02/09/2011 oulala.net  6min #56965

 La Libye et Notre propagande de guerre

Honte aux journalistes de radio France-inter traitant de la Libye !

 Sylvia

Nous publions ici copie d'un courrier qu'une auditrice avisée a adressé aux rédacteurs de radio France Inter. Ceci pour leur rappeler que la liberté de la presse n'est pas un droit pour les journalistes mais un droit des gens à être correctement informés ; que le devoir de chaque journaliste est d'informer le public dans le respect de la vie humaine, dans le respect que l'on doit aux victimes ; qu'il est d'autant plus impératif que les journalistes envoyés dans des pays en guerre s'attachent à éclairer des faits que les puissances belligérantes s'emploient à camoufler.  (Silvia Cattori)

Des journalistes aux ordres.

En 2003, la France s'oppose à la seconde guerre d'Irak, les journalistes de la radio nationale soutiennent alors la décision de leur gouvernement. Ils défendent la légitimité morale de ne pas attaquer un pays souverain.

En 2011, le pouvoir en France a changé de mains et dès l'annonce de la résolution du Conseil de Sécurité de l' Onu, les journalistes de France-Inter se sont mis en rang derrière la coalition occidentale et l'Otan. Ils ont systématiquement rapporté et commenté les événements depuis la perspective des « rebelles ». Leurs experts en tous genres entendus à l'antenne renforcent régulièrement ce parti-pris.

Pourtant à leur corps défendant, les mensonges se dévoilent parfois d'eux-mêmes. Ainsi « Le téléphone sonne » du lundi 22 août, animé de façon enjouée par le journaliste et ses invités alors que Tripoli est sous les bombes de l'Otan, commence par évoquer la nécessité de « protéger les civils » en Libye pour en venir somme toute assez vite à la véritable nécessité : l' Europe doit se rendre maître des moyens de sa puissance si elle veut encore exister entre les États-Unis et la Chine.

« Radio-Paris ment, Radio-Paris ment, Radio-Paris lalala.... »

« France-Inter en dit tant, France-Inter en fait tant, France-Inter est pour l'Otan ! »

Un langage désobligeant, violent et indécent.

Puisqu'officiellement, il n'y a pas de guerre en Libye, que l'Otan est venu au secours d'un peuple qui lutte pour la démocratie, il ne reste qu'un seul personnage à abattre, le Colonel Kadhafi et les « quelques fidèles qu'il compte encore »...

La Libye demeure néanmoins pour l'heure un État souverain. Un État qui n'a violé aucune résolution de l' Onu, qui n'a menacé ni attaqué aucun autre État, proche ou lointain.

Les journalistes vont alors docilement jouer le rôle qu'ils ont accepté de jouer : ridiculiser, discréditer et diaboliser le dirigeant de la Libye et ignorer les nombreux Libyens qui ne sont pas d'accord de voir leur pays détruit par des envahisseurs étrangers. Ces journalistes n'ont aucun problème à répéter que Kadhafi est « un criminel », « un tyran » détesté, « un dictateur » redouté, qu'il amuse parfois la galerie avec ses « bouffonneries ». Ses déclarations ne sont que des « diatribes », il « harangue ses partisans » qui sont des gens « impitoyables », « le numéro 1 libyen est-il fou ? », etc..., etc...etc.

L'arrestation non vérifiée de deux de ses fils est annoncée comme une nouvelle réjouissante. Les mauvais traitements que subissent les prisonniers ne les dérangent pas. Alors que des images permettent de comprendre que les rebelles se conduisent en barbares et procèdent à des exécutions sommaires, les journalistes les suivent comme s'ils étaient des héros, ils vont même jusqu'à les trouver « sympathiques », et ils présentent leurs actes de barbarie comme des victoires !

Le sommet de l'indécence est atteint quand les rédactions des différents journaux acceptent d'annoncer une fois encore d'un ton plaisant que « la tête de Kadhafi est mise à prix à.... de $ » ! Quelle barbarie ! Auditrice de France-Inter à qui une telle information est destinée, je suis remplie d'effroi : comment est-il possible de diffuser de tels messages piétinant toutes les règles du droit national et international ? Tous les droits humains fondamentaux ? Comment la radio nationale publique peut-elle se faire complice d'une incitation au meurtre pur et simple d'un être humain en dehors de tout tribunal ?

Des reportages de perroquet.

Pourquoi avoir des « envoyé,e,s spéciaux » s'ils sont « embedded » ? Pour faire illusion sur l'authenticité et la réalité des enquêtes sur place ? Au fil des comptes rendus et des entretiens avec « les correspondant,e,s », on est fixé sur le manque de sérieux et l'objectivité de leur travail.

Ainsi, les journalistes envoyés en Libye nous abreuvent de témoignages individuels d' « insurgés » s'exprimant souvent en anglais, sans intérêt parce qu'ils n'éclairent rien et n'apportent aucune information sur ce qui se passe réellement, sur ce que ressent la population que l'on ne voit pas. Ou encore, de leur propre aveu, ils rapportent des rumeurs. Quand il y en a, les communiqués lacunaires de l'Otan sont fidèlement répétés, ponctués de ce commentaire puéril : « On n'en saura pas plus » !

A Paris, à la rédaction de France-Inter, on entend des journalistes connus, qui ont des années de métier, dont les commentaires se situent invariablement du côté des rebelles et des forces de l'Otan ; leurs analyses se bornent à évaluer ou à vanter les moyens d'action aérien, naval, et terrestre de la plus puissante organisation militaire du monde contre un petit pays de 6 millions d'habitants.

Par ailleurs, bien qu'il soit établi que les membres du Conseil de transition soient pour la plupart d'anciens hauts responsables du gouvernement de Kadhafi qui, lui, doit être liquidé, les journalistes de France-Inter évitent soigneusement de parler de leur activité passée et de mener des enquêtes à leur sujet.

La responsabilité du « crime contre la paix ».

Le contrôle de l'information constitue le premier acte de la guerre. Un journaliste qui se met au service d'un camp renonce de facto à exercer son métier. Ridiculiser, diaboliser, répandre sans vérification des informations incitant au mépris, à la haine et au meurtre contre le camp des perdants, engage la responsabilité de celles et ceux qui contribuent ainsi à la guerre. Ils prennent de graves responsabilités car ils devront répondre de « crime contre la paix », tel que définit par la Charte des Nations Unies en 1948. En plus de devoir rendre des comptes à leur conscience, ils pourraient un jour avoir à rendre des comptes publiquement.

Dans un article récent, Thierry Meyssan, actuellement en danger à Tripoli sous la férule des « démocrates » du Conseil de transition, rappelle précieusement « qu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l'Assemblée générale des Nations Unies a par quatre fois légiféré pour interdire et condamner ce type de pratique.

La Résolution 110, du 3 novembre 1947, relative aux « mesures à prendre contre la propagande en faveur d'une nouvelle guerre et contre ceux qui y incitent », sanctionne « la propagande de nature à provoquer ou à encourager toute menace à la paix, rupture de la paix, ou tout acte d'agression ».

La Résolution 381, du 17 novembre 1950, consolide cette condamnation en condamnant la censure des informations contradictoires comme partie intégrante de la propagande contre la paix.

Enfin, la Résolution 819, du 11 décembre 1954, sur « la suppression des obstacles au libre échange des informations et des idées », pose la responsabilité des gouvernements à supprimer les obstacles qui entravent le libre-échange des informations et des idées.

Ce faisant, l'Assemblée générale a élaboré sa propre doctrine en matière de liberté d'expression : elle a condamné les mensonges qui conduisent à la guerre et a érigé la libre-circulation des informations et des idées et le débat critique en armes au service de paix. »

Michelle Verrier
Philosophe

Courrier adressé à radio France Inter par Mme Michelle Verrier le 28 août 2011

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