par Pascal Franchet
cadtm.org
Quelque chose d'extraordinaire est en train de se passer en Grèce qui marque à la fois un appui et une rupture globale avec les luttes acharnées mais défensives que connaît ce pays depuis bientôt 3 ans contre les différents aspects des mémorandums (plans d'austérité).
Passer à l'offensive devient possible !
Près de 3000 personnes ont assisté et participé aux 8 panels et aux ateliers qui ont émaillé les 3 journées de la conférence d'Athènes du 6 au 8 mai 2011 |1|. 30 000 internautes ont suivi également en direct les débats de cette conférence sans précédent.
Plus d'un million de personnes ont vu le documentaire « Debtocracy » (la Grèce compte environ 11 millions d'habitants). Ce documentaire existe actuellement en version grecque et sous titrée en anglais. Il sera très prochainement sous titré en espagnol et en français.
Les principaux enseignements de ce congrès sans précédent sont multiples :
a) Les questions liées à la dette, rendues inintelligibles par les médias et les possèdants, sont à la portée de tous et toutes, pour peu qu'on se donne la peine de construire des argumentaires lisibles à cet effet.
b) Le droit international reconnaît la possibilité de contester la dette au nom de la souveraineté nationale. Outre la condamnation des dettes odieuses, illégales ou illégitimes, l'état de nécessité (priorité donnée aux besoins sociaux) est reconnu dans plusieurs constitutions, dans différents textes des Nations Unies ainsi que dans la jusrisprudence internationale.
c) Les mécanismes mis en oeuvre dans les pays du Sud constituent des leçons utiles pour les Européens.
d) Les expériences de suspension ou d'annulation de la dette menées au Sud (Argentine en 2001 ; Paraguay en 2005 ; audit en Equateur en 2007 et 2008) sont des outils précieux aujourd'hui pour les peuples européens.
e) Identifier les responsables de la crise de la dette renforce la nécessaire mobilisation pour une riposte européenne contre la dette et les plans d'austérité (un même adversaire = un même combat). Les attaques sont de nature internationale, la riposte doit l'être également !
f) Les luttes actuelles du Magreb et du Machrek portent aussi les remises en causes de la dette. C'est tout naturellement que les solidarités concrètes Nord-Sud et méditérranéennes doivent se vivre désormais.
g) L'Euro fait naturellement question et l'Union européenne est structurellement définie comme un outil au service de la finance et du néolibéralisme tout comme la BCE et le FMI. De ce point de vue aussi, les peuples européens ont les mêmes adversaires que les peuples du Sud !
h) La dette est dite « publique » mais les informations relatives à celle-ci ne le sont pas !
i) En fait de « dette publique », la période qui suit la crise économique et financière est surtout marquée par la socialisation des dettes privées (banques pour l'essentiel).
j) Il est maintenant impératif de lier les revendications de l'immense majorité de la population (vie chère, emploi, salaires, fiscalité, services publics, garanties sociales, retraite, luttes contre les privatisations,...) avec la remise en question de la dette.
k) Créer une commission internationale d'audit est portée par une exigence forte de réponses à la crise. Elle n'a de sens et ne sera efficace que si elle est transparente, interractive et qu'elle permet la vie d'un espace entre les luttes locales et les travaux de cette commission.
l) Les mouvements sociaux, spontanés ou structurés, s'emparent de plus en plus des questions autour de la dette. Les liens avec la commission d'audit doivent se faire ou se renforcer.
m) L'initiative irlandaise pour un audit citoyen indépendant, portée par les associations AFRI, la coalition Debt and Development Ireland ainsi que par le puissant syndicat Unite, conforte l'idée d'une coordination européenne contre la dette.
Tout au long de ces 3 jours, la qualité des intervenants, mais aussi et surtout celles des questions et opinions exprimées par le public, les nombreux témoignages de souffrance et de luttes, ont montré les très fortes attentes et l'exigence de résultats de la part de tous les participants.
La déclaration finale reprend, comme une synthèse et un engagement, l'ensemble de ces questions soulevées pendant ces 3 jours.
Un espoir est mis en chantier depuis cette conférence qui de fait, ne s'est pas achevée le 8 au soir mais continue et devient vivante dans les mobilisations. Ainsi, le lundi 9 mai a eu lieu à Thessalonique, un meeting organisé par le mouvement « les femmes contre la dette » a réuni plus de 300 personnes avec comme invitée étrangère, Maria Lucia Fattorelli du réseau CADTM au Brésil. S'y sont exprimés des représentants de syndicats et d'organisations locales. Il a été l'occasion de lier, tout comme pendant la conférence, le vécu des citoyen(nes)s avec la problématique de la dette.
D'autres rendez-vous sont d'ores et déjà pris, à Bruxelles au Parlement Européen le 31 mai, à Londres en octobre prochain avec Coalition for Resistance.
D'ici là, la Commission Internationale d'Audit devra se mettre au travail et rendre pratique l'espoir mis en chantier à Athènes. Fort de son expérience au Sud et son expertise au Nord, le réseau mondial du Cadtm y apportera sa contribution.
Notes
|1| Conférence coorganisée par l'Initiative grecque pour un audit sur la dette, Eurodad, le CADTM, Bretton Woods Project UK, Research Money and Finance, Debt and Development Coalition Ireland, Afri d'Irlande, Jubilee Debt Campaign UK, l'Observatorio de la Deuda en la Globalización d'Espagne.