Par Peter Symonds
3 janvier 2012
La position belliqueuse du gouvernement Obama envers l'Iran prépare le terrain pour un dangereux glissement vers une guerre dans le golfe Persique. Après avoir provoqué Téhéran par une législation qui n'est rien moins qu'un embargo pétrolier, les Etats-Unis menacent l'Iran d'action militaire s'il contre-attaque en fermant le Détroit d'Ormuz.
La presse a immédiatement jeté de l'huile sur le feu en apportant son soutien à Washington et en diabolisant le régime iranien. Un éditorial du New York Times de jeudi soutient pleinement la menace d'action militaire du gouvernement Obama contre toute tentative iranienne de bloquer le golfe Persique. L'éditorial condamne l'Iran pour « son imprudence et son mépris du droit international, » déclarant, « ce n'est pas là un gouvernement qu'un quelconque pays souhaiterait voir acquérir des armes nucléaires. »
D'autres sections des médias sont allées plus loin encore, exprimant la demande des cercles dirigeants aux Etats-Unis et en Israël d'une attaque préventive sur l'Iran pour détruire ses installations militaires et nucléaires. L'éditorial du Wall Street Journal a profité des tensions concernant le détroit d'Ormuz pour mettre en garde contre les dangers d'un régime iranien « fortifié par une menace nucléaire, » en concluant qu'il serait « préférable d'agir maintenant pour arrêter l'Iran. »
Ce cynisme est renversant. Après avoir mené des guerres d'agression contre l'Afghanistan et l'Irak et soutenu le bombardement par l'OTAN de la Libye, les Etats-Unis font à présent délibérément et imprudemment monter les tensions dans le golfe Persique en menaçant de sanctions sévères toute entreprise étrangère faisant des affaires avec la banque centrale iranienne, bloquant par là de fait les exportations iraniennes de pétrole. On ne peut guère être surpris que Téhéran réagisse face à un acte de guerre économique qui ferait s'effondrer son économie déjà fragile.
Les Etats-Unis et Israël sont déjà engagés dans une guerre furtive sale contre les programmes nucléaires et de missiles de l'Iran, au moyen de virus informatiques, de bombardements et d'assassinats. Un seul de ces actes illégaux de sabotage et de meurtre aurait pu provoquer un glissement vers un conflit militaire. Les Etats-Unis ont non seulement préparé leurs propres plans de guerre détaillés, mais sont en train d'armer leurs alliés dans le Golfe contre l'Iran. La Maison Blanche a accordé une grande importance médiatique jeudi à une gigantesque vente d'armes de 30 milliards de dollars à l'Arabie saoudite, comprenant 84 avions chasseurs du dernier modèle F-15SA.
Quant à la « menace nucléaire » iranienne, il est nécessaire de rappeler les mensonges concernant les armes de destruction massive qui avaient été utilisés pour justifier l'invasion criminelle de l'Irak en 2003. La manière d'opérer du gouvernement Obama, qui agit avec le soutien bipartite du Congrès, n'est guère différente. Des « preuves » douteuses et anciennes sont délibérément transformées et mises en avant avec la complicité du nouveau chef de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Yukiya Amano, pour prétendre que l'Iran est en train de construire l'arme nucléaire. Les démentis de Téhéran sont rejetés d'emblée.
Les médias gardent le silence sur l'hypocrisie flagrante de Washington consistant à exiger la fin des programmes nucléaires iraniens tout en apportant son plein soutien à l'unique Etat du Moyen-Orient disposant de l'arme nucléaire, son allié Israël, qui est tristement célèbre pour ses guerres d'agression. Ce deux poids deux mesures manifeste ne fait que souligner le fait que l'attitude belligérante d'Obama à l'égard de l'Iran n'est guère plus motivée par la « menace nucléaire » que les guerres en Afghanistan et en Irak par le « terrorisme » et les armes de destruction massives.
Les agressions américaines contre ces trois pays est motivée par des ambitions américaines de longue date visant à consolider sa domination sur la région. L'Iran dispose non seulement de ses propres réserves gigantesques de pétrole et de gaz, mais forme aussi le pont stratégique entre les régions riches en énergie du Moyen-Orient et de l'Asie centrale. L'impérialisme américain n'a jamais accepté la perte de l'hégémonie américaine à Téhéran suite au renversement de son allié, le Shah Mohammed Reza Pahlavi en 1979. C'est uniquement parce que l'armée américaine était embourbée en Irak et en Afghanistan que le gouvernement Bush n'avait pas lancé un acte d'agression contre l'Iran.
A présent le gouvernement Obama exploite les soulèvements politiques du Moyen-Orient pour refaçonner la région selon ses intérêts économiques et stratégiques. Ayant renversé Gadhafi en Libye, les Etats-Unis et ses alliés appliquent des méthodes similaires à la Syrie où les factions d'opposition sunnites, soutenues et armées par la Turquie et l'Arabie saoudite, exploitent le mécontentement populaire pour contraindre le régime pro-iranien du président syrien Bashar al-Assad à quitter le pouvoir. L'opposition anti-Assad appelle à présent à une intervention militaire étrangère sur le modèle de la guerre de l'OTAN contre la Libye.
Dans l'Irak voisin, les Etats-Unis et leurs alliés régionaux attisent l'hostilité sectaire envers le gouvernement de Maliki qui repose sur des partis shiites ayant des sympathies envers Téhéran. Washington exploite la coalition Iraqiya de base sunnite comme moyen de faire pression, ou si nécessaire de refaçonner, le gouvernement irakien pour l'éloigner de l'Iran. Pendant ce temps, les Etats-Unis gardent un silence calculé sur les mesures répressives utilisées par leurs alliés du Golfe, dont l'Arabie saoudite, pour réprimer l'opposition politique à leurs régimes autocratiques.
L'objet principal de ces machinations au Moyen-Orient est le régime iranien, qui est considéré par Washington comme l'obstacle clé aux ambitions américaines, et ce malgré les efforts de l'Iran, à plus d'une reprise, pour parvenir à un arrangement avec les Etats-Unis. En 2009, le gouvernement Obama était totalement impliqué dans l'orchestration d'une cacophonie internationale de soutien à la « Révolution verte » ratée, un mouvement composé en grande partie des sections privilégiées de la classe moyenne supérieure iranienne. Maintenant les projets militaires américains ressortent des tiroirs.
L'intensification incessante des tensions pose toujours le danger de précipiter un conflit, même si à un moment donné, ce n'est pas intentionnel. Une guerre contre l'Iran, pays d'importance cruciale en matière de calculs géopolitiques non seulement des Etats-Unis, mais aussi de ses principaux concurrents telles la Russie et la Chine, risque inévitablement de se transformer en un conflit régional et international bien plus large ayant des implications catastrophiques pour l'humanité.
La force motrice derrière l'éruption du militarisme américain est le déclin économique des Etats-Unis, sur lequel se greffe à présent la crise économique mondiale qui va s'aggravant. L'unique force sociale capable d'empêcher la descente dans de nouvelles guerres encore plus terribles est la classe ouvrière internationale, à qui il revient de renverser le système capitaliste en faillite et son système dépassé d'Etats-nations et de le remplacer par une économie socialiste mondiale planifiée.