06/09/2011 wsws.org  7min #57077

 La puanteur de l'État policier

Les quartiers londoniens terrorisés par les rafles de la police

Par Paul Stuart
6 septembre 2011

Un mois après les troubles importants déclenchés par le meurtre de Mark Duggan le 4 août par la police, au nord de Londres, la police métropolitaine dans la capitale multiplie les rafles sur les communautés de la classe ouvrière.
Des quartiers entiers sont bouclés et la police antiémeute défonce des portes et emmène des gens de force. À Londres seulement, 2000 arrestations ont été effectuées, soit environ 100 arrestations par jour en moyenne depuis le début des émeutes. Les médias, prévenus d'avance, sont sur place pour filmer les rafles, leur préparation et le spectacle des jeunes embarqués dans les fourgonnettes de la police.

Une source de la police a confié au Sunday Times que les forces policières pourchassent 30 000 personnes qui, selon la police, seraient impliquées dans les perturbations. Nationalement, 40 000 heures de vidéos provenant de caméras de surveillance seront examinées et des officiers pensent que l'enquête pourrait durer des années.

Le 22 août, la police métropolitaine a rendu public un rapport affirmant que 3296 crimes avaient été enregistrés à Londres. Une source de la police a dit que « La Met veut savoir qui sont tous ces gens. »

La police métropolitaine, appuyée par la totalité de l'établissement policier, est complètement déchaînée depuis le début des émeutes. Le 11 août, 50 officiers on mené une rafle au Churchill Gardens Estate du quartier Pimlico à Westminster. Le Daily Telegraph a publié des extraits vidéos de la rafle en demandant la tête des « voyous de l'Angleterre qui se sont fait servir leur propre médecine aujourd'hui ».

Le Daily Telegraph a écrit ; « Lors d'un briefing, un chef de Scotland Yard a ordonné aux officiers de ne pas oublier les horreurs subies par les Britanniques en répliquant fermement, mais de manière "juridiquement énergique" ».

La même journée, 120 policiers d'une brigade antiémeute ont mené une rafle sur le parc de HLM Lambeth en défonçant les portes et emmenant des jeunes de force. Le commissaire Nick Sedgemore, qui dirigeait la rafle, a affirmé dans une déclaration : « Nous allons les attraper tous, jusqu'au dernier, et les poursuivre aussi sévèrement que la loi le permet... Cela ne nous dérange pas de criminaliser une section de la société. Nous ne sommes pas ici pour nous faire aimer, mais pour nous faire respecter... Nous en avons assez. Et nous allons leur faire peur un peu. »

Cette rafle faisait partie d'une centaine effectuée la même journée. Voici un exemple typique de déclaration que l'on pouvait trouver sur le site web de la police métropolitaine :

« En réponse à l'opération Withern, l'enquête du MPS [Metropolitan Police Service] à la suite des perturbations de Londres, les équipes locales de police de Lambeth et des enquêteurs spécialisés ont effectué des rafles dans des propriétés de Stockwell et Brixton, trouvant de nombreuses armes et des preuves de criminalité. Samedi le 14 août, des agents ont fait des recherches à Stockwell Gardens Estate dans le SW9, sous la supervision du sergent-détective Lucas. Ils ont trouvé trois couteaux, un marteau, un téléphone portable et une quantité de drogues illégales. Dimanche le 15 août, des agents ont fait des recherches à Moorland Estate dans le SW9. »

Un exemple des abus commis est démontré par les événements traumatisants pratiquement gardés secrets d'une rafle armée de la police métropolitaine à la maison familiale des Gardener à Harlesden, au nord-ouest de Londres. À 02h00 le 16 août, selon une dénonciation anonyme, un grand nombre d'officiers armés ont fait irruption dans la maison familiale de Leonie Reece et Delroy Gardener par les portes avant et arrière, alors que lui et sa conjointe regardaient la télévision au lit et que leurs trois enfants dormaient.

Les policiers ont pointé leur arme vers leur visage, y compris celui de leur fils de trois ans, Zion, qui s'est réveillé dans un état de terreur. Des agents armés ont ordonné à la famille de sortir de la maison dans leurs sous-vêtements, y compris à leur enfant âgé de dix mois, qui se remettait d'une pneumonie. Leur maison a été complètement saccagée.

Leonie Reece, 25 ans, a subi une grave crise d'asthme et a finalement été emmenée en ambulance. Elle a décrit la scène : « Mon fils a alors figé...il ne voulait pas sortir avec toutes ces armes braquées vers nous. J'étais tellement apeurée que j'ai dû lutter pour respirer. Mon fils de trois ans montait et descendait en courant, confus, et ne sortait pas de la maison parce qu'ils criaient et pointaient une arme en sa direction ».

Delroy Gardener, le conjoint de Léonie, un travailleur auprès des jeunes a déclaré: « C'était comme sorti d'un film d'horreur...Les policiers était tous masqués et tout ce qu'on pouvait voir, c'était leurs yeux. Je pensais qu'ils étaient des voleurs armés lorsqu'ils ont surgi, car ils étaient habillés en civil. C'est seulement quand ils m'ont emmené dehors que j'ai vu des policiers en uniforme. Tout ça a été extrêmement terrifiant...C'est comme si une tornade avait frappé notre maison ».

« Plus tard, la police m'a traité avec condescendance, comme si rien n'était arrivé, en disant : "passez une belle journée". Ils ont affirmé qu'une source anonyme les avait informés et que j'étais un pilleur ayant des armes à feu, mais comment est-ce que la personne qui a fait ces allégations en est venue à cette conclusion? »

« Les gens sont persécutés à cause d'accusations venant d'autres personnes. Je suis en colère, car s'ils ont fait cela sans preuve et seulement à partir de ouï-dire, personne n'est en sécurité dans sa maison. Cela peut arriver à tout le monde. »

Gardner a dit que l'arme pointée sur son fils Zion a traumatisé celui-ci :

« Zion était pétrifié et maintenant il mouille toujours son lit et fait des cauchemars. »

Cette vengeance de classe ouverte implique toutes les institutions de l'État.

Eoin McLennan-Murray, le président de l'Association des gouverneurs de prison, a dit, à propos des magistrats : « C'est comme s'il y avait des requins, du sang dans l'eau et que cela entraîne une véritable frénésie. On s'affole à condamner et on semble avoir perdu toute mesure. On fait appel à la mentalité populiste, et ce n'est pas la meilleure façon de condamner les gens.

« Les normes liées à la condamnation sont ignorées... Cette sorte de justice générale rapide signifie probablement que beaucoup de personnes sont traitées de manière non équitable. »

La déclaration de McLennan-Murray était une réponse au fait que la population des prisons a augmenté de plus de 1000 pour la troisième semaine de suite, atteignant un nouveau record à chaque fois. Les prisons ont dépassé leur capacité opérationnelle d'environ 87 000 prisonniers.

La BBC a analysé les plus récentes statistiques du ministère de la Justice liées aux individus arrêtés pour implication présumée dans des perturbations. Ils ont estimé que 70 pour cent de ceux arrêtés étaient placés en détention provisoire tandis qu'en 2010, seulement 10 pour cent de ceux qui comparaissaient devant le juge étaient placés en détention provisoire. De ceux qui étaient condamnés pour des désordres, 46 pour cent recevaient une peine de prison. En 2010, pour des infractions équivalentes, 12,3 pour cent recevaient des peines de prison.

Conséquemment, les autorités des prisons travaillent à « développer des plans de secours afin d'augmenter la capacité utilisable si jamais d'autres pressions étaient placées sur les infrastructures carcérales ». Certains proposent la mise sur pied de bateaux-prison.

De graves erreurs judiciaires et des abus des droits de la personne sont en train de survenir partout dans le pays. Mais les principales organisations de droits humains n'ont émis aucune réponse significative aux abus et aux dénis de procédures normales commis envers ceux qui ont été arrêtés et emprisonnés par les tribunaux qui opèrent même la nuit.

La police et les médias, fortement impliqués dans des activités criminelles, comme cela a été révélé par le scandale des écoutes téléphoniques lié à l'empire Murdoch, ont reçu carte blanche pour coordonner leur réaction dans la couverture des arrestations de masse. Le Daily Mail du 12 août a écrit un commentaire typique : « Après des jours de bombardements de briques et de cocktails Molotov, c'était l'heure de la vengeance. »

(Article original paru le 1er septembre 2011)

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