Un article du Temps publié le samedi 26 février 2011 intitulé : « La Libye est clouée au pilori », écrit par Stéphane Bussard, se réjouit vivement de cette décision du Conseil des droits de l'homme (CDH), s'exclamant : « rarement l'institution onusienne, souvent décriée, n'avait joui d'une telle crédibilité ».
C'est bien vrai, ça. Mais pourquoi donc, ce Conseil des droits de l'homme ne jouissait-il pas de crédibilité, on se demande.
L'article poursuit, enthousiaste :
« La réactivité du Conseil aura rarement été aussi forte, les massacres perpétrés par le colonel Kadhafi continuant de faire rage dans la capitale libyenne, où le dirigeant libyen semble prêt à mener jusqu'au bout la politique du pire ».
Mais aussi :
« Soutenue par 61 Etats, la résolution condamne avec la plus grande fermeté les graves violations des droits de l'homme en Libye. Elle recommande que Tripoli soit suspendu du CDH. Jamais l'institution onusienne n'avait osé aller aussi loin dans la condamnation d'un Etat qui se rend coupable d'abus aussi patents des droits humains ».
Et encore:
"Très décrié pour des dérapages dont il s'est fait l'auteur, le Conseil des droits de l'homme acquiert tout à coup une crédibilité considérable qui lui a parfois fait défaut".
C'est indéniable: "Jamais l'institution onusienne n'avait osé aller aussi loin dans la condamnation d'un Etat qui se rend coupable d'abus aussi patents des droits humains".
Il est vrai, aussi, que ce qui se passe en Libye, c'est du jamais vu. Ce qui explique, sans doute, la "réactivité sans précédent" du CDH, qui, reste, sinon, les bras croisés, à ronronner dans son coin, attendant, en vain, une petite violation des droits de l'homme de rien du tout pour montrer les dents.
Certes, le Temps oublie un peu vite que la "réactivité" du CDH vis-à-vis des violations des droits humains en Libye n'est peut-être pas tout à fait aussi remarquablement véloce qu'on pourrait le penser.
D'abord, la Lybie a un long passé de répression violente, d'incarcérations arbitraires et de tortures envers son peuple, en particulier envers les islamistes, et plus récemment, à l'encontre des candidats à l'immigration en Europe que l'UE avait chargée de mater. Ce que le gouvernement libyen faisait consciencieusement - un zèle fort apprécié de l'UE, soit dit en passant.
Mais, enfin, c'était pour la bonne cause. Qui veut des barbus au pouvoir, ou qui veut voir échouer sur nos rivages un flot de va-nu-pieds en provenance de toute l'Afrique, qui, entre parenthèses, ferait bien d'entrer dans l'Histoire au lieu de venir compléter la nôtre.
D'ailleurs, le CDH y avait trouvé si peu à redire que la Libye avait été élue membre du Conseil en mai 2010.
La gravité de la situation et la violente répression du soulèvement en Libye, selon la Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, Mme Navi Pillay, requièrent une telle attention urgente.
Oui, tout à fait.
De même, a-t-elle déclaré:
«Les manifestants qui, exerçant leur droit à la liberté d'assemblée, ont dénoncé le comportement brutal de leur gouvernement, continuent de le défier au grand péril de leurs vies; ils en ont appelé aux Nations Unies et à la communauté internationale pour leur protection», ajoutant que, loin d'être manipulée par des forces extérieures, on assiste à une manifestation du pouvoir du peuple - un exercice de démocratie directe qui mérite et exige le respect et le soutien internationaux.
On ne peut mieux dire. Le totalitarisme ne passera pas par nous. Et le peuple a le droit de s'exprimer sans crainte s'il n'est pas content de ses dirigeants. En tous cas, dans nos démocraties éclairées.
De son côté, M. José-Luis Gómez del Prado, président du Groupe de travail sur l'utilisation de mercenaires comme moyen de violer les droits de l'homme, a dénoncé un usage excessif et disproportionné de la force à l'encontre des manifestants, faisant état d'actes de torture et d'arrestations arbitraires.
Il a ajouté que les autorités auraient engagé des mercenaires pour soutenir la répression à l'encontre des manifestants.
Là, pareil: un scandale, ces mercenaires! Il faut être tordu comme Kadhafi pour seulement y songer. Rien à voir, évidemment, avec Blackwater ou leur rejeton, Xe, qui, eux, sont des Combattants de la Démocratie et de la Liberté venus prêter main forte aux Combattants de la Démocratie et de la Liberté officiels.
Lors de cette session extraordinaire, certains membres de l'assemblée n'ont pas eu de mots assez durs pour condamner Tripoli.
Ainsi, notre représentant du Pays des Droits de l'Homme ne pouvait pas en faire moins que les autres. Et il ne s'est pas gêné.
M. Jean -Baptiste Mattei (France) s'est félicité que le Conseil ait décidé de se saisir de la situation en Libye.
L'extrême gravité de la situation sur le terrain et l'ampleur des violations des droits de l'homme l'exigent, a-t-il souligné. Il a fait remarquer que les informations qui parviennent de Libye sont extrêmement préoccupantes.
La population civile est l'objet d'une violence brutale, aveugle et révoltante qui atteint des proportions inqualifiables. La communauté internationale ne peut rester indifférente face à ces violations massives des droits de l'homme et doit se mobiliser afin de mettre fin à ces exactions.
Les valeurs que porte la France ne sauraient être bafouées et les actes "d'une violence brutale, aveugle et révoltante qui atteint des proportions inqualifiables" qui pourraient "être assimilables à des crimes contre l'humanité" doivent être condamnés sans ambages, selon M. Mattei, qui précise ensuite, que "toutes les options doivent être étudiées, y compris la saisine de la justice pénale internationale" ((la suite ici).
Ah, ça rigole pas pour dénoncer les violations des droits humains! Salah doit se réjouir du fond de sa cellule.
Pour autant, certains membres de l'assemblée, s'ils ont tous condamné ces atrocités, ont mis un bémol à ces accusations sans appel.
Le Temps explique:
"La résolution n'en a pas moins buté sur des réticences. Le délégué chinois, très discret, a estimé qu'il était inopportun de créer un précédent en suspendant un membre du Conseil. Cuba, qui s'est fendu d'une déclaration surréaliste, a aussi manifesté sa crainte du précédent. Au sein de l'Union européenne, l'Italie et Chypre ont longtemps freiné des quatre fers pour tenter d'éviter la suspension.
On voit bien tout de suite qu'il s'agit de pays peu recommandables quand même.
Le délégué chinois, "très discret", et pour cause - eh, oui, monsieur le Chinois, on sait bien comment ça se passe chez vous, et si la CDH avait fait preuve de réactivité, il y a longtemps que vous ne feriez plus partie de ce Conseil composé d'honorables représentants de chefs d'Etat, tous soucieux de respecter les droits humains.
Et Cuba. Ah, Cuba! parlons-en! Cuba, donc, qui "s'est fendue" (pas un poil méprisant, évidemment) d'une déclaration" surréaliste", a aussi manifesté "sa crainte du précédent". Eh, oui, Cuba, bien connue pour ses violations des droits humains, aussi. On comprend que le délégué cubain tremble d'être, lui aussi, épinglé, comme le suggère, à juste titre, le journaliste lucide.
D'ailleurs, voici la déclaration "surréaliste" du délégué cubain:
M. Rodolfo Reyes Rodriguez (Cuba) a rappelé la déclaration du Ministre des affaires extérieures cubain qui a exprimé le souhait que le peuple libyen puisse trouver une solution pacifique et souveraine à la situation actuelle, sans aucun type d'ingérence étrangère et qui garantisse l'intégrité de la nation libyenne.
Comme le reste de la communauté internationale, Cuba est préoccupée par les morts et les dommages subis par la population civile.
Personne ne peut accepter la mort de civils innocents, a-t-il souligné. Sur ce point, Cuba partage l'avis de la communauté internationale, mais ne peut accepter que l'on puisse profiter de manière opportuniste de cette situation pour enlever au peuple libyen sa souveraineté et s'approprier ses ressources.
Par ailleurs, le délégué cubain a rappelé que son pays s'était opposé, au moment de la création du Conseil, à la clause d'exclusion des membres. Selon lui, invoquer cette clause ouvrirait la porte à ceux qui souhaitent utiliser ce mécanisme de façon sélective à l'encontre de pays qui ne partagent pas leurs points de vue".
Surréaliste. C'est ça. On ne peut pas trouver plus approprié.
A défaut d'avoir la déclaration du représentant d'Israël, qui, curieusement, n'est pas membre du Conseil, et qui, on le constate tous les jours en ce moment, est la seule démocratie du Moyen-Orient, puisque son peuple est le seul à ne pas s'être révolté, et qui ne saurait, d'ailleurs, se livrer à de telles exactions, voici, celle des États-Unis, modèle, s'il en est, d'une démocratie bon enfant et attachée aux valeurs humaines:
Mme Eileen Chamberlain Donahoe (États-Unis) a rappelé que le Gouvernement libyen avait la responsabilité de protéger sa population, mais a constaté qu'en fait, il attaque sa population. Des informations indiquent que le bilan se chiffrerait à plusieurs centaines de victimes, a-t-elle poursuivi. Ce bain de sang est totalement inacceptable et doit cesser immédiatement, a-t-elle déclaré.
Aux pilotes des forces aériennes libyennes qui ont refusé d'obéir à des ordres, aux diplomates qui se sont exprimés contre les atrocités commises par leur gouvernement, aux hommes et femmes qui manifestent pacifiquement dans les rues libyennes pour exprimer leur aspiration à une vie meilleure, les États-Unis indiquent qu'ils sont à leurs côtés pour soutenir leurs aspirations à la liberté, à la justice et à la dignité.
Les États-Unis exhortent le Conseil des droits de l'homme à adopter une résolution qui condamne les violations des droits de l'homme perpétrées par le Gouvernement libyen; souligne la nécessité d'assurer l'obligation redditionnelle des personnes responsables de ces crimes; et établisse une commission indépendante d'enquête.
Je ne sais pas vous, mais j'ai l'impression qu'on nous enfume, Non?
Bon, ce n'est pas grave, parce que, qui a peur des décisions du Conseil des droits de l'homme ?
Et qui a peur d'être condamné pour crimes contre l'humanité?
En tous cas, pas pour [ceci], ni pour ça. Ni même pour ça.
Le tout, finalement, c'est d'être du bon côté du joystick.
Rien ne sert d'ouvrir le parapluie quand il pleut des hallebardes