Par Patrick Martin
20 octobre 2011
Les manifestations mondiales samedi, appelées en solidarité au mouvement « Occupy Wall Street » à New York, ont donné une expression à la profonde colère ressentie par la population envers tout le système économique. Des centaines de milliers de travailleurs ont manifesté à travers le monde, prenant une position commune contre l'inégalité.
Le mouvement « Occupy » est apparu plus de huit ans après les manifestations internationales de masse contre l'attaque de l'Irak par les États-Unis, qui avaient entraîné 20 millions de personnes à travers le monde à manifester. Bien que les manifestations actuelles ne soient pas encore aussi grandes que les protestations antiguerre de février et mars 2003, elles démontrent une croissance de la conscience politique parmi de larges couches de jeunes et de travailleurs.
Il est significatif que les manifestations se soient développées largement en dehors du cadre des partis officiels et des syndicats, particulièrement aux États-Unis. Le Parti démocrate et l'AFL-CIO, ainsi que plusieurs groupes qui soutiennent ses organisations pro-capitalistes, ont cherché à intégrer les manifestations qui, dans leur orientation fondamentale, prennent une direction différente.
L'impulsion fondamentale du mouvement « Occupy » est l'appel à l'égalité sociale et l'opposition à l'oppression de classe. Les slogans principaux aperçus sur les pancartes faites à la main se concentrent sur le pouvoir des corporations et l'inégalité. Un slogan résume avec justesse le sentiment général : « Le système n'est pas brisé, il est né ainsi ».
Les questions de classe au coeur des manifestations viennent contredire les organisations « de gauche » de la classe moyenne qui ont promu pendant des décennies différentes formes de politiques identitaires, se concentrant sur l'ethnie, le genre, l'orientation sexuelle, comme moyen pour bloquer le développement d'un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière, tout en appuyant les partis bourgeois de l'establishment politique. Il y a une reconnaissance croissante que tous les travailleurs font face aux mêmes conditions de pauvreté, de chômage et d'exploitation
Les manifestations sont significatives d'une autre manière : leur caractère international. Des panneaux en anglais parmi les centaines de milliers de manifestants en Espagne, en Italie et dans d'autres pays clament : « Nous sommes les 99 pour cent ».
Le caractère mondial des manifestations et l'esprit de solidarité internationale sont fondamentalement une réflexion du caractère mondial de la crise du système capitaliste. La mondialisation a intégré les travailleurs du monde entier encore plus étroitement qu'avant dans un seul système économique. Les travailleurs font face à un ennemi commun, c'est-à-dire les banquiers et les sociétés multinationales qui contrôlent l'économie mondiale.
L'année 2011 est marquée politiquement par le développement de la compréhension du caractère international des luttes de la classe ouvrière. L'année a commencé avec les soulèvements en Tunisie et en Égypte, où des millions de travailleurs se sont mobilisés pour renverser les dictatures, appuyées par les États-Unis, de Zine El Abidine Ben Ali et de Hosni Moubarak, des dictatures vieilles de plusieurs décennies.
Dans les jours qui ont suivi la chute de Moubarak, les travailleurs de l'État américain du Wisconsin sont descendus dans les rues contre les demandes du gouverneur Scott Walker, qui voulait détruire les emplois, les salaires et les droits syndicaux. Plusieurs personnes avaient des panneaux qui comparaient le gouverneur du Parti républicain à Moubarak et qui affichaient leur détermination à « marcher comme un Égyptien » (« walk like an Egyptian »).
Pendant l'été, l'Europe a été secouée par des grèves des travailleurs en Grèce, des occupations de places publiques par les Indignados espagnols, des émeutes dans les quartiers les plus défavorisés de la Grande-Bretagne et d'autres manifestations d'opposition aux politiques d'austérité et à la destruction des emplois. En Israël, les manifestations les plus importantes dans l'histoire de ce pays ont eu lieu pour protester contre les inégalités sociales et des centaines de milliers de jeunes au Chili sont descendus dans la rue pour s'opposer aux attaques contre l'éducation publique.
Ces manifestations se sont influencées et ont été des sources d'inspiration entre elles. En particulier, la montée de l'opposition aux États-Unis entraînera de profonds changements. Pour des millions de personnes de par le monde, la classe dirigeante américaine est la source première de militarisme, de répression et de parasitisme financier. Les États-Unis sont présentés depuis longtemps comme un pays qui serait en quelque sorte exclu de la lutte historique de la classe ouvrière contre le système de profit et pour le socialisme. En fait, il n'y a pas d'autre pays où le conflit de classe soit si profondément enraciné.
Les manifestations « Occupy Wall Street » marquent un tournant majeur. Les gouvernements et les médias bourgeois claironnent sans répit leur solution à la crise : le pillage de la société par la destruction de l'éducation publique, de la santé et d'autres services, ainsi que par les coupes dans les emplois, les salaires et les retraites - tout cela dans le but d'entretenir et de faire fructifier la richesse d'une toute petite minorité.
Mais une autre solution est maintenant en voie d'être formulée, exprimée implicitement par les manifestations mondiales. L'orientation anticapitaliste de cette opposition émergente doit être développée en un mouvement conscient pour le socialisme, ce qui implique la saisie de la richesse accumulée par l'aristocratie financière et la réorganisation de la vie économique, sous le contrôle démocratique des masses, dans le but de servir les besoins de toute la population, et non le profit privé.
Cette transformation socialiste n'est possible qu'à travers la mobilisation de masse de la classe ouvrière internationale dans une lutte commune. Les manifestations « Occupy » sont un aperçu de ce prochain mouvement, encore plus puissant.
L'opposition au capitalisme n'en est qu'à une étape initiale. Les grandes questions de perspective et de programme ont à peine été soulevées. Un nouveau programme nécessite le développement d'un nouveau parti et d'une nouvelle direction politiques.
Seul le Comité international de la Quatrième Internationale, organisé dans les Partis de l'égalité socialiste à travers le monde, lutte partout sur la base d'une perspective socialiste révolutionnaire. Nous encourageons les jeunes et les travailleurs qui entreprennent aujourd'hui la lutte politique d'adhérer au SEP et de défendre cette perspective dans la classe ouvrière internationale.
(Article original paru le 17 octobre 2011)