10/11/2011 pauljorion.com  4min #59710

 Grèce : gestion du problème au quart d'heure mais les politiciens n'ont pas de solution

Arriver à se faire entendre, par Valentin Przyluski

La crise financière aura eu raison d'un cinquième chef de gouvernement, après l'Irlande, le Portugal, la Grèce, et en considérant le choix d'élections anticipées en Espagne. Enfin, malheureusement, ce n'est pas la crise économique mais les marchés qui ont eu raison de ces gouvernements. Il n'y a pas matière à se réjouir car, comme le notait  Daniel Schneidermann cette semaine, il ne peut être que triste de voir qu'aucune des nombreuses affaires dans lesquelles il a été mis en cause n'a eu raison de Berlusconi. Peu importe les entorses au pluralisme des médias, l'affairisme, les affaires de moeurs, mais en revanche les marchés...

Tout ceci devient singulièrement une farce. Fort triste certes. Comme le note  François Leclerc dans un billet récent, le scénario est identique, la mise en scène ressemblante et les résultats immuables : remèdes libéraux et démocratie sacrifiée à « l'union nationale » (soit la protection des oligarques).

Les remèdes libéraux sont - peut être est-ce là leur nature ? - simplistes :

- Ajustement structurel : fin de l' État-providence par divers moyens et sous divers prétextes (il y aurait là un travail intéressant pour voir comment la dialectique des conservateurs-libéraux va réussir à faire sauter toutes les digues en même temps)

- Ajustement conjoncturel : plan de rigueur avec une préférence pour les secteurs sans défenses ni lobbys (comme l'hébergement social par exemple) ou les mesures générales indistinctes (TVA ou assimilées)

L'union nationale s'opère soit dans les faits, avec un gouvernement bipartisan, soit sur le fond avec des concessions et des programmes indistincts entre les partis. À ce titre, Libération consacrait un grand article hier aux  « économistes qui conseillent François Hollande » (l'article est pour l'instant réservé aux abonnés mais devrait être disponible librement dans la journée).

Amen.

La politique est définitivement dans une impasse avec cette crise économique. Alors, certains souhaiteraient s'en passer (je note d'ailleurs dans les commentaires une ironie sur mon engagement politique récent). Et c'est vrai que les hommes politiques se voient de plus en plus affublés d'un chef d'accusation terrible : le dogmatisme. En effet, on savait les élites, comme il convient de les appeler, culturellement fermées, mais on les découvre dogmatiques, incapables de s'ouvrir à d'autres savoirs, même durant la plus grande crise de notre période.

Mais, force est de constater que les peuples n'ont à ce jour pas trouvé au minimum les moyens d'équilibrer leurs pouvoirs avec les marchés. Les indignés espagnols ont fait parler, mais n'ont pas réussir à infléchir la politique d'union nationale du gouvernement espagnol. Les Grecs mènent une guérilla, au sens physique du terme, mais n'ont pas réussi à faire plier leurs dirigeants. Les Américains « Occupy Wall Street », les étudiants anglais « mass protest », mais rien n'y fait. Les peuples sont sous le joug du dogme libéral : on veut les soigner malgré eux « pour leur bien ».

Il faut dire que rien n'est facile. Les médias éprouvent de la sympathie pour les manifestants dans leurs pages « société » ou « politique sociale » mais ne leur ouvrent jamais les pages « économie ». Aux manifestants, le social, aux gens sérieux, les mesures pour les sauver, à « l'insu de leur plein gré ». Les éditorialistes n'hésitent pas une seule seconde pour porter en permanence le crédo. Et on les comprend ! Aujourd'hui « l'ownership » des médias est du côté des hommes d'affaire et des annonceurs.

Pourtant, malgré son caractère imparfait, la solution ne viendra que de la politique, ou plutôt ne passera que par elle, à son insu s'il le faut. Il faut imposer l'idée d'un autre modèle de société, d'une relance concertée, et d'un nouvel accord social autour de l'État-providence. Pour cela, il faut imposer un rapport de force d'un genre nouveau.

À ce jour, un seul mouvement d'aspiration populaire a trouvé un écho politique, n'en déplaise à ma propre sensibilité : c'est le Tea Party aux États-Unis. Certes, les revendications de ces ultra-conservateurs sont totalement différentes des miennes, toutefois leurs modes d'action politique a imposé de fait leurs préoccupations dans le champ politique. Nous devons nous en inspirer pour imposer d'autres vues économiques aux dirigeants politiques. Certains, je le sais, vont dire : « mais c'est absurde, il existe une offre politique défendant ces idées là ! ». Justement, c'est parce qu'elle est politique, et identifiée historiquement comme telle que cette offre ne dépassera pas son audience habituelle.

Tea Party et désobéissance civile dans la tradition contestataire, voilà les modes d'organisation vers lesquels tous les partisans d'une autre politique économique doivent se tourner. Pour ensuite mieux imposer leurs voix radicales au modéré qui ne manquera pas de vouloir les gouverner « au nom de l'intérêt général ».

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