Les organisateurs prévoient « une marche par millions » ce mardi pour tenter de renverser le président Moubarak alors que l'armée s'engage à ne pas recourir à la force.
Al Jazeera
Les protestataires ont commencé à se rassembler dans la capitale égyptienne pour une « marche prévue de un million », exigeant le départ d'Hosni Mubarak, le président égyptien contesté.
Des milliers de manifestants ont commencé à converger tôt mardi matin vers la Place de Tahrir du Caire, qui a été le point focal des manifestations dans la capitale et sert de lieu de rassemblement pour la marche qui doit débuter le huitième jour d'un soulèvement qui a jusqu'ici coûté la vie à plus de 125 personnes.
Une autre marche forte d'un million de participants est prévue dans ville méditerranéenne d'Alexandrie, où des services nationaux de trains ont été annulés, dans une volonté apparente d'entraver les manifestations.
Rapportant du Caire, une correspondant d'Al Jazeera a rapporté que le nombre de personnes vues sur la Place de Tahrir ce mardi matin, était le plus grand jamais vu jusqu'ici.
« Les nombres sont certainement plus importants que ceux nous avons vus ces derniers jours. Beaucoup de personnes à qui j'ai parlé m'ont assuré qu'elles participeraient, en dépit des possibilités qu'elle pourraient devenir violentes, » a-t-elle dit.
« Vous avez vraiment le sentiment que les organisateurs obtiendront les nombres qu'ils souhaitent. Tout le monde est là, malgré le fait qu'Internet soit toujours coupé... Les gens ont la volonté d'assister à cette marche du million.
« Probablement les seules personnes qui ne seront pas présentes aujourd'hui, sont évidemment les partisans du président,... les Egyptiens habitant au Caire qui sont partis dans des endroits comme Sharm Al-Shaikh où ils recherchent une sorte de sécurité, et ceux qui seront restés dans leurs maisons pour les protéger contre des pillards. »
« Mais tous les groupes, jeunes, vieux, riches, pauvres, Chrétiens, Musulmans sont tous là [à la Place de Tahrir]. »
Gigi Ibrahim, une militante politique qui prévoit de participer au rassemblement, a indiqué à Al Jazeera que les protestataires ne seront pas satisfaits tant que Mubarak sera en place.
« Je pense qu'aujourd'hui il y aura un très grand nombre de gens dans la rue... que chaque jour nous sommes plus nombreux que la veille. Je pense que les manifestations s'accélèrent. Le peuple... ne cédera littéralement pas jusqu'à ce que Mubarak soit parti, » dit-elle.
En ce qui concerne le blocage complet d'Internet, un reporter en ligne d'Al Jazeera au Caire a estimé : « Pour la plupart, l'Internet est inutile aux manifestations. Il y a les téléphones portables puisque le blocage des réseaux de mobiles s'est arrêté il y a quelques jours ».
« L'exigence [du message des protestataires] est : 'Mubarak doit encore s'en aller'... qui est l'objectif de chacun à qui nous avons parlé. »
« Ils savent qu'ils doivent franchir une étape décisive, soit une marche sur le palais présidentiel, ou peut-être sur la télévision d'état. »
Les organisateurs des manifestations ont annoncé une grève générale illimitée et appelé à un « une marche d'un million » dans la capitale égyptienne, ce mardi, le huitième jour d'un soulèvement qui a fait au moins 125 morts dans des affrontements entre manifestants et policiers.
Une autre marche d'un million de participants était prévue dans la ville portuaire méditerranéenne d'Alexandrie, destination vers laquelle tous les services ferroviaires nationaux ont été annulés dans une tentative apparente de contrecarrer les manifestations.
Les nouvelles manifestations se produiront alors que la police unanimement haïe est de retour dans les rues.
Mais tandis que la posture que va adopter la police face à la grève et aux marches reste inconnue, l'armée égyptienne a clairement indiqué lundi qu'il ne tenterait pas de les arrêter.
Face à la perspective d'un nombre considérable de personnes voulant converger sur la capitale, les autorités égyptiennes ont annulé toute circulation des trains, avec effet immédiat dès lundi après-midi.
Et la compagnie aérienne EgyptAir a dit qu'elle annulait tous les vols intérieurs et internationaux à partir de 15 heures (1300 GMT) jusqu'à à 8 heures (0600 GMT), jusqu'à nouvel ordre, coïncidant ainsi avec le couvre-feu décrété au Caire, à Alexandrie et à Suez.
Engagement de l'armée
Dans un communiqué publié lundi, l'armée a déclaré : « la liberté d'expression » a été garanti à tous les citoyens par des moyens pacifiques.
« Au grand peuple d'Egypte, vos forces armées, reconnaissant les droits légitimes du peuple », dit le communiqué, « n'ont pas utilisé et n'utiliseront pas la force contre le peuple égyptien ».
C'était la première confirmation explicite par l'armée qu'elle ne tirerait pas sur les manifestants qui ont pris les rues d'Egypte, et elle survient un jour avant le mardi de « la Marche par Millions ».
« La présence de l'armée dans les rues est pour vous et pour assurer votre sécurité et votre bien-être. Les forces armées ne vont pas recourir à l'utilisation de la force contre notre grand peuple. »
« Vos forces armées, qui sont conscientes de la légitimité de vos demandes et sont déterminées à assumer leurs responsabilités dans la protection de la nation et des citoyens, affirment que la liberté d'expression par des moyens pacifiques est garantie à tout le monde. »
Le même communiqué a exhorté les gens à ne pas recourir à des actes de sabotage qui violent la sécurité et détruisent les biens publics et privés. Il a averti qu'il ne permettrait pas que l'on pille, que l'on attaque et « terrorise les citoyens ».
"Mourir pour quelque chose est mieux que de vivre pour rien" - Photo : AFP
Les manifestants ont appelé à une manifestation massive et à une grève générale par roulement à compter de ce mardi.
Le ainsi-nommé Mouvement du 6 avril a déclaré qu'il envisage d'avoir plus d'un million de personnes dans les rues du Caire.
L'appel a été lancé alors que Moubarak a nommé un nouveau cabinet dans une tentative de désamorcer les manifestations en cours à travers le pays.
Appel à des entretiens
Omar Suleiman, le nouveau vice-président égyptien, a déclaré lundi que Moubarak l'avait chargé de l'ouverture « immédiate » d'un dialogue avec l'opposition « sur toutes les questions concernant les réformes constitutionnelles et législatives ».
Il a dit que des mesures étaient en cours pour appliquer les décisions de la cour d'appel contestant les résultats des élections législatives de l'automne dans certaines circonscriptions.
Toutefois, les membres de l'opposition dans la capitale égyptienne ont dit à notre correspondant qu'ils rejetaient l'offre de dialogue.
« Ils disent que ce n'est pas une question d'une approche différente de Moubarak, ils ne veulent pas Moubarak », nous dit-il.
« Ils disent qu'ils ne veulent pas entrer dans un dialogue avec M. Moubarak ou Omar Suleiman, ils disent qu'ils ont été dans ce type dialogue pendant les 30 dernières années et qu'il a toujours été à sens unique. Ils ne veulent rien avoir à faire avec eux. Ils exigent qu'ils partent. »
« Trop peu, trop tard »
Jusqu'à 250 000 personnes continuent à manifester sur la place Tahrir au Caire après que des centaines soient restées à camper toute la nuit, défiant le couvre-feu qui a été étendue à toute la nuit par l'armée.
Il y a une forte présence militaire autour de ce secteur, avec des chars positionnés près de la place et des officiers contrôlant les papiers d'identité.
L'une des correspondantes d'Al-Jazira a déclaré que les tentatives faites ce lundi par les militaires pour bloquer l'accès à la place en fermant les rues ne fonctionnait pas, car encore plus de gens arrivaient dans un flux régulier.
« Les manifestants disent qu'ils vont rester sur cette place aussi longtemps que Moubarak restera au pouvoir », dit-elle.
Les manifestants semblent pas bronché devant le gage de Moubarak à instituer des réformes économiques et politiques. Notre correspondant a affirmé que les gens pensent que de tels engagements "sont trop peu, trop tard".
Reporters d'Al-Jazira au Caire a également déclaré que la police avait vu le retour dans les rues, à diriger la circulation, après avoir été absent depuis le vendredi.
Les manifestants ne semblent absolument pas influencés par l'engagement de Moubarak d'instituer des réformes économiques et politiques. Notre correspondant a affirmé que les gens pensent que de tels engagements « sont trop peu, trop tard ».
Un reporter d'Al-Jazira au Caire a aussi annoncé que la police avait fait son retour dans les rues, dirigeant la circulation, après avoir été absente depuis le vendredi.
« Nous attendons que le ministre de l'Intérieur annonce sous quelle forme ils vont revenir dans les rues et pourquoi ils ont disparu après la prière du vendredi, le 'deuxième jour de colère' », a déclaré un correspondant.
« L'absence de la police a donné quartier libre aux pillards, forçant les citoyens ordinaires à mettre en place des patrouilles de quartier. Beaucoup de gens se demandent où la police a disparu. »
« Il y a deux façons de voir les choses : la première est que beaucoup d'entre eux ont décidé de rejoindre les manifestants. »
« L'autre est que le régime a envoyé le message au peuple : 'Vous voulez protester. Nous allons retirer la police et vous vous verrez ce qu'est l'anarchie' », explique notre correspondant.
Après des affrontements meurtriers dans lequel environ 125 personnes ont été tuées au Caire et dans d'autres villes, les manifestants ont accusé la police d'utiliser une force excessive.
Mais un correspondant d'Al Jazeera a indiqué que certains habitants ont accueilli la police comme « des amis de longue date », ce lundi.
« C'est presque comme si la population du Caire était atteint d'amnésie sélective... Nous avons vu un petit garçon portant un plateau de thé à un groupe de policiers. Un autre homme est sorti de sa voiture, a serré les policiers dans ses bras et les a embrassés. »
Scènes de chaos
Pendant ce temps au Caire beaucoup de gens faisaient des achats par peur des troubles.
« Je suis entré dans un supermarché et j'ai vu un chaos complet », nous dit un correspondant d'Al Jazira.
« Les gens font des stocks autant qu'ils le peuvent. Il y a très peu de rations disponibles dans les magasins. Ils sont à court de fournitures de base, comme les ufs, le fromage et la viande. Les livraisons n'ont pu se faire depuis des jours. »
Des scènes chaotiques ont également été signalées à l'aéroport international du Caire, où des milliers d'étrangers tentent d'être évacués vers leurs pays respectifs.
Comme les manifestations se poursuivent, il est dit que la sécurité se détériore, et des informations ont signalé que plusieurs prisons à travers le pays ont été attaquées et que de nouvelles manifestations ont eu lieu dans des villes comme Alexandrie et Suez.
Trente-quatre dirigeants des Frères musulmans ont été libérés de la prison de Wadi Natroun, après que les gardes aient abandonné leurs postes.
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