21/06/2011 alterinfo.net  7min #54355

 En Grèce les banques exigent des mesures d'austérité brutales

La Grèce au bord du précipice

La Grèce, le patient le plus mal en point de la zone euro, semble proche de l'inévitable. La majorité des financiers, des banquiers et des économistes est convaincue qu'Athènes ne pourra plus éviter le défaut de paiement. Peu importe le degré (défaut technique ou insolvabilité totale), mais la Grèce n'est plus en mesure de rembourser ses dettes.

Et comme c'est généralement le cas, la crise politique s'est ajoutée à la crise économique et financière. En Grèce, la population se mutine sans interruption depuis la fin mai. Notamment les membres du Mouvement socialiste panhellénique (PASOK), au pouvoir, se révoltent contre le leader de leur propre parti.  Vendredi, le premier ministre grec Georges Papandréou a formé un nouveau gouvernement, qui devrait être soumis mardi 21 juin au vote de confiance au parlement. A moins que le vote puisse avoir lieu dès lundi. Pendant ce temps, l'Union européenne décidera s'il faut accorder à la Grèce une nouvelle aide qui devrait être comparable au montant de 110 milliards d'euros accordé un an auparavant.

On s'attend soit à une aide radicale ou à une catastrophe majeure. Mais personne ne s'attend à un rétablissement rapide.

Une bouée de sauvetage jetée par morceaux

Même si les dieux pouvaient descendre de l'Olympe avec tous les héros légendaires, cela n'aiderait pas aujourd'hui la Grèce. Et le maintien ou la dissolution du cabinet de Papandréou (sa majorité au parlement s'est réduite à seulement 15 sièges) importe peu. Pratiquement rien ne changera avec le départ des socialistes et l'arrivée des conservateurs de la droite. Comme leurs prédécesseurs, ces derniers devront mettre en place les mêmes mesures de rigueur budgétaire: réduire les dépenses publiques et diminuer les salaires.

Il n'existe pas d'autre solution. D'ici 2015, la Grèce devrait, selon les conditions des "sauveteurs" de  l'UE et du Fonds monétaire international (FMI), réduire ses dépenses budgétaires de 28 milliards d'euros. La dette extérieure du pays s'élève à 330 milliards d'euros.

Le plus important est qu'il est désormais clair que la première aide de 110 milliards d'euros n'a rien donné, et pour cela on ignore si une seconde aide apportera quelque chose. La première aide a été accordée trop tard et soumises à certaines conditions, donc la récession économie se poursuivra, l'assiette fiscale et les revenus du gouvernement continueront à diminuer, et ainsi les possibilités de payer les dettes seront réduites.

C'est un cercle vicieux. Afin d'obtenir un prêt de l'UE et du FMI, la Grèce doit remplir les conditions qui privent son économie de la perspective de croissance. Le coût des prêts augmente et le pays s'enfonce dans les dettes. La "consolidation financière" a déjà conduit à une chute de la production industrielle de 11%, et le taux de chômage a atteint 16%.

Tout cela revenait à jeter à quelqu'un qui se noie une bouée de sauvetage par morceaux en espérant qu'il ne s'essoufflera pas et arrivera jusqu'au rivage. Aujourd'hui, il est clair que la Grèce n'y arrivera pas sans un autre morceau. Et on ignore si cela sera efficace.

De combien d'argent la Grèce a-t-elle besoin?

L'Union européenne estime que la "seconde étape" du sauvetage de la Grèce nécessitera encore près de 120 milliards d'euros. Certains fonctionnaires de la Banque centrale européenne affirment qu'il est temps de multiplier par deux le fonds d'aide financière de l'UE, jusqu'à 1.500 milliards d'euros.

D'ailleurs, aujourd'hui on parle de faire participer au sauvetage de la Grèce non pas seulement 16 pays de la zone euro, mais tous les 27 membres de l'Union européenne. A tel point tout est devenu sérieux.

Comment continuer d'éteindre le "feu grec" et l'empêcher de s'étendre à l'Irlande, le Portugal et même l'Espagne? Ce thème sera à l'ordre du jour lors des prochaines réunions des membres de la zone euro à partir du 20 juin et du sommet estival de l'UE les 24 et 25 juin.

L'arithmétique la plus élémentaire montre que la Grèce n'épongera pas ses dettes sans injections financières supplémentaires. Le pays sera à l'agonie.

Il existe seulement deux solutions. Continuer à augmenter la dette afin que le pays puisse fonctionner (ce qui est impossible en raison du coût élevé des emprunts), soit annoncer la faillite. Peu importe la forme.

Il existe plusieurs options, dont la "reconversion", la "restructuration", le "délai", etc. Ces termes revêtent des sens différents, mais dans l'ensemble, notamment dans le cas de la Grèce, ce n'est qu'une jonglerie terminologique. Et tous ceux qui la pratiquent sont parfaitement conscients qu'il s'agit d'une faillite sous telle ou telle forme.

La question est seulement de savoir comment l'Union européenne pourrait amortir les conséquences de la faillite grecque, pour qu'en tombant ce pays ne détruise pas la base de l'euro et cette principale composante de "l'intégration européenne."

En fait, la Grèce pourrait plus facilement sortir de cette situation si elle pouvait s'offrir le luxe de quitter la zone euro. Elle pourrait rétablir sa monnaie nationale, la drachme, et annoncer sa dévaluation. Bien sûr, le prix des importations augmenterait considérablement, mais celui des exportations diminuerait. Et il serait possible de se serrer la ceinture pour par la suite augmenter les revenus, redresser l'économie et se sortir difficilement du fossé de la dette.

Parmi les options proposées il existe un scénario exotique, tel que le "divorce provisoire": la sortie provisoire de la zone euro, puis le retour. Mais la Grèce ne peut pas la quitter. Elle s'est trop enracinée dans la zone euro. Il faudra inévitablement recalculer et convertir toutes les dettes d'une monnaie vers une autre et perdre énormément d'argent.

Il existe également l'option de la "remise des dettes." La Grèce se trouve dans une situation que les pays émergents, du tiers monde, ont souvent traversée. On annulait tout simplement leur dette. Mais premièrement, personne n'a encore fait ce genre de manipulations avec un Etat développé, et deuxièmement, les montants sont incomparables. Par ailleurs, gracier les "gaspilleurs grecs" reviendrait à un suicide politique. Les électeurs de l'Union européenne ne pardonneraient pas ce genre de générosité.

Il faut aider la Grèce

Une autre école de "diagnostic" propose même d'introduire deux euros. L'un pour les "grands" et les membres disciplinés (l'Allemagne, la France, la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, etc.), et l'autre, avec un taux de change inférieur, pour les pays en retard (la Grèce, le Portugal, l'Irlande, l'Espagne).

Mais il sera très difficile d'introduire la double monnaie dans la législation européenne. D'autant plus que cela reviendrait à reconnaître ce que les économistes disaient depuis longtemps: la création d'une monnaie commune dans les conditions d'une telle disparité dans le développement économique des pays est une grosse erreur. On avait bien averti qu'en UE les uns devraient porter les autres sur leur dos. Et c'est précisément le cas actuellement.

Dans l'ensemble, toutes ces options peuvent être inter-changées, ajoutées ou enlevées comme un Lego. Mais aucune combinaison ne fournira la solution-miracle. Dans les 5-7 prochaines années, la Grèce traversera tout de même une période difficile. Et il en est de même pour l'euro.

Mais si on ne fait rien, cela est susceptible de conduire à l'effondrement de l'euro. Certains experts européens estiment que si on ne s'occupe pas rapidement et à nouveau du cas de la Grèce, le Vieux Continent sera menacé par une seconde crise des crédits, où la Grèce répéterait en quelque sorte la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en 2008. Mais il ne s'agirait pas d'une banque mais d'un pays tout entier. On assistera à une crise des liquidités, le coût des crédits augmentera, l'économie sera asséchée et le monde entier sera plongé dans une nouvelle crise. Et étant donné que les obligations d'Etat grecques ont été principalement acquises par les banques allemandes, françaises et belges, cela aura une incidence sur les locomotives de l'industrie européenne.

L'opinion de l'auteur ne coïncide pas forcément avec la position de la rédaction  Ria Novosti 

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