocratie, l'Etat de droit et le progrès social. Il fallait gagner du temps pour sauver le régime. Aujourd'hui, Ben Ali revit la même situation, avec une différence de taille ; en 1987 Ben Ali était considéré comme sauveur, alors que maintenant il est à la place du bourreau.
Si la manoeuvre de Ben Ali, qui est relayée par un parti/Etat passé maitre dans l'art de la mise en scène et du discours démagogique et surtout par une partie de l'opposition indépendante qui s'est précipité à saluer le discours de Ben Ali, dans l'optique de glaner certaines de ses faveurs, si cette manoeuvre réussit à s'impose au mouvement social comme une solution 'du moindre mal', il aura alors rater un rendez-vous important avec l'histoire.
Demain, nous aurons la réponse à cette question. La balle est maintenant dans le camp du mouvement social, qui demeure, et c'est un très grave handicap, inorganisé, sans coordination et sans boussole !
Tunis, 13 janvier 2011
Fathi Chamkhi
RAID-ATTAC/ CADTM TUNISIE