09/07/2011 info-palestine.net  4min #54993

 Les Egyptiens protestent contre la justification par l'etat de la violence policière

Place Al-tahrir, institution du peuple

K. Selim - Le Quotidien d'Oran

Les Égyptiens ne lâchent pas prise. Ils l'ont montré hier, malgré la forte chaleur, par dizaines de milliers en se rassemblant à nouveau dans la désormais mythique place Al-Tahrir. Ce qu'ils veulent ? Une accélération des réformes démocratiques et des procédures judiciaires contre les responsables du régime Moubarak accusés de meurtre et de corruption.

Même les Frères musulmans, suspectés de conclure un arrangement avec les militaires pour éviter un changement réel, ont participé au mouvement de protestation qui a touché l'ensemble du pays.

Il est clair qu'un climat de méfiance s'installe face aux intentions du haut commandement de l'armée qui se trouve face au dilemme de devoir accepter le démantèlement d'un système dont il était - et demeure - partie prenante.

Les militaires protestent de leur bonne foi et font valoir qu'ils font au mieux pour assurer une bonne transition. Il n'empêche. Les acteurs de la révolution ont le sentiment d'une insidieuse reprise en main avec des louvoiements dans la mise en œuvre des réformes et surtout une certaine complaisance à l'égard du personnel de l'ancien régime. La crainte de voir la « révolution volée », constamment présente dans les esprits, s'est renforcée ces dernières semaines. La relaxe de trois anciens ministres accusés de corruption et le nombre de plus en plus important de civils jugés par les tribunaux donne aux révolutionnaires le sentiment qu'une contre-révolution est menée par l'armée.

La transition devient une sérieuse mise à l'épreuve de l'armée, qui s'est bien sortie des chaudes journées révolutionnaires de janvier qui ont poussé Moubarak à la sortie. En évitant de réprimer, l'armée s'est attirée un capital de sympathie qui commence cependant à s'éroder alors qu'elle est sur les devants, exerçant le pouvoir de fait.

Les militaires sont-ils tentés de circonscrire leur changement au nom d'un besoin « d'ordre » qui est le propre des armées ? Sur cette question, les analyses divergent. Mais la vraie question est de savoir s'il est de l'intérêt de l'Égypte et de son armée d'entraver le changement et d'œuvrer à reconduire, sous une forme adaptée, le système autoritaire. La réponse est clairement non. Même si un « ordre » est rétabli pour un certain temps, avec l'aval des États-Unis, quelque chose de fondamental semble avoir changé en Égypte, qui ne le rend plus opérant. La grande révolte de la place Al-Tahrir a été l'occasion d'une rencontre rare entre des élites relativement aisées et une Égypte populaire qui considère que la dignité est aussi importante que le pain, voire plus importante.

Cette jonction a brisé ce qui faisait la puissance même du régime autoritaire : l'acceptation de la sujétion. L'idée, incrustée, que la misère et l'arbitraire sont dans l'ordre des choses était l'arme majeure du système en place. Et c'est cette idée, ce sentiment qui ont été balayés par les journées mémorables de la place Al-Tahrir. Il n'est donc pas anodin que la place Al-Tahrir reste le lieu par excellence de l'affirmation d'une dignité reconquise à laquelle les Égyptiens ne veulent plus renoncer.

Que les militaires tentent de « normaliser » est dans l'ordre des choses. La nouveauté politique fondamentale est la résistance des Égyptiens à cette normalisation. La nouveauté, cette magnifique institution de contre-pouvoir, de résistance qu'ils ont inventée : place Al-Tahrir.

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