Communiqué de l'Appel Franco-Arabe
Les peuples de Tunisie et d'Egypte en lançant leurs grands mouvements insurrectionnels ont réussi à renverser des dictateurs liés et soutenus par des puissances impérialistes. La revendication de dignité et de souveraineté populaire a été omniprésente lors des journées révolutionnaires qui ont inauguré un processus de revendications massives qui s'est rapidement élargi à d'autres pays soumis à des pouvoirs oppressifs créés par l'étranger comme dans le cas de l'Irak, abritant des bases militaires étrangères comme dans le cas de Bahrein et de l'Arabie saoudite ou fortement liés à certaines grandes puissances comme la Jordanie ou le Yémen. Cette dimension visant à ce que les peuples arabes retrouvent leur dignité et leur souveraineté nationales constitue un élément essentiel des révolutions arabes qui ne peut être ignoré.
C'est dans cette perspective qu'il faut analyser les événements en cours en Libye. Comme dans le cas des autres peuples, il appartient au peuple libyen et à lui seul de décider de son avenir par les moyens qu'il jugera utile pour trancher le conflit et les drames intérieurs qu'il traverse en ce moment. Comme il en va pour les autres pays arabes, aucune ingérence étrangère dans ses affaires intérieures ne peut être tolérée en Libye. Cela violerait les principes de la Charte des Nations Unies et du Mouvement des non alignés auxquels la Libye a adhéré et auxquels sont tenus tous les Etats membres de ces organismes. L'Appel Franco-Arabe réitère à cette occasion ce principe à propos de la Libye et manifeste son souhait que les Libyens parviennent à sortir de la grave crise qu'ils traversent par leurs propres moyens et qu'ils préservent l'unité et l'intégrité territoriale de leur pays.
La protection des ressortissants étrangers présents en Libye ne peut servir de prétexte à des activités militaires étrangères sur son territoire. Des pays comme la Chine et la Turquie sont parvenus à rapatrier leurs ressortissants sans avoir imaginé recourir à la force militaire. Il doit en être de même des autres Etats, en particulier des anciennes puissances coloniales comme la France, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis, qui dans un passé pas si éloigné ont souvent pris prétexte du sort de leurs ressortissants pour lancer des opérations militaires qui ont abouti en fin de compte à la colonisation des pays concernés. Il est à craindre que ces puissances impérialistes cherchent surtout à se venger d'un régime qui leur a tenu tête et à établir des concessions pétrolières.
Si les peuples ont le droit de manifester leurs sentiments envers ce qui se passe dans des pays étrangers, les Etats n'ont de leur côté aucunement le droit de soutenir un camp contre un autre lors de conflits internes, que ce soit au nom de convictions idéologiques, de soutien à la démocratie ou de prétextes humanitaires. Ce principe concerne en particulier les grandes puissances qui, dans de nombreux cas, participent elles-mêmes à des actions meurtrières dans les pays qu'elles occupent ou dans lesquels elles participent à la formation des forces policières de répression. Chaque pays est le maître absolu de son territoire et de son espace aérien et maritime. Aucune puissance ni aucun organisme international ne peuvent limiter le libre exercice de ce droit. L'ONU n'a de droit dans ce domaine que lorsqu'un Etat en agresse un autre, ce qui n'est pas le cas de la Libye et d'aucune des forces participant au conflit interne actuel. Cela concerne en particulier les Etats qui, malgré le rapport Goldstone portant sur les crimes de guerre avérés commis par Israël lors de son attaque contre Gaza, n'ont pris aucune mesure pour faire respecter le droit international.
Ce constat est d'autant plus d'actualité dans la cas de la Libye d'où nous parviennent de nombreuses informations incontrôlées permettant le lancement d'un battage médiatique unilatéral qui ne peut être contrebalancé par un accès à des sources réellement contradictoires sur ce qui se passe vraiment dans les diverses parties du territoire libyen. Ce qui devrait d'autant plus pousser les acteurs internationaux à faire preuve d'un maximum de retenue. Personne en effet n'est en état de donner des chiffres tangibles sur le nombre des victimes du conflit en cours, leurs origines ni même de faire savoir quelles sont les forces qui participent aux combats. En tout état de cause, c'est aux Libyens de décider de l'avenir de leur pays.
L'Appel Franco-Arabe souhaite la poursuite des processus en cours de réaffirmation de l'indépendance des pays arabes et dénonce toutes les forces extérieures d'ingérence qui s'opposent à ces processus.
Paris, le 1er mars 2011
L'Appel Franco-Arabe s/c Sliman Doggui, 32 r. Javelot 75013 Paris
Président : René Lacroix ; Vice-président : Sliman Doggui ;
Secrétaire généraux : Patricia Latour ; Bruno Drweski ;
Bureau : Jean-Pierre Bastid, Maurice Cury, M. Da-Rhobi, Christiane Suchet, Jean-Gabriel Cochet, Serge Roux
Coordinateur : Yves Vargas
L'Appel Franco-Arabe a publié : « Irak, la résistance a la parole », « Vivre au Soudan », « Pour une paix véritable au Darfour », « Le chemin de Damas - L'avenir d'un peuple »