Un véritable massacre a lieu au Bahreïn. Les forces de l'ordre tirent des balles réelles et tuent de sang froid des manifestants pacifiques non armés, au su et au vu du monde entier.
Ce samedi, la police a dispersé à coup de bombes lacrymogènes et abattu des manifestants qui commençaient à converger sur la place de la Perle à Manama aussitôt après le retrait des chars et des véhicules de l'armée.
Ce retrait hors de Manama a été ordonné par le prince héritier, Salman ben Hamad Al-Thani, comme condition posée par l'opposition pour entamer un dialogue avec le pouvoir.
Selon un responsable bahreïni qui a requis l'anonymat, l'armée "va se redéployer hors de Manama et la police va être chargée d'assurer l'ordre" dans la capitale.
Au moment même où l'armée commençait à se retirer de la place, des appels ont été lancés sur Facebook pour une nouvelle marche en direction de la place de la Perle dans l'après-midi.
Les chars et les véhicules blindés, qui s'étaient déployées jeudi dans ce secteur après la dispersion par la force d'un sit-in sur la place de la Perle, ont formé une colonne qui s'est ébranlée en direction de l'ouest.
L'armée avait tiré vendredi soir sur des manifestants à Manama, faisant des dizaines de blessés. Des sources de l'opposition ont indiqué que plus de 95 personnes ont été blessées vendredi soir seulement, dont trois sont dans un état de mort clinique.
Par ailleurs, près de 50 policiers ont fait défection et se sont ralliés aux manifestants alors que des policiers ont été traduits en justice pour avoir refusé de tirer sur les citoyens présents sur la place de la Perle à Manama.
L'opposition bahreïnie a rejeté samedi l'offre de dialogue faite par le prince héritier, exigeant au préalable la démission du gouvernement et le retrait de l'armée des rues de Manama où la répression du mouvement anti-régime a fait six martyrs en moins d'une semaine.
"Nous n'assistons pas à un langage de dialogue mais à celui des armes", a déclaré Abdel Jalil Khalil Ibrahim, chef du bloc parlementaire du Wefaq, principal groupe de l'opposition chiite. Cette offre de dialogue "n'est pas sérieuse", a commenté Ibrahim. "La situation se complique et je crains qu'elle n'échappe à tout contrôle".
« Nous ne pouvons pas dialoguer sous la menace des armes", a renchéri un chef de l'opposition de gauche, Ibrahim Sharif, estimant que l'initiative du prince héritier était "un pas positif" mais qui "nécessite des mesures favorisant le dialogue".
Il a cité "le retour des troupes et des chars dans les casernes, le droit de manifester et de se rassembler, y compris sur la place de la Perle", devenue un symbole du mouvement de contestation lancé le 14 février par de jeunes internautes.
Sharif, chef de l'Alliance nationale démocratique, a exigé également "un arrêt de la campagne des médias officiels, qui alimente une sédition confessionnelle" dans ce petit royaume peuplé majoritairement de chiites mais gouverné depuis le 18e siècle par une dynastie sunnite.
L'opposition réclame une monarchie constitutionnelle, un gouvernement élu et une alternance pacifique du pouvoir dans un pays où le poste de Premier ministre est occupé par cheikh Khalifa ben Salman Al-Khalifa, oncle du roi, depuis l'indépendance de Bahreïn, en 1971, et où les ministères de souveraineté sont tenus par des membres de la famille royale.
"Nous voulons un Etat démocratique, doté d'une Constitution qui établit une séparation entre les trois pouvoirs et dans lequel le roi sera le symbole de cet Etat", a expliqué Sharif.
La pression s'accentue sur les autorités: Londres a annulé 44 contrats d'exportation de matériels de sécurité vers Bahreïn.
Les Etats-Unis ont appelé leurs ressortissants à "reporter les voyages non essentiels" à Bahreïn où la présence militaire américaine n'a pas été encore affectée, selon le Pentagone.
Le président américain Barack Obama a rappelé, lors d'un entretien téléphonique vendredi avec le roi Hamad Ben Issa Al-Khalifa, que la stabilité de Bahreïn, siège de la Ve Flotte américaine, dépendait d'"un processus de réformes significatives".
De son côté, la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a estimé que le dialogue politique promis par le prince héritier "devrait débuter sans délais", se disant "profondément préoccupée" par le recours à la force contre les manifestants.
L'Iran a, elle, condamné les incidents sanglants et les affrontements violents à Bahreïn, par la voix de son porte-parole des Affaires étrangères Ramin Mehmanparast.
Il a demandé au gouvernement de Bahreïn de faire preuve de retenue et de s'abstenir de toute violence contre la population", a rapporté la radio-télévision iranienne sur son site internet.
Mehmanparast "a exprimé son inquiétude à propos du recours à la violence contre le peuple de Bahreïn et l'espoir que le droit des gens à exprimer leurs opinions soit respecté".