21/02/2012 mondialisation.ca  7min #63896

 La Syrie plonge dans le cauchemar

Syrie - L'Asl : tueurs et frimeurs...

par Info Syrie

Une carte du Homs insurgé dressée par l'AFP, à comparer...

... avec celle établie par un média anglo-saxon : L'essentiel des insurgés se concentre à Bab Amr et dans le quartier voisin d'Inchaat... 10 à 15% de la ville...

L'opposition a rituellement appelé, ce vendredi 17 février, à des manifestations anti-régime, les présentant comme une « nouvelle étape » dans la « révolution«. Cet appel s'assortit de menaces de violences contre les « gangs de la sécurité syrienne » et les « chabihas«, ces miliciens pro-régime que l'opposition voit – ou feint de voir – partout à l'oeuvre aux quatre coins de la Syrie : « Nous ne resterons pas les bras croisés face (à leurs) attaques. Dès aujourd'hui nous allons leur rendre la pareille » avertit la page Facebook Syrian Revolution 2011. Non moins rituellement, l'AFP évoque des « dizaines de milliers de manifestants » – à Damas, dans les provinces d'Idleb et de Deraa.

Pour ce qui est de « rendre la pareille«, les groupes armés « otano-salafistes » n'ont certes pas attendu les menaces de la cyber-opposition. Et c'est bien eux, plutôt que les défenseurs des droits de l'homme, qu'affrontent militaires et policiers syriens.

A Homs, dans la province d'Idleb, on se bat toujours. Un certain Hadi Abdallah, membre d'une certaine « Commission générale de la Révolution syrienne«, affirme ce vendredi 17 février qu'à Homs, les quartiers rebelles sont survolés et parfois pilonnés par des hélicoptères, et même des avions de reconnaissance. Evoquer les avions de combat n'est pas innocent, quand on sait que l'établissement d'une zone d'exclusion aérienne est une demande récurrente de l'opposition radicale, intérieure et exilée. Mais ce vendredi après-midi l'OSDH comptabilisait cinq morts à Bab Amr, dont il ne nous dit pas s'ils étaient des vrais-faux civils ou d'authentiques insurgés. Un docteur proche de l'opposition parle à un correspondant de l'AFP de « 1 800 blessés en deux semaines » dans la ville. Guerre des chiffres, parallèle à celle des combattants.

On signale la mort d'un soldat, tué dans un accrochage à Deir Ezzor, grande ville de l'Est syrien.

Libération « embedded » avec l'ASL

Un groupe ASL, janvier 2012

Les reportages, généralement complaisants, sur les groupes armés semblent fleurir dans la presse française, qui choisit tranquillement l'option « guerre civile », quitte à en rendre responsable, évidemment le régime. Libération consacre ainsi deux pages, dans son numéro du 17 février, aux exploits et états d'âme d'un groupe de l'ASL opérant au nord-ouest du pays, entree Idleb et Lattaquié. L'envoyé spécial de Libération, Luc Mathieu, a rencontré ces jours-ci une dizaine d'hommes armés, positionnés dans une région montagneuse surplombant Lattaquié. Eux sont sunnites, dans une région à forte implantation alaouite. Et c'est bien l'antagonisme entre ces deux communautés que met au premier plan le reportage : les policiers et militaires auraient distribué en abondance des armes aux habitants des villages alaouites de la région, lesquels s'apprêteraient à s'en servir contre les maquis ASL, à recrutement essentiellement sunnite.

Les interlocuteurs de Luc Mathieu sont armés eux-aussi. De Kalachnikovs venus d'Irak, et achetées, prétendent-ils, 1 100 dollars pièce. Apparemment le journaliste de Libération a oublié de leur demander avec quel argent ils les ont payées. Il donne cependant un éclairage, sans doute malheureusement largement exact, sur le climat de peur et de tension opposant les deux communautés, de village à village, dans cette région littorale, limitrophe de la Turquie. Le « chacun chez soi » prévalait déjà avant la crise, affirme un ASL. Qui reconnait d'ailleurs que les rares femmes alaouites épousées par des sunnites n'ont jamais été acceptées par les familles et proches de ces derniers. Pour le reste, ce sont les traditionnelles accusations de favoritisme ethnique de la part du régime, sans doute en partie fondées du temps d'Hafez al-Assad, mais aujourd'hui ?

Un des insurgés, Abou Moura, se présente comme un colonel déserteur. A l'en croire c'est la répression par ses camarades du mouvement à Homs qui l'a fait déserter dès le début du mouvement. Curieux qu'on n'ait jamais à ce jour entendu parler, depuis onze mois, d'un déserteur de son rang, quand opposants et médias ont immédiatement chanté les laudes du « colonel » Harmouche, premier officier supérieur déserteur homologué, en juin dernier. En tout cas le « colonel » Abou Moura nous sert le traditionnel refrain des manifestants à mains nues et chantant la liberté, et tués par dizaines par les sbires de Bachar, leurs corps étant ramassés par des « bulldozers«. Et bien sûr, au moment de déserter, Moura a un fait un « sondage express » auprès de ses camarades officiers sunnites, qui à l'en croire ne demandaient pas mieux que de le suivre, mais craignaient pour leurs familles. Là encore, c'est une vieille rengaine, peut-être justifiée en partie, mais qui reste un peu légère pour expliquer le fait que les désertions au-dessus du grade de lieutenant sont demeurées rarissimes dans l'armée, en onze mois de crise. Abou avait une famille lui aussi, mais il réussi à faire croire à ses supérieurs qu'il avait été kidnappé ! On se demande comment les autres aspirant déserteurs n'ont pas eu cette bonne idée !

Depuis, le groupe d'Abou Moura revendique une trentaine de combattants, en majorité des déserteurs et en instance de ralliement à l'ASL, qui observent depuis leurs collines les déplacements de l'armée et de la police. Et ne font, semble-t-il, pas beaucoup plus.

Bienveillance turque

Car, comme le rappelle l'homme de Libération, les « révolutionnaires » du secteur de Lattaquié sont « largement isolés«. Notamment des groupes sévissant dans le gouvernorat voisin d'Idleb. Leur « seul atout » est, sans surprise, « la proximité avec la Turquie » : on apprend que nos insurgés s'y rendent « régulièrement » – entre leur « maquis » et la frontière, cinq heures de voiture – pour y recevoir des consignes de l'état-major de l'ASL. Le voyage n'est pas sans danger -un des leurs a été tué – et exige des précautions dans la progression des véhicules. Et il faut passer la frontière à pied : frontière délimitée, dans leur secteur, par une rivière « aux eaux tumultueuses«, franchie sur un tronc d'arbre. Un réseau de barbelés enjambé et c'est enfin la Turquie qui « fait preuve de bienveillance envers les opposants syriens » dit, en une litote, Luc Mathieu. Selon un passeur interrogé par ce dernier, les militaire et policiers turcs ne sont pas tracassiers, à condition que les transfuges ne soient pas armés.

Cette « coolitude » turque envers les groupes armés fait naturellement rêver nos insurgés d'une « zone de sécurité » syrienne adossée au territoire turc. Et l'intervention étrangère ? Elle divise les guérilléros de Lattaquié. Qui sont d'accord en tout cas pour attendre de l'étranger, n'importe lequel, un armement plus lourd : lance-roquettes ou mortiers.

L'article se conclut sur un éclairage intéressant de l'emploi du temps des « combattants » de l'ASL, du moins dans ce secteur difficile : essentiellement, ils « discutent sans cesse depuis un an » ! Ils ont quitté leurs foyers et donc leur travail. Et, frisant le surréalisme ou le ridicule, le reporter de Libération évoque des thés champêtres et politiques, agrémentés de discussions ou d'audition de chants révolutionnaires, « de 10 heures du matin jusqu'à tard dans la nuit«. Tout de même, pour Libération, nos rebelles ont posé visage cagoulés et PM au poing, la nuit, à l'entrée de la petite ville de Binnish (quelques kilomètres au nord-est d'Idleb, à moins qu'il s'agisse d'un autre groupe, plus sérieux, comme cela semble être le cas des bandes écumant le gouvernorat d'Idleb.

A l'évidence, Luc Mathieu n'a pas rencontré d'authentiques combattants islamistes, mais plutôt des pieds nickelés anti-Bachar. C'était peut-être le but de l'article, d'ailleurs : « adoucir » l'image de l'ASL et des insurgés, en faire de braves combattants-citoyens à la manière des FFI français de l'an 44. Entre Homs et Hama, ce doit être une tout autre chanson !

 mondialisation.ca

 Commenter