par Fathi Chamkhi
C'est officiel, notre révolution vient de remporter une victoire décisive ; Bien Ali a 'dégagé'. C'est là notre revendication essentielle que nous venons de satisfaire grâce à notre révolution. Nous sommes très contents, nous pleurons de joie...
C'est vrai que nous ne mesurons pas encore l'ampleur de ce que nous venons d'accomplir.
Par ailleurs, la formule de gouvernement qui vient d'être annoncée à la télévision d'Etat, à savoir que le 1er Ministre assume la fonction de Président de la République, est une formule rafistolée dans une situation d'affolement et de ce fait faible et risque d'être très instable. De plus, cette formule requiert les remarques suivantes :
Le pouvoir de Ben Ali est tombé, mais son régime est toujours en place. Nous refusons que ce régime, à travers le Parti/Etat au pouvoir et ses partis satellites et la pseudo-opposition indépendante qui s'est démarquée des masses en acceptant que Ben Ali reste au pouvoir, confisque les fruits de notre révolution en tentant de se maintenir en place.
En 1987, le régime a connu une crise grave. La solution appliquée a été celle du régime lui-même, sous la forme du coup d'Etat de Ben Ali. Aujourd'hui, la solution de la crise de ce même régime vient d'être imposée par la révolution. De ce fait, il sera très difficile au régime d'imposer aux masses sa propre solution. D'autant plus que ces masses ont montré, au cours des 29 derniers jours, une clairvoyance politique et détermination dans la lutte qu'il sera difficile à qui que ce soit de s'approprier ce que les masses ont arraché si durement.
Il est vrai maintenant que, en l'absence de direction politique de la révolution, ce qui est en soi assez original et en l'absence aussi de structures politiques issues de la révolution et face à la faiblesse de l'opposition indépendante et surtout de son incapacité à pouvoir dépasser l'horizon du pouvoir de Ben Ali, il n'existe pas actuellement d'expression politique organisée qui répercute les revendications des masses.
Rappelons que quasiment tous les partis politiques existants ne remettent pas en cause la politique économique libérale qui a terriblement fait beaucoup de dégâts en Tunisie, et qui de ce fait explique la révolution actuelle. Ce que demandent les masses populaires c'est justement un changement radical de la politique économique et sociale en cours, c'est ce qu'ils ont exprimé à travers les slogans qu'ils ont scandés.
Ceci étant dit, l'histoire qui s'est arrêtée en Tunisie pendant 23 ans, s'est accélérée au cours des 29 derniers jours, et les choses évoluent très rapidement et beaucoup de choses sont encore floues...
Tunis, 14 janvier 2011
Fathi Chamkhi
RAID-ATTAC/ CADTM TUNISIE