Ecrasées par l'augmentation constante du coût de la vie résultant d'une économie de marché contrôlée par quelques familles, les classes moyennes en Israël se révoltent et rêvent de l'Etat providence.
Lancée en juin via Facebook par le boycottage du fromage blanc, un aliment de base dont le prix avait flambé, la fronde a été relayée il y a deux semaines par une étudiante qui a planté sa tente au centre de Tel-Aviv pour clamer sa détresse face aux loyers chers.
Soutenue par l'Association israélienne des étudiants, son initiative s'est répandue comme une traînée de poudre. Il y a aujourd'hui des camps de toile dans la plupart des villes du pays, et la protestation s'amplifie malgré les initiatives annoncées dans l'urgence par le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour réformer le marché de l'immobilier.
La pierre flambe en Israël. En un an, les prix ont grimpé de 32 % à Tel-Aviv (64 % depuis 2008), une tendance qui se retrouve à l'échelle du pays et barre l'accès des jeunes couples à la propriété, leurs salaires stagnant.
"Le taux de croissance est de 4,5 % depuis plusieurs années, et il y a le plein emploi, ainsi que 80 milliards de dollars (56 milliards EUR) de réserves en devises. Au niveau macro-économique, c'est la prospérité", affirme à l'AFP Drora Bergman, une haute responsable de la Banque Hapoalim.
"En revanche, il faudrait que l'Etat intervienne pour contrôler les prix, car les classes moyennes, sur lesquelles repose l'économie, sont de plus en plus paupérisées par la loi féroce d'un marché étriqué et littéralement captif au profit de grandes familles", ajoute-t-elle.
Elle fait allusion aux quasi-monopoles de groupes familiaux comme Nohi Dankner (assurances, compagnie aérienne, supermarchés, téléphones portables, télévision), Lev Leviev (diamants, immobilier, télévision, carburants), Shari Arison (banque, autoroutes, immobilier), ou encore Yitzhak Tshuva (carburants, immobilier, construction, télévision, assurances).
Selon une récente étude de la Banque d'Israël, dix-huit familles et individus contrôlent à eux seuls des sociétés générant la moitié du PIB.
L'Organisation de coopération économique et de développement (OCDE) regroupant les pays les plus riches de la planète, qu'Israël a rejointe en 2010, a mis en garde contre cette concentration et le niveau des inégalités.
Une étude officielle publiée en novembre estimait à près d'un quart la proportion d'Israéliens vivant sous le seuil de pauvreté en 2009, soit un revenu mensuel moyen de moins de 3.630 shekels (740 euros).
Les protestataires s'insurgent contre le "capitalisme sauvage" et réclament la justice sociale. Des milliers de médecins, en grève depuis plus de trois mois, exigent ainsi de M. Netanyahu, en charge du portefeuille de la Santé, une amélioration de leurs conditions salariales et de travail.
Des milliers de mères de familles sont descendues dans la rue jeudi dans plusieurs villes en poussant leurs landaus pour s'élever contre les coûts d'inscription "abusifs" dans les jardins d'enfants. Les Collectivités locales ont appelé à une grève de "solidarité".
Le secrétaire général de la puissante centrale syndicale Histadrout (700.000 adhérents), Ofer Eini, a menacé M. Netanyahu d'"user de tous les moyens en sa possession" à compter de dimanche, si d'ici là les partenaires sociaux ne sont pas réunis "pour sauver les classes moyennes".
"Les dix-huit familles qui contrôlent l'économie israélienne se moquent de nous (...) Elles sucent notre sang avec leurs banques, leurs compagnies de téléphones cellulaires et leurs chaînes de supermarchés, et nous abrutissent avec la télévision", écrit Ari Shavit, journaliste vedette du journal Haaretz, qui appelle à "un nouveau contrat social".