Abdel Bari Atwan
Cent sept pays ont voté pour un projet de loi intégrant la Palestine comme membre à part entière de l'UNESCO. Malheureusement, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada ont été parmi les pays qui ont voté contre le projet, s'inclinant ainsi face au diktat israélien.
L'administration américaine a fait de grands efforts au sein de l'UNESCO et au-delà pour tenter de priver la Palestine de son droit légitime à l'adhésion, et elle a menacé de cesser de verser ses quelque 88 millions de dollars annuels d'aide financière à cet organisme.
Pourtant, ces efforts ont totalement échoué parce que le monde ne supporte plus les mensonges ni d'obéir aux ordres américains et israéliens comme il l'a fait pendant de trop nombreuses années.
Les justifications de l'Amérique pour s'être opposée à l'adhésion de la Palestine à une organisation consacrée à la culture, à la création et à la gestion d'un patrimoine national, ne sont pas convaincantes. L'administration américaine a fait valoir que l'adhésion de la Palestine à l'UNESCO aurait des effets défavorables vis-à-vis du processus de paix, ou que la création d'un Etat palestinien ne pourrait être obtenu que par des négociations. Où se trouve ce fameux processus de paix dont parlent les États-Unis ? Et qui d'autre qu'Israël - l'allié des Etats-Unis sans lesquels cet Etat ne survivrait pas un jour de plus - a obstrué et étouffé dans l'uf toute négociation ?
Les Palestiniens ont opté il y a 18 ans pour des négociations afin de gagner un état palestinien indépendant, suivant en cela les conseils américains et européens. Ils n'ont cessé de faire la navette entre les capitales internationales, de participer à des séries de négociations qui ne produisaient que de la frustration, du désespoir, et encore plus de colonies illégales sur leurs terres. Donc la seule option qui leur a été laissée était de porter leur problème devant l'Organisation des Nations Unies, voulant ainsi obtenir la reconnaissance politique et diplomatique sur la scène mondiale après que l'Autorité palestinienne [de Ramallah] ait décidé d'exclure définitivement la résistance armée de la liste de ses options.
La victoire palestinienne à l'UNESCO représente l'un des plus grands embarras politiques et diplomatiques pour l'administration du président Barack Obama. Le président Obama a également menacé d'opposer son veto à une demande palestinienne similaire devant le Conseil de sécurité des Nations Unies, parce que cette administration américaine ne connaît pas la honte et s'oppose à la volonté de toute la communauté internationale. Elle prend des décisions et adopte des positions qui prennent totalement à contrepied ses prétentions à vouloir respecter les droits humains et la démocratie, à défendre la cause des faibles et des opprimés.
Quel mal y aurait-il eu pour les États-Unis, à soutenir la pleine adhésion de la Palestine à une organisation comme l'UNESCO, dont l'objectif est d'apporter la paix, la compréhension et le respect entre les nations ? Est-ce que les Etats-Unis sont contre la coexistence, le dialogue entre les cultures, et les efforts pour un monde meilleur où l'amitié et la coopération prévaudraient, et où le patrimoine culturel mondial serait protégé ?
Nous ne savons pas pourquoi les Etats-Unis véhiculent toute cette haine à l'égard d'un peuple opprimé comme l'est le peuple palestinien, exproprié, privé de sa patrie et exposé à de permanentes agressions.
Le peuple palestinien ne s'est jamais lancé dans des actes de terreur contre les Etats-Unis. Il n'a jamais envoyé ses fils y rechercher une fin en martyrs. Il n'a jamais bombardé ses ambassades ou d'autres cibles dans les villes américaines.
L'administration du président Barack Obama avait fait de la paix au Moyen-Orient sa priorité absolue en termes de politique étrangère, et Barack Obama s'était engagé personnellement à résoudre la question palestinienne. Il avait initialement promis d'aider l'Etat de Palestine à rejoindre les Nations Unies, et il s'était élevé contre la construction de colonie, en exigeant qu'elles cessent complètement comme condition pour la réussite du processus de paix.
Pourquoi a-t-il renoncé à toutes ces prises de position face aux diktats de Benyamin Netanyahou ? Qu'est-ce qui a pu changer à présent, qui ferait qu'Obama déclare la guerre au peuple palestinien et à l'Autorité palestinienne ?
Nous appelons les pays arabes, en particulier les Etats du Golfe, à compenser l'UNESCO pour la perte possible des 88 millions de dollars US correspondant aux versements annuels de l'aide américaine. Si ces États craignent la colère des Etats-Unis, nous espérons que d'autres pays arabes, comme l'Algérie et le Soudan, iront de l'avant et verseront la différence, qu'il s'agisse de leurs fonds propres ou avec l'aide des pays africains et latino-américains qui ont courageusement voté pour la demande palestinienne d'intégration et ont rejeté les pressions honteuses et immorales des Etats-Unis et d'Israël.
* Abdel Bari Atwan est palestinien et rédacteur en chef du quotidien al-Quds al-Arabi, grand quotidien en langue arabe édité à Londres. Abdel Bari Atwan est considéré comme l'un des analystes les plus pertinents de toute la presse arabe.
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