Les infiltrations des terroristes au Niger et la dégradation de la situation en Libye n'émeuvent pas l'ONU.
Le Conseil de sécurité de l'ONU ne cesse, depuis des années, de jouer le rôle d'une caisse de résonance amplifiant la volonté des puissances occidentales au détriment des autres voix jugées discordantes émanant de ces pays livrés à divers troubles.
Théoriquement souveraine, cette instance internationale a vu sa crédibilité entachée depuis qu'elle s'est alignée sur les positions des plus forts et les exemples ne manquent pas, à commencer par l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak jusqu'à l'agression caractérisée contre la Libye sous le prétexte fallacieux de protéger les populations civiles. Mardi dernier, et au moment où la télévision libyenne montrait des images atroces de victimes civiles des bombardements de l'Otan, le Conseil de sécurité exprimait sa grande inquiétude à propos du Yémen, un pays qui vit depuis des mois une situation alarmante.
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, les 15 membres du Conseil de sécurité continuent d'évacuer de leurs débats les risques réels causés par la présence effective de groupuscules djihadistes au sein de la rébellion libyenne en axant tout leur intérêt sur le Yémen, considéré par de nombreux spécialistes comme un des foyers les plus actifs d'Al Qaîda, même bien avant la dégradation de sa situation intérieure. Au lieu d'analyser objectivement tous les éléments qui ont mené à la vacance du pouvoir au Yémen, le Conseil de sécurité multiplie les mises en garde contre le risque de voir Al Qaîda exploiter cette situation propice et pousser ce pays vers l'effondrement.
Le Yémen est en proie à la tourmente politique depuis le début du soulèvement en janvier dernier contre le président Saleh, au pouvoir depuis 33 ans. Des centaines de personnes sont mortes dans les affrontements entre forces de sécurité et opposition, mais aussi entre forces de sécurité et combattants d'Al Qaîda.
Le Conseil de sécurité a pressé l'ensemble des parties de permettre un accès «humanitaire» au Yémen et mis en garde contre les pénuries de plus en plus sévères de biens de consommation de base et contre la dégradation des infrastructures. Le Conseil «appelle toutes les parties à mettre en place rapidement un processus politique de transition large, ordonné et mené par des Yéménites».
Les inquiétudes de l'ONU et de la communauté internationale à propos du Yémen sont certes légitimes, mais ne faudrait-il pas aussi s'intéresser de près au chaos libyen, à la situation au Nigéria et au Niger où Al Qaîda est en train, selon de nombreux analystes, de se renforcer en moyens humains et matériels?
D'énormes quantités d'armes et de munitions transitent chaque jour par le Niger en provenance de la Libye sans que l'ONU ne fasse le moindre commentaire. Est-ce pour des raisons liées à des impératifs imposés par les cartels pétroliers que les politiques se taisent toujours ou tentent des diversions?
Cette insistance à jouer aux médiateurs n'est-elle pas dépassée par les événements aujourd'hui en ce qui concerne le Yémen?
L'intransigeance des belligérants est telle que rien ne pourrait empêcher une intervention étrangère. Est-ce l'objectif recherché par certains membres du Conseil de sécurité?
Ikram GHIOUA