30/01/2011 25 articles info-palestine.net  10min #48574

 Le peuple veut faire tomber le régime

Egypte : les manifestants maintiennent la pression

Les manifestations se poursuivent tandis que des leaders occidentaux commencent à exercer des pressions pour que Moubarak impulse des réformes radicales en Egypte.

D’après Al Jazeera

Moubarak a dissout le gouvernement, mais il refuse de démissionner. Les manifestations se poursuivent pour le 5e jour consécutif, et la police a fini par lâcher prise - Photo : EPA

Des milliers de manifestants anti-gouvernementaux sont restés sur la place Tahrir, en dépit de tirs en l'air par des troupes de l'armée pour tenter de les disperser.

Cette démonstration de défiance survient alors que l'Égypte vient de connaître une nuit agitée de troubles meurtriers, quand des pillards parcouraient les rues en l'absence de la police.

Il y a également des rapports selon lesquels plusieurs prisons à travers le pays ont été attaquées et que de nouvelles manifestations avaient lieu dans des villes comme Alexandrie et Suez.

Trente-quatre dirigeants des Frères musulmans ont été libérés de la prison de Wadi Natroun après que les gardes aient abandonné leurs postes.

Les manifestants au Caire, rejoints par des centaines de juges, se sont rassemblés de nouveau sur la place Tahrir, dimanche après-midi pour exiger la démission de Hosni Moubarak, le président égyptien.

Selon le correspondant d'Al Jazeera, les manifestants se sont confrontés à un camion de pompiers, et les troupes de l'armée ont tiré en l'air pour tenter de les disperser.

Il a déclaré aussi que les manifestants ont refusé de reculer, et qu'un commandant de char a alors ordonné au camion des pompiers de quitter les lieux. Quand le camion s'est éloigné de la place, des milliers de manifestants ont éclaté en applaudissements, certains montant sur les chars d'assaut pour féliciter les soldats.

Les avenues principales au Caire ont été bloquées par des chars d'assaut et des véhicules blindés, et un grand nombre de militaires ont été vus dans d'autres villes.

Scènes chaotiques

Les Egyptiens se sont réveillés à l'aube d'une autre journée de tensions après une nuit de tourmente, alors que les pillards parcouraient les rues en l'absence de la police qui avait disparue après avoir été incapable de faire face à des manifestations anti-gouvernementales sans précédent.

Plusieurs des principaux bâtiments de la capitale du Caire continuent à brûler ce dimanche matin, et des milliers de manifestants restés à camper dans le Tahrir Square réclament la démission de Hosni Moubarak, le président égyptien.

Les avenues principales de la capitale ont été bloquées par des chars d'assaut et des véhicules blindés.

Rapportant du Caire dans les premières heures de dimanche, Jane Dutton d'Al Jazeera à déclaré que la capitale égyptienne était « très, très calme » à l'aube.

« Il n'y a personne dans les rues. Comme nous l'avons vu au cours des deux derniers jours, le couvre-feu n'a certainement pas été efficace, mais les taxis ne sont pas sortis, car il n'y a personne à transporter, » a-t-elle déclaré.

« Les rues sont très sales, il y a des débris partout. La police a tout simplement disparu. Toute la sécurité à ce stade est entre les mains de l'armée. »

L'absence de la police a donné libre cours à des pillards, forçant les citoyens ordinaires à mettre en place des patrouilles de quartier.

« Des groupes sont descendus dans les rues pour tenter d'empêcher les gens de piller. Nous avons entendu des histoires de pillages dans plusieurs villes... [ces groupes de vigilants] n'ont pas été très efficaces », a ajouté notre correspondant.

Alors que la désorganisation a balayé le pays, 6000 prisonniers se seraient révoltés cette nuit dans la prison d'Abou Aabel, à la périphérie de la capitale, ont indiqué des témoins.

Selon Dina Magdi, un témoin oculaire, des hommes non identifiés, ce dimanche, sortis du ministère de l'Intérieur dans une voiture, ont jeté un corps dans une rue. Ils ont ensuite ouvert le feu sur les personnes présentes et se sont enfuis. Il y avait aucun rapport immédiat de blessés dans cette attaque.

Sherine Tadros, correspondant d'Al Jazeera dans la ville de Suez, a déclaré que la ville a connu une « nuit complètement chaotique », mais que les rues étaient calmes au lever du jour.

Elle a indiqué qu'en l'absence de la police et de l'armée, les gens « prenaient la loi dans leurs propres mains », en utilisant « des clubs [de base-ball], des matraques, des bâtons, des machettes [et] couteaux » pour protéger leur propriété.

Rawya Rageh, notre correspondant dans la ville portuaire d'Alexandrie, a rapporté des scènes similaires, disant que les gens étaient particulièrement préoccupés par leur sécurité personnelle et celle de leurs biens.

Au milieu du chaos, il y a de claires indications que les manifestations se poursuivront jusqu'à imposer la démission de Moubarak.

Dutton a déclaré qu'il ne faut pas s'attendre à ce que les manifestants arrêtent de se mobiliser à travers le pays, car « ils ne veulent qu'une chose, et une seule chose : que le pouvoir en place s'en aille ».

Pressions occidentales

Les États-Unis et plusieurs pays européens ont demandé à Hosni Moubarak, le président égyptien, de s'abstenir de toute violence contre des manifestants non armés et de s'activer à créer les conditions pour des élections libres et équitables.

Washington a déclaré à Moubarak samedi qu'il ne suffisait pas de « changer l'emballage » avec un remaniement de son gouvernement et l'a pressé de tenir sa promesse d'une véritable réforme.

« Le gouvernement égyptien ne peut pas juste changer l'emballage, puis faire comme si de rien n'était », a déclaré le porte-parole du département d'Etat PJ Crowley dans un message sur Twitter après que Moubarak ait dissout son gouvernement mais tout en indiquant clairement qu'il n'avait aucune intention de démissionner.

« Les paroles du président Moubarak s'engageant à la réforme doivent être suivies d'actes », a déclaré Crowley, faisant écho à l'appel d'Obama ce vendredi pour que Moubarak lance une nouvelle dynamique politique.

« Reconnaître les droits de l'homme »

Dans un communiqué publié à Berlin ce samedi, les dirigeants de la Grande-Bretagne, la France et l'Allemagne ont déclaré qu'ils étaient « profondément préoccupés par les événements en Egypte » [ce qui n'a jamais été le cas durant les 30 années qui ont précédées... N.d.T].

« Nous appelons le président Moubarak à entamer un processus de transformation qui devrait se refléter dans un gouvernement élargi, ainsi que dans des élections libres et équitables. »

Le trio européen a appelé Moubarak à répondre aux griefs de son peuple et à prendre des mesures pour améliorer la situation des droits humains dans le pays.

« Nous reconnaissons le rôle équilibré que le Président Moubarak a joué pendant de nombreuses années au Moyen-Orient. Nous l'appelons à adopter la même approche modérée à la situation actuelle en Egypte », précise le communiqué [ce n'est pas un service à rendre à Moubarak que de lui décerner ce genre de félicitations dans les conditions présentes - N.d.T].

« Les droits de l'homme et les libertés démocratiques doivent être pleinement reconnus, y compris la liberté d'expression et de réunion, et la libre utilisation des moyens de communication comme le téléphone et internet. »

Désignation d'un vice-président

Les messages au niveau international sont intervenus quelques heures après que Moubarak ait nommé comme vice-président le responsable des services de renseignements égyptiens, dans une initiative qui se voulait une réaction aux journées de manifestations anti-gouvernementales dans plusieurs villes du pays.

Omar Suleiman, jusque là chef des services de renseignements et d'espionnage de l'Égypte, a prêté serment samedi. C'est la première fois que Moubarak nomme un vice-président depuis le début de son règne de 30 ans. Ahmad Shafiq, un ancien commandant des forces aériennes, a été nommé Premier ministre.

Il s'agit d'un rendez-vous manqué pour satisfaire les manifestants dans le pays, car selon les correspondants d'Al-Jazira en Egypte, beaucoup de ceux qui sont dans la rue exigent un changement total du pouvoir et s'opposent à un recyclage de membres du Parti national démocrate (PND).

Des dizaines de milliers de personnes ont continué à se rassembler au Caire ce samedi, demandant la fin de la présidence de Moubarak.

Les manifestations se sont poursuivies en dépit d'un couvre-feu prolongé, qui d'après la télévision nationale est en place de 16 heures à 8 heures, heure locale.

Une présence militaire est également maintenue, et l'armée a averti la foule rassemblée à la place Tahrir au Caire que si elle défiait le couvre-feu, elle serait en danger.

Rôle de l'armée

Quelques centaines de personnes manifestent sur la place Tahrir, sous les yeux de l'armée qui a été déployée dans la ville pour réprimer l'agitation populaire balayant depuis le 25 janvier le pays musulman le plus peuplé du Moyen-Orient.

Ayman Mohyeldin d'Al-Jazira, rapportant depuis la capitale, a déclaré que les soldats déployés au centre du Caire ne sont pas intervenus dans les manifestations.

« Certains des soldats nous ont dit que la seule façon pour que la paix revienne dans les rues du Caire est que Moubarak démissionne », dit-il.

Le nombre de personnes tuées dans des manifestations au cours des cinq derniers jours a fortement augmenté, avec au moins 23 décès à Alexandrie et au moins 27 à Suez, avec 22 autres décès au Caire.

Des foules similaires se sont rassemblées dans les villes d'Alexandrie et de Suez, le samedi, ont rapporté les correspondants d'Al-Jazira.

A Suez, Jamal ElShayyal d'Al Jazeera a rapporté que 1000 à 2000 manifestants s'étaient rassemblés et que l'armée ne s'opposait pas à eux.

ElShayyal a cité un officier de l'armée qui disait que les troupes « ne tireraient pas une seule balle sur des Egyptiens ».

L'officier a aussi affirmé que la seule solution à l'agitation actuelle était que « Moubarak s'en aille ».

ElShayyal a dit encore que 1700 travailleurs du secteur public dans Suez s'étaient mis en grève illimitée jusqu'à la démission de Moubarak.

Démission du Cabinet

Plus tôt ce samedi, le conseil des ministres égyptien a officiellement démissionné en réponse aux manifestations, et Ahmed Ezz, un homme d'affaires et dirigeant de premier plan dans la direction du NPD a également démissionné de son poste de président du Comité de la planification et du budget.

Les manifestants ont saccagé et incendié l'un des principaux bureaux de sa société dans Mohandiseen, un quartier du Caire.

Mohamed ElBaradei, une figure de l'opposition, a déclaré à Al Jazeera que les manifestations continueront jusqu'à ce que le président démissionne.

Il a également souligné que le « système » politique devra changer en Egypte pour que le pays puisse avancer.

L'ancien chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a également exprimé sa « déception » devant la réaction américaine, mais il a souligné que tout changement devrait intervenir de « l'intérieur de l'Egypte ».

Il a dit aussi que Moubarak devrait mettre en place un gouvernement provisoire qui organiserait des élections libres et équitables.

Plus de 100 personnes ont été tuées dans les violences depuis ce vendredi.

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