Publié le 29 janvier 2011
Nous publions un texte de Nordine Tellaa, dirigeant associatif et animateur de Radio Gazelle. (Acrimed)
Le 7 février 2008, Radio Gazelle, la radio associative de la diversité, cessait d'émettre sur Marseille et sa région, cédant sa place à un réseau commercial parisien, France Maghreb 2.
Dans les trois semaines qui suivirent, plus de 60.000 Marseillaises et Marseillais signaient une pétition de protestation pour exiger le retour de Gazelle sur les ondes. Un comité de soutien composé des élus de tous bords et des personnalités de premier plan de la cité phocéenne s'est mis en place pour exiger qu'on rende la fréquence à la radio marseillaise. Les responsables de la station ont porté l'affaire devant le Conseil d'Etat, qui a jugé que ce transfert n'était pas correct et qui a retiré l'autorisation d'émettre à France Maghreb 2. Tirant les conséquences de cette décision de la haute juridiction, le CSA a réattribué le 98 mHz à Radio Gazelle, qui reprenait ainsi ses émissions le 9 août 2009, pour la plus grande satisfaction de ses nombreux auditeurs.
Mais quel objectif poursuivait Tarek Mami, patron de France Maghreb 2 ? A l'occasion de la journée nationale de la Culture, le 26 février 2010, Zine El Abidine Ben Ali, alors à la tête de la Tunisie, remettait à Tarek Mami le prix Hédi Laâbidi, pour le remercier de ses bons et loyaux services [1]. Dans un Interview à Europe-Maghreb, du 17 mai 2010, Monsieur Mami explique cette distinction par l'importance que représente pour Ben Ali la diaspora tunisienne en France. Le but de son « réseau » (hélas pour Ben Ali, amputé de Marseille) est de mettre en vitrine la politique du dictateur. Pour « informer » les Tunisiens de France, il diffuse la radio nationale sous contrôle du RCD (le parti de Ben Ali). Ce rôle, Tarek Mami y tient beaucoup, et c'est pourquoi ce prix a « une grande valeur dans l'évolution de ma carrière professionnelle... » dit-il au journaliste qui l'interroge [2].
Il croit tellement en la force et en la pérennité du monarque tunisien qu'il s'est totalement engagé dans le soutien au régime RCD en Tunisie. Et le 8 août 2010, Tarek Mami signe un appel à Ben Ali le suppliant de « vous porter candidat à un nouveau mandat présidentiel à l'horizon 2014 » et plus loin « toutes les profondes mutations autour de nous et celles à venir soulignent l'indispensable recours pour la Tunisie à un commandement de la taille de celle du Président Zine el Abidine Ben Ali, avec tout son poids et toute sa sagesse... » [3] rien que ça...
Evidemment, ce fanatique du RCD avait besoin de la fréquence marseillaise pour parachever son oeuvre au service de la voix de son maître.
C'est ce projet que le combat de Radio Gazelle, modeste précurseur de la révolution tunisienne, a cassé.
Nordine Tellaa
Notes[1] Tarek Mami reçoit le prix Laâbidi des mains de Ben Ali.