Par Nick Beams
26 octobre 2011
Les paroles étaient relativement optimistes mais la réalité est que la réunion des ministres des Finances du G20 qui s'est tenue à Paris au cours du week-end n'a pas plus contribué à démêler l'écheveau des problèmes que sont la dette souveraine européenne et la crise bancaire que les réunions et les sommets précédents.
Les principales puissances non européennes, menées par les Etats-Unis et appuyées par la Grande-Bretagne ont exigé que les pays de la zone euro soumettent un projet pour venir à bout de la crise financière d'ici la date du sommet européen du 23 octobre lors duquel la réunion des dirigeants du G20 prévue le 3 novembre sera préparée.
Juste avant la réunion, il avait été question d'une éventuelle augmentation des moyens du Fonds monétaire international (FMI) en vue d'accorder un soutien plus grand au système financier européen. Les Etats-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne s'y sont opposés. Selon les termes du secrétaire américain au Trésor, Timothy Geithner, les ressources du Fonds, à hauteur de 390 milliards de dollars, sont une « puissance de feu financière considérable. »
Le chancelier de l'Echiquier britannique George Osborne a dit aux journalistes que des ressources supplémentaires pour le FMI ne devraient pas être considérées comme un « substitut à l'action par la zone euro pour soutenir leur propre monnaie. » Le ministre canadien des Finances, Jim Flaherty, a dit que la priorité devait être que « les Européens résolvent cette crise » plutôt que sur des questions secondaires comme l'augmentation des ressources du FMI.
Le communiqué publié après la réunion contient un passage alambiqué demandant au FMI de trouver de « nouvelles modalités » pour fournir des liquidités afin d'éviter des chocs financiers systémiques tout en « s'appuyant sur les instruments et les facilités existants. » Comme l'a relaté le Financial Times, le langage plutôt ambigu a permis à Geithner de dire que les Etats-Unis soutiendraient l'intervention du FMI « si les circonstances étaient justes, » et en cas d'un « engagement plus substantiel des ressources européennes, » tout en maintenant qu'il n'y avait pas besoin de nouvelles ressources pour le FMI.
Les puissances européennes affirment disposer d'un projet complet, mais ils doivent encore l'élaborer. La cause en est la masse d'intérêts économiques et politiques conflictuels découlant de la crise financière. Non seulement il existe des divisions entre les pays mais aussi entre les principales banques et gouvernements.
Le dernier plan européen mis au point le 21 juillet, qui passe à présent pour être totalement inadéquat, prévoyait que les détenteurs d'obligations acceptent une décote (« haircut ») de 21 pour cent sur leurs dettes grecques comme partie intégrante d'un plan de renflouement général. Avec la détérioration de la situation économique de la Grèce survenue depuis l'annonce du plan - notamment en raison de l'impact des mesures d'austérité imposées en vertu du soi-disant plan de sauvetage - les autorités allemandes insistent sur un pourcentage se rapprochant de 50 voire même de 60 pour cent.
La France résiste encore parce que ses banques seraient négativement touchées dans une situation où elles font l'objet d'un contrôle et voient leur note dégradée par les agences de notation.
Et puis, il y a la question de la recapitalisation des banques - injection de davantage de fonds propres pour compenser les pertes de valeur de leurs actifs financiers, notamment en dette souveraine, qu'elles détiennent.
Les autorités allemandes préconisent que ceci se fasse par le biais des marchés privés et des gouvernements nationaux, et que le Fonds européen de stabilité financière (EFSF) n'intervienne qu'en dernier lieu. La France, toutefois, craint que toute injection de fonds nationaux dans son système bancaire n'affecte négativement sa note de crédit AAA qui subit déjà des pressions suite à la dégradation par S&P en août de la note des Etats-Unis.
En outre, les banques et leurs représentants ont soulevé des objections contre toute recapitalisation forcée. En Allemagne, les cinq fédérations bancaires du pays ont insisté, dans ce qui a été qualifié de « lettre furieuse » adressée au ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble, pour dire que toute évaluation du risque doit reposer sur les concepts actuels de besoins en capitaux et non pas sur des mesures plus strictes prévues à l'avenir. La lettre stipule : « Il n'est pas dans l'intérêt d'une stabilisation des marchés financiers que de produire une prétendue faiblesse du système bancaire européen en durcissant un renforcement arbitraire des capitaux propres. »
Josef Ackermann, patron de Deutsche Bank, a prévenu vouloir plutôt céder des actifs que d'accepter des fonds publics pour augmenter le ratio de fonds propres de la banque. Une telle décision résulterait en un rapide resserrement des marchés du crédit et une aggravation de la crise financière.
L'Institut de Finance internationale (IIF), important groupe de pression des banques et des institutions de finance mondiales, est également intervenu dans le conflit. Le directeur exécutif de l'IIF, Charles Dallara, s'est opposé à la décision de renégocier l'accord du 21 juillet dans le but d'augmenter la décote sur les obligations en déclarant un « accord est un accord. » Invité à s'exprimer sur ces objections, le commissaire européen en charge des Affaires économiques et monétaires, Olli Rehn, a dit que l'accord conclu en juillet exigeait une révision technique : « Nous ne rouvrons pas l'accord, nous revoyons l'accord plutôt. »
L'ampleur de la décote grecque n'est pas la seule préoccupation des banques. Dallara a dit que les décisions de l'Autorité bancaire européenne d'exiger des banques qu'elles évaluent les emprunts souverains qu'elles détiennent aux prix courants du marché créerait de « sérieux risques ». De telles mesures exerceraient une pression sur les marchés des emprunts de ces pays en menant à une nouvelle baisse de la valeur de leurs obligations. Ceci pourrait résulter en un « cercle vicieux. où le capital entre par la grande porte pour en sortir par la petite alors que la valeur de la dette souveraine restant inscrite au bilan des banques décline. »
Les remarques de Dallara soulignent combien sont futiles toutes les tentatives de résoudre la crise financière en imposant une règlementation plus stricte aux banques. Face à une telle éventualité, leur seule réaction est de brandir la menace de mesures qui créeraient même une aggravation de la crise.
Il n'existe pas non plus de possibilité d'une action unie des gouvernements. La réunion du G20 a été une preuve de plus de ce que chaque gouvernement agit dans ses « propres » intérêts économiques et financiers.
Les Etats-Unis insistent sur un renflouement pour protéger les intérêts des banques américaines qui, sans être directement lourdement exposées à la dette européenne, subiraient des pertes majeures en cas de défaillance en raison des dérivés sur événement de crédit (« credit default swaps ») qu'elles détiennent.
La Grande-Bretagne est déterminée à défendre les intérêts de la Cité de Londres - appelée parfois le Guantánamo Bay du système financier international en raison de l'application en toute impunité de pratiques considérées illégales par ailleurs - à l'encontre de toute régulation qui affecterait ses activités. Dû aux intérêts conflictuels de leurs banques respectives, les puissances européennes sont incapables de s'entendre sur un quelconque projet.
La veille de la réunion du G20 de la semaine passée, le Financial Times publiait un éditorial intitulé « Revenir à l'esprit de 2009 ».
L'article dit ceci « L'état de l'économie mondiale pourrait difficilement être plus morose. Les développements sur les marchés obligataires, notamment de la dette souveraine, occasionnent beaucoup d'angoisse parmi les investisseurs. Les tendances macroéconomiques offrent peu de réconfort : aux Etats-Unis et en Europe, les données sur l'emploi n'incitent pas à l'optimisme et même en Chine les taux de croissances ont été touchés par le ralentissement du commerce mondial. Le climat général des affaires est en attente et il s'avère encore plus difficile d'échapper au risque d'une récession en double creux (« double dip »). »
Rappelant les accords conclus lors du sommet du G20 d'avril 2009, l'article exige une nouvelle dose de tels « efforts constructifs », en insistant que seule la « denrée vitale qu'est la confiance » pourrait « éviter un désastre » au monde. » Il dit que la confiance avait été restaurée auparavant et peut l'être à nouveau.
Les accords n'avaient été possibles en 2009 que parce que les intérêts des puissances capitalistes dominantes étaient temporairement les mêmes. Deux ans et demi plus tard, ce même développement de la crise a intensifié les conflits qui leur sont inhérents.
La bourgeoisie n'a pas de réponse à la crise produite par le système capitaliste, hormis la pauvreté grandissante, l'austérité et la guerre.
Alors que se tenait la réunion du G20, les manifestations mondiales d'Occupy Wall Street montraient où se trouve la solution : la mobilisation de la classe ouvrière à l'échelle internationale pour le socialisme, basée sur la réorganisation de la vie économique placée sous contrôle démocratique afin de satisfaire les besoins sociaux et pas les profits des sociétés.
(Article original paru le 18 octobre 2011)