Par Jonathan Cook
Manifestations à l'université de Columbia et aux alentours en soutien à la Palestine et contre l'occupation israélienne, le 22 avril 2024. (SWinxy/Wikimédia Commons)
Les médias occidentaux prétendent que les efforts de l'Occident pour obtenir un cessez-le-feu sont sérieux.
Pas besoin d'être devin pour comprendre que le plan de jeu israélo-américain pour Gaza se déroule comme suit :
1.-En public, Joe Biden se montre "dur" envers Netanyahou, l'exhortant à ne pas "envahir" Rafah et faisant pression sur lui pour qu'il autorise une plus grande "aide humanitaire" à Gaza.
2.- Mais déjà, la Maison Blanche prépare le terrain pour subvertir son propre message. Elle insiste sur le fait qu'Israël a proposé un accord "extraordinairement généreux" au Hamas - un accord qui, selon Washington, équivaut à un cessez-le-feu. Ce n'est pas le cas. Selon les rapports, le mieux qu'Israël ait offert est une indéfinie "période de calme soutenue". Même cette promesse n'est pas fiable.
3.- Si le Hamas accepte l'"accord" et consent à restituer certains des otages, les bombardements diminueront pendant un court laps de temps mais la famine s'intensifiera, justifiée par la détermination d'Israël à remporter une "victoire totale" contre le Hamas - chose impossible à réaliser. Cela ne fera que retarder, de quelques jours ou quelques semaines, le passage d'Israël à l'étape 5 ci-dessous.
4.- Si, comme cela semble plus probable, le Hamas rejette l'"accord", il sera dépeint comme la partie intransigeante et accusé de chercher à poursuivre la "guerre". (Note : il n'y a jamais eu de guerre. Seul l'Occident prétend que l'on peut être en guerre contre un territoire que l'on occupe depuis des décennies, ou que le Hamas a "déclenché la guerre" avec son attaque du 7 octobre, alors qu'Israël bloque l'enclave, y crée le désespoir et la malnutrition depuis 17 ans).
Hier soir, le secrétaire d'État américain Anthony Blinken a fait avancer le scénario en déclarant que le Hamas était "la seule chose qui se trouve entre la population de Gaza et un cessez-le-feu... Ils doivent décider et ils doivent décider rapidement".
5.- Les États-Unis annonceront qu'Israël a élaboré un plan humanitaire qui satisfait aux conditions posées par M. Biden pour le lancement d'une attaque sur Rafah.
6.- Cela donnera aux États-Unis, à l'Europe et à la région le prétexte pour rester en retrait alors qu'Israël lancera l'assaut tant attendu - une attaque dont Biden a précédemment affirmé qu'elle constituerait une "ligne rouge" et qu'elle entraînerait des pertes civiles massives. Tout cela sera oublié.
7.- Comme le rapporte Middle East Eye, Israël construit un anneau de points de contrôle autour de Rafah. Netanyahou suggérera, mensongèrement, que ces points de contrôle garantissent que son attaque respecte les conditions fixées par le droit humanitaire international. Les femmes et les enfants seront autorisés à sortir - s'ils parviennent à atteindre un point de contrôle avant que le tapis de bombes israélien ne les tue en chemin.
8.- Tous les hommes présents à Rafah, ainsi que les femmes et les enfants qui restent, seront traités comme des combattants armés. S'ils ne sont pas tués par les bombardements ou ensevelis sous les décombres, ils seront sommairement exécutés ou emmenés dans les chambres de torture israéliennes. Personne ne mentionnera que les combattants du Hamas qui se trouvaient à Rafah ont pu sortir par les tunnels.
9- Rafah sera détruit, laissant toute la bande en ruine, et la famine provoquée par Israël s'aggravera. L'Occident lèvera les bras au ciel, dira que c'est le Hamas qui a provoqué cette situation à Gaza, s'interrogera sur ce qu'il convient de faire et fera pression sur les pays tiers - en particulier les pays arabes - pour qu'ils mettent en place un "plan humanitaire" visant à déplacer les survivants hors de Gaza.
10.- Les médias occidentaux continueront à décrire le génocide israélien à Gaza en termes purement humanitaires, comme si ce "désastre" était un acte de Dieu.
11.- Sous la pression des États-Unis, la Cour internationale de justice, ou Cour mondiale, ne sera pas pressée de rendre un arrêt définitif sur la question de savoir si la thèse de l'Afrique du Sud selon laquelle Israël commet un génocide - qu'elle a déjà jugée "plausible" - est prouvée.
12.- Quelle que soit la décision finale de la Cour mondiale, et il est presque impossible d'imaginer qu'elle ne conclura pas qu'Israël a commis un génocide, il sera trop tard. La classe politique et médiatique occidentale sera passée à autre chose, laissant aux historiens le soin de décider de ce que tout cela signifiait.
13.- Entre-temps, Israël utilise déjà les précédents qu'il a créés à Gaza, et son érosion des principes établis de longue date du droit international, comme modèle pour la Cisjordanie. Prétextant que le Hamas n'a pas été complètement mis en déroute à Gaza et qu'il utilise cette autre enclave palestinienne comme base, Israël intensifiera progressivement les pressions sur la Cisjordanie par un nouveau blocus. "Rincer et répéter", le refrain habituel.
Tel est probablement le plan. Notre tâche consiste à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour les empêcher d'en faire une réalité.
Jonathan Cook
Article original en anglais publié le 30 avril sur le blog du journaliste Jonathan Cook
(Traduction Alerte Otan)