28/02/2012 alterinfo.net  4min #64251

 Bras de fer entre les Etats-unis et la Russie au sujet de la politique belliqueuse de Washington contre la Syrie

Assad devant la Cour Pénale Internationale ?

C'était hier l'idée du jour : renvoyer Assad devant la Cour Pénale Internationale (CPI) de la Haye. Il faudrait un minimum de sérieux avant d'aborder ces questions brûlantes...

Le matin, Juppé Alain s'est prononcé en faveur d'une saisine de la CPI tout en reconnaissant : "C'est un dossier difficile". Certes, cher ami. Et le soir, c'est le leader minimo qui s'est fâché tout rouge, estimant qu'il fallait "menacer Bachar Al Assad d'être traduit devant la CPI".

La justice comme menace,... c'est une conception très sarkozienne : l'élève a bien appris les leçons du maître. Dans les grandes civilisations, la justice n'est pas une menace, mais un bienfait, qui cherche à résoudre les litiges et à assurer l'application du droit. Non, la justice n'est pas une arme, et les magistrats ne sont pas des soldats.

Dossier difficile donc... et même un peu plus, mon Juppé. L'analyse se décline en trois points.

La ratification

La Syrie n'a pas ratifié le traité de la CPI. Le principe est que la CPI est une cour indépendante, et les Etats acceptent de s'y soumettre en ratifiant le texte instituant cette cour, le Traité de Rome de 1998. Plus de 110 Etats l'ont fait à ce jour. Cela signifie que pour la Syrie la principale voie est fermée.

La saisine par le Conseil de sécurité

Il reste la voie d'exception. Le Conseil de sécurité peut décider de soumettre une situation à la Cour. C'est ce qui a été fait pour le Soudan ou la Libye, qui ne sont pas partie au Traité de Rome. Possible, mais inefficace.

Pour commencer, il faut une résolution du Conseil de Sécurité, et on retrouve le véto probable de la Chine et de la Russie. Et ces deux Etats ont clairement montré qu'ils étaient gavés de l'interventionnisme occidental.

Et puis - et Hollande le dit - les Etats n'ont absolument rien à faire de la justice internationale. Ils cherchent à utiliser la procédure pour aider leur action politique essouflée. Mais cette instrumentalisation de la procédure est une catastrophe.

D'abord, elle tend à transformer la CPI en courroie de transmission du Conseil de sécurité, ce qui est particulièrement choquant quand les Etats masters du Conseil de sécurité refusent de ratifier le traité de la CPI : Etats Unis, Chine, Russie. Justice pour les autres, pas pour eux.

Ensuite, ca ne marche pas, ou très mal, car la CPI se heurte très vite à la souveraineté des Etats. Des mandats d'arrêts ont été délivrés contre les dirigeants soudanais, mais sans résultat. Pour la Libye, la saisine de la CPI a été une des manoeuvres pour déstabiliser le régime, mais depuis le nouveau pouvoir veut exercer lui-même sa compétence judiciaire. Ocampo, le procureur près la CPI a foncé, et il se trouve fragilisé.

Admettons un instant que le Conseil de sécurité adopte une résolution saisissant la CPI, et que celle-ci délivre un mandat d'arrêt. Qui irait le mettre en oeuvre ? Comment ? On n'a pas avancé d'un centimètre, et on condamne la CPI à l'échec. Nous sommes dirigés par des guignols qui passent leur temps à brasser de l'air pour se rendre intéressants.

Respecter les peuples

Toute la question est le respect de l'autodétermination des peuples, mais pour ces colonialistes dans l'âme, c'est trop demander.

Si un nouveau régime prend le pouvoir en Syrie, il aura entre autre à juger les faits de la dernière période, et les interventions extérieures. Souverain, il pourra juger lui-même ou, si cela parait indispensable, transférer la compétence pour ces affaires à la CPI.

Il n'y a donc ni urgence, ni nécessité. Allez, je fais un rêve : que nos hommes politiques aient l'intelligence et la capacité de faire de la politique, et cessent de polluer le monde du droit et de la justice.

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