Au fil des heures sanglantes de l'insurrection du peuple libyen contre le colonel Kadhafi et son clan, de plus en plus de voix s'élèvent pour dénoncer le déchaînement de violences contre la population désarmée de ce pays.
K. Selim - Le Quotidien d’Oran
La folie meurtrière du « guide » de la « Grande Jamahiriya » ressemble à celle d'un fauve aux abois qui croit que la seule issue possible est dans un paroxysme de feu et de sang pour terrifier le peuple et casser son élan libérateur. C'est la version kadhafienne de la sinistre stratégie du Shock and Awe développée par George W. Bush et ses complices néoconservateurs contre le peuple irakien.
Devant l'horreur de cette répression où des moyens militaires sont utilisés contre des manifestants pacifiques, l'opinion mondiale exprime sa révulsion et son indignation. Des voix s'élèvent ici et là pour suggérer une intervention militaire occidentale pour sauver le peuple libyen et renverser définitivement le régime de Kadhafi.
Or, les Libyens insurgés le disent et le redisent sur tous les tons : ils s'en occupent eux-mêmes et ne veulent pas d'une intervention occidentale dont ils devinent clairement les intentions peu humanitaires. Les médias occidentaux n'accordent pratiquement aucune place à cette opposition populaire à une intervention « humanitaire » aux arrière-pensées pétrolières évidentes.
Les dénégations du chef de l'Otan et des dirigeants occidentaux ne sont guère convaincantes. Une intervention « militaro-humanitaire » est rendue de plus en plus plausible par la constitution d'une force navale substantielle à proximité des eaux territoriales libyennes. La suspension par l'Italie de son pacte de non-agression avec la Libye conforte les inquiétudes des observateurs, qui voient dans la programmation des réactions occidentales une mise en condition de l'opinion publique internationale pour une aventure militaire destinée à « sécuriser » les puits et les canalisations pétrolières sous le prétexte de protection du peuple libyen.
Ce scénario est rendu possible par l'extraordinaire silence des États voisins, dont on se demande s'ils conservent un minimum de responsabilité politique s'agissant de leur environnement géostratégique immédiat. Le mutisme des pays arabes voisins traduit certainement leur manque d'enthousiasme face à l'effondrement d'un régime avec lequel ils avaient tous partie liée. Ne rien faire et ne rien dire qui puisse gêner le colonel Kadhafi semble être la ligne observée par des États qui n'ont visiblement aucune capacité de réaction face à la désintégration du régime et aux risques d'une intervention étrangère.
Cette stupeur muette devant l'accélération des événements et leurs implications possibles est consternante. La déstabilisation prolongée de la Libye est pourtant lourde de dangers pour toute la région et devrait amener les États voisins à prendre leurs responsabilités. Il s'agit de mettre un terme à l'effusion de sang, de permettre aux Libyens de se libérer - quitte à ménager une porte de sortie aux tenants du régime de Kadhafi - et de réduire le risque d'une intervention occidentale.
La résolution du Conseil de sécurité, pour sévère qu'elle soit, se caractérise par l'absence de mesures immédiates visant à réduire la capacité de nuisance de Kadhafi. L'instauration d'une zone d'exclusion aérienne aurait permis de hâter la chute du régime et de limiter les risques d'une dérive vers le chaos. En refusant une telle mesure, le Conseil de sécurité renforce les suspicions.
L'importance de la Libye en tant que fournisseur d'hydrocarbures et sa situation stratégique sont les éléments objectifs du poker menteur joué par les grandes puissances.
Une coordination des voisins arabes pourrait garantir l'issue la moins douloureuse possible qui permettrait au peuple libyen de s'émanciper d'un régime absurde, tout en rendant impossible une intervention occidentale.
Le peuple libyen est, à n'en pas douter, prêt à accueillir favorablement une initiative régionale visant à tourner la page du régime et à assurer une transition vers la nouvelle Libye. Toute la question est de savoir si ces États en ont la capacité.
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