Par Qassam Muaddi
Alors que les forces israéliennes commençaient à pénétrer à l'est de Rafah le 6 mai, dans la partie la plus méridionale de la bande de Gaza, plus de 100 000 Palestiniens fuyaient vers la zone d'al-Mawasi, à l'ouest de Khan Younis, d'où les forces israéliennes s'étaient retirées en mars.
Nombre d'entre eux fuyaient pour la huitième ou la neuvième fois depuis le début de l'assaut israélien en octobre dernier.
Les dirigeants israéliens insistent depuis des mois sur l'invasion de Rafah, malgré la pression internationale croissante exercée sur Israël pour qu'il y renonce.
Environ 1,5 million de Palestiniens se sont réfugiés dans les interminables villes de tentes de Rafah et de ses environs, la plupart déplacés du centre et du nord de Gaza. Les Nations unies ont mis en garde contre une catastrophe humanitaire si les troupes israéliennes envahissaient la ville.
Pourtant, Benjamin Netanyahu s'est engagé à envahir Rafah depuis des semaines. Selon le Premier ministre israélien, l'invasion de Rafah est cruciale pour atteindre les objectifs déclarés de la guerre, en particulier pour forcer le Hamas, par la « pression militaire », à faire des concessions dans le cadre d'un accord d'échange de prisonniers.
L'attaque de Rafah résulte d'un consensus dans la politique israélienne. Les deux principaux alliés fascistes de Netanyahu, Itamar Ben-Gvir et Bezalel Smotrich, ont menacé de se retirer de la coalition gouvernementale s'il ne procédait pas à l'invasion, au risque de la voir s'effondrer. Mais tous les autres responsables israéliens ont exprimé leur soutien à une sorte d'opération à Rafah, y compris le chef de l'opposition Yair Lapid, qui a répété l'affirmation de Netanyahu selon laquelle quatre bataillons du Hamas se trouveraient encore à Rafah.
Malgré cet accord, les objectifs réels de l'invasion ne sont pas clairs. Les objectifs déclarés d'Israël ne reflètent pas la réalité sur le terrain, ce qui a conduit les analystes à conclure que le véritable objectif de l'invasion de Rafah est d'achever le nettoyage ethnique de Gaza, et peut-être de présager de futures attaques qui tenteront de restaurer une crédibilté en matière de dissuasion qui a été brisée à jamais le 7 octobre.
Une invasion sans objectifs clairs
Les dirigeants israéliens affirment qu'une invasion de Rafah est nécessaire parce que les derniers combattants du Hamas y seraient basés et qu'une telle action obligerait le Hamas à négocier. Mais aucune de ces affirmations ne semble fondée sur la réalité sur terrain.
Tout d'abord, rien n'indique que la capacité de combat du Hamas ait été réduite aux quatre bataillons « restants » qui seraient acculés à Rafah.
Les 𝕏 opérations de résistance menées par tous les groupes armés palestiniens, en particulier les brigades al-Qassam du Hamas, se sont poursuivies sans interruption du nord au sud de la bande de Gaza.
Deux jours avant le début de l'invasion de Rafah, des combattants du Hamas ont pris pour cible les troupes israéliennes dans le « corridor de Netzarim », la zone tampon qu'Israël a créée au sud de la ville de Gaza, divisant de fait la bande de Gaza.
Israël a admis jusqu'à présent que quatre soldats avaient été tués et dix autres blessés, dont trois sont dans un état critique.
Ensuite, à la veille de l'invasion de Rafah, le Hamas a annoncé qu'il avait accepté un accord soutenu par les États-Unis et proposé par l'Égypte et le Qatar, qui prévoyait un échange de prisonniers.
Même les familles des prisonniers israéliens ont préféré accepter l'accord plutôt que d'envahir Rafah, et sont descendues dans les rues de Tel-Aviv le soir même. Pourtant, Netanyahu était déterminé à poursuivre l'invasion, laissant le véritable objectif de l'attaque ouvert aux spéculations.
7 mai 2024 - Dans une déclaration sur Telegram, Abu Ubaida, porte-parole des Brigades al-Qassam, a indiqué que Judy Weinstein (70 ans) avait été blessée avec un autre détenu israélien lors d'une attaque israélienne qui a touché l'endroit où ils se trouvaient. « Elle est morte parce qu'elle n'a pas reçu les soins médicaux intensifs dont elle avait besoin, l'occupation ayant détruit les hôpitaux de la bande de Gaza », a déploré Abu Ubaida. Il a indiqué que la captive avait été initialement blessée le 7 octobre, mais qu'elle avait été admise dans des hôpitaux de l'enclave et qu'une fois rétablie, elle avait été ramenée à son lieu d'incarcération..
L'invasion a commencé le 7 mai et s'est limité au début au point de passage de Rafah reliant Gaza à l'Égypte et l'est de Rafah. Le quotidien israélien Haaretz a rapporté qu'Israël s'était engagé à limiter l'invasion de Rafah à la partie orientale de la ville et à confier le contrôle du poste-frontière à une société privée américaine.
La portée prévue de l'invasion reste donc inconnue.
Rafistoler le projet sioniste
Un certain nombre d'analystes ont proposé différentes explications sur les véritables intentions qui sous-tendent l'invasion de Rafah. La plupart ont tendance à souligner que le principal moteur de l'invasion est Netanyahu et ses alliés du courant ouvertement fasciste : Netanyahu parce qu'il a intérêt à prolonger la guerre pour éviter de rendre des comptes sur les échecs du 7 octobre, et le courant fasciste parce que ses représentants veulent que toute la bande de Gaza soit rasée et ethniquement nettoyée.
D'autres pensent que Netanyahu est dans une impasse et qu'il essaie de calmer les deux parties de son cabinet de guerre - il envoie donc une équipe de négociation au Caire pour satisfaire les prétendus « pragmatiques » Benny Gantz et Gadi Eizenkot, tout en lançant l'invasion pour satisfaire les partisans de la ligne dure comme Smotrich et Ben-Gvir.
Toutes ces explications contiennent des éléments de vérité, mais elles sont loin d'expliquer les véritables intentions qui se cachent derrière l'invasion de Rafah. Plus important encore, elles ignorent le fait que l'ensemble de l'establishment politique israélien est également engagé dans l'invasion, et que les seuls points de divergence résident dans le calendrier de l'invasion et la place de l'échange de prisonniers dans ce calendrier.
La véritable raison de l'incapacité d'Israël à faire marche arrière réside dans sa peur que les performances militaires de l'armée israélienne au cours de la guerre ne déterminent l'avenir de l'expérience sioniste, en particulier à la lumière du coup dévastateur qui a été porté à sa force de dissuasion le 7 octobre.