par Pierre Dubuc
Le 26 septembre, le Bloc Québécois appuyait, avec les Libéraux, une motion du gouvernement de Stephen Harper autorisant pour une période maximale de trois mois la prolongation de la participation des Forces armées canadiennes aux interventions de l'OTAN. La motion a été adoptée par 188 contre 98, le NPD et Elizabeth May du Parti Vert votant contre.
Le gouvernement a justifié son action en évoquant les résolutions 1973 et 2009 du Conseil de sécurité des Nations Unies, basées sur le concept de la « responsabilité de protéger » les populations civiles.
Mais, pour tous ceux qui ont un tantinet suivi les opérations militaires de l'Otan, il est évident que la « responsabilité de protéger » a servi de paravent pour dissimuler un changement de régime. Un régime avec lequel le Canada entretenait pourtant jusque là de très bonnes relations.
En effet, le lendemain du vote à la Chambre des communes, le Globe and Mail révélait comment les relations avec le colonel Kadhafi étaient à ce point cordiales, il y a à peine deux ans, que ce dernier était intervenu personnellement, à la demande du gouvernement Harper, pour la libération de deux diplomates canadiens, Robert Fowler et Louis Guay.
Dans la même édition du journal, on apprend que la riche pétrolière canadienne Suncor va reprendre ses activités, interrompues par la guerre, en Libye. SNC-Lavalin va poursuivre les travaux de construction d'une prison en Libye.
Clausewitz, le grand théoricien militaire, a écrit que « la guerre est la continuation de la politique par d'autres moyens » et que si on veut porter un jugement sur une guerre, on ne peut prendre au mot les déclarations d'un gouvernement belliciste comme celui de Stephen Harper, ni, malheureusement, les résolutions de l'ONU, de plus en plus alignées sur les désirs des grandes puissances. Il faut, nous dit Clausewitz, examiner la politique qui a conduit à cette guerre.
C'est à cet exercice qu'on s'attend des représentants du Bloc Québécois à Ottawa et non à débiter des platitudes comme l'a fait son porte-parole sur ces questions, le député Jean-François Fortin.
Des médias français, comme le Canard enchaîné, n'hésitent pas à dire que le but de l'intervention de l'Otan n'a rien à voir avec la protection des droits humains, mais tout à voir avec le pétrole libyen.
La pétrolière Total, qui ne possédait que 1,4% des droits d'exploitation du pétrole libyen, est, depuis le début, sur les rangs pour un partage plus « équitable ». L'affaire est si évidente que, dans son édition de la semaine dernière, le Canard enchaîné publie une caricature, intitulée « Sarko s'investit », avec Sarkozy déclarant : « Libyens, vouis pouvez compter sur mon soutien TOTAL ».
Comme l'un des principaux actionnaires de la pétrolière Total est Power Corporation, propriété de la famille Desmarais, on se serait attendu à ce que les représentants du Bloc profitent de la tribune qu'est la Chambre des communes pour révéler au grand jour les intérêts d'un des plus ardents adversaires de l'indépendance du Québec dans les événements libyens et réaffirment les préoccupations pacifistes du peuple québécois.
Espérons que ce sera pour une prochaine fois.