Par Saïd Radjef
Bouteflika trois fois mal élu, peut se frotter les mains aujourd'hui. Ces adversaires qui viennent pour la deuxième fois consécutive d'appeler les Algériennes et les Algériens à une mobilisation générale pour renverser un régime qui estime être investi par un pouvoir divin, a à peine drainé 1000 personnes, ce matin à Alger. Le peuple qui n'ignore rien des méthodes frauduleuses du régime ainsi que du fiasco et du simulacre d'élection de Bouteflika par les généraux du DRS (Département du Renseignement et de la Sécurité), a refusé de répondre favorablement à l'appel de l'opposition. C'est une punition que vient d'infliger le peuple à la classe politique.
Tout le monde s'accorde a dire que ce régime qui dispose à sa guise des richesses du pays est illégitime, qu'il a été incapable de faire doter le pays d'un projet de société et qu'il a bâti toute sa politique sur le triptyque répression, corruption et mensonge. Mais tout le monde s'accorde à dire également que l'opposition ne s'est jamais acquittée honorablement de ses devoirs moraux vis-à-vis du peuple. Face au processus totalitaire engagé par le MALG (Ministère de l'Armement et des Liaisons générales)(DRS) après avoir vidé le Congrès de la Soummam de son contenu politique en 1957, les élites algériennes ont joué sur le tableau du conformisme et du compromis avec la junte, en reconduisant le plus souvent les querelles et les archaïsmes du mouvement nationaliste.
Aujourd'hui encore, alors que la fièvre du changement fait tomber l'un après l'autre les tyrans des régimes arabes, l'opposition algérienne n'arrive pas à se placer au coeur des attentes légitimes du peuple pour la restauration d'un État de droit et encore moins a anticiper sur le cours des événements. Le verdict, loin d'être une caution au régime militaire, est sans appel, contre une opposition qui a cru se décharger de ses responsabilités historiques, en renvoyant la balle dans le camp du peuple.
Il reste maintenant à savoir si l'opposition saura se défaire de ses complaisances et de ses faux semblants et tirer toutes les leçons du passé pour se reconstruire une légitimité et reconquérir à nouveau la confiance du peuple.
Le peuple n'est ni dupe ni amnésique. Comment voulez vous qu'il manifeste à l'initiative des bourreaux qui le méprisent, qui ont appelé à l'interruption du processus démocratique, qui ont soutenu la répression et qui déclaraient toute honte bue qu'ils se sont trompés de société ?
On a dit que la marche du 19 serait un échec comme celle qui l'a précédée une semaine plus tôt. En fait, on s'est trompé, ce n'est pas un échec mais un fiasco !
On a également dit il y a quelques jours que le changement en Algérie connaîtra un processus beaucoup plus long par rapport à celui de l'Égypte ou de la Tunisie, à cause du traumatisme de la décennie sanglante, à cause de la perte de confiance même vis-à-vis de l'opposition et surtout à cause du travail de sape du DRS. Les gens qui pensent que les généraux vont lâcher le pouvoir facilement se trompent. Ils ne l'ont pas lâché dans les années 1990 lorsque les prix du baril avoisinaient 10$ et comment voulons-nous qu'ils vont le faire aujourd'hui avec une rente multipliée par 10 et une cagnotte de plus de 150 milliards de $ ? N'ont-ils pas été capables de massacrer des centaines de milliers d'Algériens pour se maintenir au pouvoir ?
Il ne faut pas se leurrer, le seul langage que ces généraux voyous connaissent est la violence, et seules les émeutes ou un soulèvement populaire est en mesure de les faire vaciller, mais jamais au grand jamais une marche de la CNCD (Coordination nationale pour le changement démocratique) infiltrée et dont les promoteurs ne sont même pas convaincus du bien fondé de leur démarche.
En Algérie, il n'y a pas d'opposition crédible et nous ne devons pas nous cacher la face. L'opposition "officielle" s'est discréditée en choisissant la compromission, le gîte au club des pins, un salaire à 40 millions pour leurs représentants, les divers privilèges... Quant à l'opposition qu'on qualifierait un tant soit peu de "sincère" [FFS (Front des forces socialistes), Rachad...], elle pêche par un manque de maturité flagrant. Son incapacité à s'unir en dit long sur le travail fractionnel opéré par les laboratoires de la police politique. Une opposition qui est incapable d'opter pour des choix stratégiques, divisée artificiellement, et oeuvrant dans un ostracisme idéologique, n'a absolument aucune chance de déloger les délinquants politiques qui nous gouvernent.
C'est pourquoi certaines personnalités, à l'instar de Ait Ahmed, Hadjres, Hidouci, Samraoui... refusent de se prêter à cette mascarade et de lancer quelque appel que ce soit, préférant opter pour un travail discret et de fond, loin des projecteurs et des gesticulations inutiles. Le jour où il y aura la tenue des assises de l'opposition, un grand pas vers la libération aura été accompli. Il n'y a pas de place à l'ego si on veut chasser les imposteurs et restituer la souveraineté au peuple.
Je suis en partie d'accord avec la thématique qui fait de l'Iran un objectif de cette "fièvre démocratique" qui secoue les pays arabes. Mon amie, Zineb Azouz, dans un post sur LQA, a bien résumé la situation. Ne perdons pas de vue la déclaration de Georges Bush qui faisait de l'Iran le pire ennemi des USA, et que ce pays sera la prochaine cible de la démocratie chrétienne une fois qu'elle aura fini avec l'Irak et l'Afghanistan. On dit en partie seulement, car chaque pays possède sa propre spécificité, sa propre histoire et ses propres mythes.
Les puissances occidentales cherchent à préserver leurs intérêts, accroître leur domination et piller à moindre frais les richesses des pays du sud, c'est pourquoi elles encouragent les dictatures, la corruption, et tout ce qui pourrait s'opposer à leur hégémonie. La présence d'Israël dans la région et le soutien indéfectible apporté à l'État hébreu ne sont pas fortuits.
Mais encore une fois, le sort des Algériens est entre leurs mains. La jeunesse finira par triompher, le DRS le sait ; il ne pourra rien si la rue s'enflamme et si leurs policiers qui agissent en véritables mercenaires sont débordés. Ce n'est pas pour rien qu'ils ont mobilisé plus de 30.000 policiers et payé des centaines de "contre-manifestants" pour empêcher une marche qu'ils ont largement infiltrée et noyautée.
La junte au pouvoir ne sera renversée que le jour où tous les Algériens, toutes tendances confondues, se dresseront comme un seul homme, pour rejeter le mépris, l'injustice, la spoliation et le pillage des « indus » occupants qui prennent l'Algérie en otage depuis plus d'un demi siècle. Le jour où ils seront prêts au sacrifice, alors il n'y aura aucun doute que les jours des criminels seront comptés. On reste tout de même persuadés qu'en dépit des déchirements de l'opposition, l'année 2011 sera celle du changement, pour peu que les gens soient conscients que le DRS a atteint ses limites, mais nous devrons rester vigilants et ne pas permettre un changement cosmétique...
Source : Le Quotidien d'Algérie