par Julie Lévesque
Note du rédacteur du Centre de recherche sur la mondialisation
Cet article de Julie Lévesque constitue la première partie d'un reportage sur le navire humanitaire solitaire « Spirit of Rachel Corrie » à destination de Gaza. Le navire a atteint les eaux palestiniennes avant d'être brutalement intercepté par la marine israélienne.
La mission a été organisée par Perdana Global Peace Foundation (PGPF) située à Kuala Lumpur.
Depuis plusieurs années déjà, Mondialisation.ca collabore activement avec la PGPF dans une vaste initiative visant à criminaliser la guerre. C'est dans ce contexte de collaboration soutenue que Julie Lévesque, journaliste de Mondialisation.ca, a participé à cet important projet.
Contrairement à la Flottille de la liberté, laquelle a été l'objet de débats et de discussions dans les médias, la planification de la mission « Spirit of Rachel Corrie » n'a pas été rendue publique.
Les autorités israéliennes ont complètement été prises par surprise. Le Spirit of Rachel Corrie s'est rendu à moins d'un kilomètre du littoral de Gaza. La marine israélienne a agi de façon totalement improvisée, tirant sur l'équipage et les passagers jusqu'à ce que le Spirit of Rachel Corrie batte en retraite dans les eaux territoriales égyptiennes.
C'est avec un courage formidable que le Spirit of Rachel Corrie, mené par Matthias Chang de PGPF, a défié la légitimité du gouvernement israélien. Il a réussi à « percer » le blocus de Gaza, ainsi qu'à livrer par voie de terre son cargo humanitaire.
La première partie de cet article met l'accent sur les deux courageux activistes irlandais Derek et Jenny Graham, lesquels ont joué un rôle central dans l'organisation de la mission de l'an dernier, « Rachel Corrie », et celle de cette année, « Spirit of Rachel Corrie ».
Michel Chossudovsky, 18 juillet 2011
À la fin avril 2011, on m'a invitée à participer à la mission Spirit of Rachel Corrie à destination de Gaza. La mission était organisée par Perdana Global Peace Foundation, une organisation non gouvernementale malaysienne uvrant à la promotion de la paix dans le monde et fondée par l'ancien Premier ministre de la Malaysie, Mahathir Mohamad.
Il s'agissait de la première tentative de briser le siège depuis l'agression brutale en 2010 du Mavi Marmara par des commandos israéliens, lesquels ont tué 9 activistes.
Jusqu'à maintenant, il s'agit de la seule mission à être entrée en eaux palestiniennes cette année. La marine israélienne a forcé le navire à rebrousser chemin sous la menace des armes. La mission a par la suite été bloquée dans les eaux territoriales égyptiennes au large du port d'El-Arich durant 7 semaines. Le cargo, des tuyaux de PVC rigide pour réparer le système d'assainissement détruit par l'armée israélienne, a été livré à Gaza. La seconde partie de cet article mettra l'accent sur la mission et ses implications.
La mission Spirit of Rachel Corrie ainsi que les récents événements entourant la tentative ratée de la Flottille de la liberté II visant à briser le siège illégal de Gaza ont mis en lumière l'importance de l'activisme international dédié à la cause Palestinienne.
Les Nations Unies ainsi que la majorité des gouvernements occidentaux ont appuyé le gouvernement israélien, affirmant que les tentatives de briser le siège sont" inutiles" et "provocatrices". La "communauté internationale a cédé aux demandes israéliennes de dissuader leurs ressortissants de s'engager dans de telles entreprises.
Cela soulève un problème crucial. L'activisme international relatif à la Palestine doit maintenant contester la soi-disant communauté internationale.
Les forceurs de blocus
Partie I
« Tant qu'un homme n'a pas découvert quelque chose pour lequel il serait prêt à mourir, il n'est pas à même de vivre. » - Martin Luther King
On les a appelés les « boat people suicidaires » et les « pirates pacifiques de la Méditerranée ». En 2008, Derek et Jenny Graham, mari et femme, ont troqué le confort et le calme de l'Irlande pour la haute mer méditerranéenne et les prisons israéliennes.
Nous avons fait connaissance à la fin avril à Kuala Lumpur (KL) en Malaisie. Le couple y a été recruté en tant que conseillers par Perdana Global Peace Foundation (PGPF) dans le contexte d'un projet visant à briser le siège illégal de Gaza. Il s'agissait de coordonner la mission « Spirit of Rachel Corrie » (L'Esprit de Rachel Corrie) (SRC aussi connue sous le nom de MV Finch), un navire de charge transportant des tuyaux de PVC rigide destinés à la réparation du système d'égouts détruit par l'armée israélienne.
Dans leur appartement de KL, autour d'une tasse de thé typiquement irlandaise je leur demande : « Qu'est-ce que vous faites dans la vie? » À cette question ordinaire, Jenny Graham lance cette réponse inhabituelle : « C'est ce que nous faisons! »
Wow. Qui fait cela? Tout laisser tomber pour lutter dans la bataille de quelqu'un d'autre ?
« Lorsque les gens me demandent ce que je fais dans la vie, je dis que je suis un forceur de blocus », répond fièrement l'ancien électricien Derek Graham, le sourire en coin. « C'est ce pourquoi nous vivons, c'est ce qui nous motive, ajoute Jenny. « Nous étions très confortables en Irlande, mais je n'étais ni heureuse ni en santé. Un soir j'ai dit à Derek : "C'est bien tout ça. On a une maison, deux voitures, deux commerces, mais je m'ennuie tellement. Tout ça, ce n'est pas pour moi". »
Derek Graham, Jenny Graham et Alan Lonergan de Sadaka, The Ireland Palestine Alliance.
Alan faisait partie de l'équipe terrestre de la mission Spirit of Rachel Corrie.
Ils ont pris un globe terrestre, l'ont fait tourner et ont pointé un pays au hasard : Chypre. Ils ont vendu leurs commerces pour des pacotilles et se sont installés dans l'île méditerranéenne où ils sont soudainement devenus des activistes pro-Palestiniens à plein temps.
« Nous étions déjà pro-Palestiniens, mais c'est en 2008 à Chypre que nous avons entendu parler de bateaux à destination de Gaza. J'ai navigué toute ma vie, je me suis dit, ouais, j'ai envie de faire ce genre de truc » Depuis, Derek a défié le siège de Gaza à six reprises. Il a réussi trois fois.
« Et nous voici, organisant des bateaux pour Gaza et de toute ma vie je n'ai jamais été si heureuse et si en santé », ajoute la petite femme aux yeux bleus pétillants.
Durant leur séjour de trois mois en Malaisie, le couple s'est fait demander à plusieurs reprises pourquoi ils se dévouaient à la cause palestinienne. « On nous demande fréquemment : "Vous n'êtes pas musulmans, pourquoi vous impliquez-vous dans cette cause?" Ce n'est pas une question religieuse, mais humanitaire. Ce pays est dévasté par la guerre. Les Palestiniens n'ont rien! La plupart des enfants à Gaza n'ont même pas de chaussures », dénonce-t-elle.
Derek ajoute : « Les femmes doivent découper des couches pour se faire des serviettes sanitaires, quelle humiliation! »
Jenny poursuit : « Là-bas, des drones volent au-dessus de ta tête constamment. Si l'on réussit à se rendre tu vas voir la désolation. Le pire dans toute cette histoire c'est qu'il ne s'agit pas d'un désastre naturel, mais d'origine humaine. Ce qu'il y a de plus extraordinaire cependant, c'est l'accueil des Palestiniens. Ils sont si chaleureux! Des tas de gens viennent te voir, te toucher et les enfants veulent te tenir la main. Les Gazaouis sont tellement heureux de voir qu'il y a encore des gens dans ce monde qui se soucient d'eux. »
L'activisme pro-Palestinien : se battre et mourir pour la justice
Le Spirit of Rachel Corrie était la deuxième tentative de Jenny pour briser le siège. Elle était avec son mari sur le Rachel Corrie l'an dernier avec Matthias Chang, chef de la mission SRC ainsi qu'entre autres Denis Halliday, ancien Vice-Secrétaire général des Nations Unies (ONU) et la lauréate du prix Nobel de la paix Mairead Maguire.
Jenny raconte:
« Nous étions en eaux internationales et la marine israélienne nous a demandé de rebrousser chemin. Nous avons refusé. Les Israéliens ont abordé le navire en hurlant. Ils sont incapables de parler, seulement de te crier au visage. Ils ont mis Derek à genoux, lui ont braqué une arme sur la tempe. À ce moment-là, j'ai cru que je ne le reverrais jamais.
J'ai été fouillée à nu. Ils voulaient me cacher derrière une espèce de drap et j'ai protesté : "Non. Je veux que tout le monde voit ce que vous me faites subir." Et j'ai enlevé mes vêtements devant tout le monde. Les soldats étaient stupéfaits.
Ils se sont ainsi tous retrouvés dans un centre de détention à Ashdod en Israël et ont été interdits de territoire pour une période de dix ans pour être entrés illégalement en Israël.
En vérité, ils ne sont jamais entrés en Israël illégalement : ils y ont été amenés de force par les Israéliens. Toutefois, cela a été démontré plus d'une fois, lorsqu'il est question du conflit israélo-palestinien, la justice n'a rien à faire des faits et de la logique.
« La détention arbitraire est chose courante dans les prisons israéliennes. Bien des gens sont détenus depuis plusieurs années sans même savoir pourquoi! », signale Derek.
Le navire appelé Rachel Corrie transportait de l'aide humanitaire telle que du ciment, des fournitures scolaires et du matériel médical. Il a été amené au port d'Ashdod et ruiné par les Israéliens. À ce jour, les biens n'ont toujours pas été livrés. Le ciment, tout comme l'acier et le béton, pour ne nommer que quelques items, sont permis à Gaza uniquement « dans le cadre de projets autorisés par les autorités palestiniennes mis en uvre par la communauté internationale ». (Ministère israélien des affaires étrangères , Gaza: Lists of Controlled Entry Items, 4 juillet 2010)
Matthias Chang, avocat malaisien, l'un des architectes de la Flottille de la liberté I et chef de la mission de PGPF, a dédié plus de 40 ans de sa vie à la défense de la paix et de la justice. Il explique pourquoi les deux navires financés par PGPF ont été nommés en l'honneur de l'activiste étasunienne :
« Rachel Corrie symbolise ce qui motive les gens outre la religion. Le premier navire a été saisi, mais son esprit se perpétue. Son courage et sa détermination inspirent au-delà des questions religieuses. » (Voir le compte-rendu de la mission Rachel Corrie en 2010 rédigé en en anglais par Matthias Chang Merging with Rachel Corrie - A Dedication to Non-violence)
Matthias Chang
« Lorsqu'ils s'adressaient au capitaine avant de nous arrêter, les officiers de la marine israélienne n'osaient même pas dire le nom du navire. Ils l'appelaient sans cesse MV Linda, son ancien nom. Ils ne l'appelaient jamais Rachel Corrie », affirme Jenny.
En 2003, à l'âge de 23 ans, l'activiste étasunienne Rachel Corrie a été écrasée à mort par un bouldozeur alors qu'elle protestait pacifiquement pour empêcher la démolition d'une maison palestinienne.
Elle a été injustement diabolisée et qualifiée d'« activiste étasunienne d'extrême gauche » (Jacob Shrybman, Debunking the Gaza Siege Myth, Huffington Post, 3 mai 2010) « intervenue dans une opération militaire visant à démolir légalement une maison vide, utilisée pour dissimuler [un tunnel] emprunté par des terroristes palestiniens pour faire entrer clandestinement à Gaza des armes en provenance de l'Égypte » (Mitchell G. Bard, Myths and Facts Online. Online Exclusives, Jewish Virtual Library) Ses parents ont poursuivi l'État d'Israël et attendent le jugement prévu pour avril 2012.
Rachel Corrie
Rachel Corrie après avoir été écrasée
par un bouldozeur de l'armée israélienne.
Entrevue de Rachel Corrie interview, 2 jours avant sa mort.
Les activistes propalestiniens présentés comme des terroristes
Les activistes propalestiniens sont régulièrement présentés comme des terroristes, des partisans du terrorisme, des sympathisants du Hamas, des antisémites, etc.
George Galloway, un député britannique ayant livré de l'aide humanitaire avec Viva Palestina en 2009 a été interdit de territoire au Canada la même année. Selon Jason Kenney, ministre de la Citoyenneté de l'Immigration et du Multiculturalisme, M. Galloway avait « publiquement et ouvertement remis des dizaines de milliers de dollars au chef d'une organisation terroriste antisémite interdite appelée Hamas ». (Cathryn Atkinson, National security claim rejected by judge in bid to redact Galloway emails, rabble.ca, 20 avril 2010)
M. Galloway a traîné le gouvernement canadien devant les tribunaux. Il a gagné sa cause. Le juge a conclu que le gouvernement conservateur l'avait interdit de territoire « parce qu'il était en désaccord avec sa vision politique, non pas parce qu'il représentait un danger pour les Canadiens ». (John Bonnar, George Galloway returns to Canada this weekend, rabble.ca 30 septembre 2010)
Comme Rachel Corrie et bien d'autres, Derek et Jenny Graham, loin d'être des défenseurs du terrorisme, dédient leur vie aux victimes de l'occupation israélienne illégale et la risquent pour leur apporter de l'aide humanitaire et des biens essentiels.
Entre les menaces de mort, et la mort d'amis, la vie d'un activiste propalestinien n'a rien de facile.
« Oh, nous avons reçu des menaces de mort, mais on s'en fout », admet Jenny haussant les épaules, indifférente. « Ils peuvent nous menacer, cela ne nous arrêtera pas. »
Vous ne craignez pas pour votre vie? « Bien sûr! Mais la cause palestinienne est ce qui nous motive. Si Derek meurt, je survivrai et je vais continuer la bataille. Ça va faire mal, mais je survivrai. Même chose pour lui. »
Cette attitude humanitaire téméraire et ce dévouement a coûté la vie à de nombreuses personnes. En plus des nombreux journalistes et activistes palestiniens morts dans leur propre combat, plusieurs activistes étrangers ont été tués soit par l'armée israélienne, le Mossad, ou par des tueurs à gage.
Le Britannique Thomas Hurndall, étudiant en photographie, a reçu une balle dans la tête en 2003 alors qu'il tentait de sauver des enfants des snipers israéliens. Il est mort en janvier 2004, à 22 ans, après neuf mois dans le coma. Comme Rachel Corrie, il était membre de l'International Solidarity Movement (ISM), une organisation regroupant des pacifistes palestiniens et internationaux.
Thomas Hurndall
Thomas Hurndall touché par
un sniper israélien.
L'ami italien de Derek et Jenny, Vittorio (Victor) Arrigoni, a été torturé et tué dans d'étranges circonstances. Derek décrit son ami : « C'était un doux géant. Il avait les bras les plus gros que j'aie vus de ma vie, mais il n'aurait pas fait de mal à une mouche. Et tout le monde l'aimait, surtout les femmes! Oh elles l'aimaient! »
Vittorio Arrigoni en compagnie d'une Palestinienne.
Vittorio Arrigoni alors qu'il était tenu en otage, torturé et étranglé.
Le meurtre a été imputé à un groupe salafiste ayant nié être responsable de sa mort.
Et il poursuit avec cette histoire atroce: "Avant d'être tué, Vittorio a été capturé par les Israéliens alors qu'il agissait comme bouclier humain sur un bateau de pêcheurs palestiniens. Ils l'ont enfermé durant des mois dans une toilette qui n'avait pas été nettoyée depuis des années. Il a été dévoré par les asticots et il avait des cloques partout sur le corps lorsqu'il est sorti. »
Video réalisée par Vittorio Arrigoni montrant la vie quotidienne
des Palestiniens sous les tirs israéliens.
Victor, 36 ans, aurait été tué par un groupe salafiste obscur, prétendument en réponse à la capture d'un de leurs chefs par le Hamas. Certaines personnes qui l'ont connu ainsi que des dirigeants du Hamas croient plutôt qu'il s'agit de l'uvre du Mossad, le service de renseignement israélien, et qu'il visait à « intimider les activistes étrangers espérant prendre la mer pour Gaza dans le cadre de la prochaine flottille ». (Associated Press et Haaretz Service, Hamas official hints Israel killed Italian activist to intimidate future Gaza flotilla members, Haaretz.com, 15 avril 2011)
En ce qui concerne le Mossad, Jenny admet : « Oh, nous savons qu'ils nous surveillent. Ils ont pris des photos de nous en Irlande. Lorsqu'ils m'ont interrogée en prison j'ai vu les photos et je leur ai dit : "Ces photos ont été prises en Irlande!" Ils ont nié. J'ai répliqué : "Le chandail que je porte dans cette photo, je ne l'ai jamais emmené avec moi, je l'ai laissé à la maison." »
Elle ajoute : « Je me rappelle d'une fois où Victor et moi étions sur une terrasse et l'un d'eux était dans sa voiture de l'autre côté de la rue. Victor l'a regardé et a pointé sa tasse en voulant dire : "Tu veux un café?" Mais ceux que l'on voit ne sont pas une menace. Ceux que l'on ne voit pas le sont. »
Malheureusement, ces décès n'attirent pas vraiment l'attention des médias. La plupart des gens ne connaissent ni Rachel Corrie ni Vittorio Arrigoni. Si le décès d'un Palestinien ne mérite pas d'être signalé dans les nouvelles, pourquoi celui d'un activiste propalestinien le serait-il?
L'attaque brutale de l'année dernière à bord du Mavi Marmara était une exception. Même s'il a placé Israël sous un éclairage peu flatteur, le meurtre de neuf activistes à bord a été exploité dans le but de décourager les activistes qui défient le siège illégal de Gaza.
Toutefois, le nombre d'activistes qui se sont joints à la Flottille de la liberté cette année démontre à quel point le bain de sang de l'an dernier a été inefficace pour décourager les activistes dans leur tentative de briser le siège.
Ironie amère du sort, Israël a réussi à persuader les Nations Unies ainsi que des gouvernements occidentaux à condamner de telles démarches et à dissuader leurs ressortissants de défier la violation flagrante du droit international par Israël.
Le rôle insidieux du Secrétaire général des Nations Unies
Grâce à l'appui de Ban Ki-moon, la violation du droit international par Israël a été entérinée par l'ONU. Dans une déclaration complètement absurde en mai dernier le Secrétaire général de l'ONU a réussi à « mettre la réalité sens dessus dessous », présentant le siège illégal de Gaza comme légitime. Selon Ban Ki-moon, « l'aide et les biens destinés à Gaza devraient être acheminés par des passages légitimes et des voies établies ».
Il convient de noter que plusieurs envoyés de l'ONU tels que Desmond Tutu, Navi Pillay et Richard Falk ont explicitement condamné le blocus israélien en soulignant le fait qu'il viole à la fois la Charte de l'ONU et la doctrine fondamentale du droit humanitaire.
Mercredi, l'envoyé de l'ONU, l'archevêque Desmond Tutu, a qualifié le blocus israélien de la bande de Gaza d'illégal, de « siège » et de « violation flagrante des droits humains » faisant écho aux groupes de défense accusant Israël d'infliger une punition collective. ( U.N. envoy Tutu calls Gaza blockade illegal, Reuters, 28 mai 2008. C'est l'auteure qui souligne.)
Mme Pillay a déclaré que le blocus est illégal en vertu des droits de la personne et du droit humanitaire international, et qu'il « doit prendre fin maintenant » (UN rights chief urges Israel to end 'illegal' Gaza blockade, Ma'an News Agency, 18 novembre 2008. C'est l'auteure qui souligne.)
Richard Falk, Rapporteur spécial de l'ONU sur les territoires palestiniens occupés [...] a affirmé que le blocus constitue « une politique délibérée de punition collective laquelle est légalement indéfendable et moralement répréhensible ». ( UN Expert Prof. Em. Richard Falk calls for immediate lifting of Israeli blockade of Gaza, UN News Center, 23 juin 2011. C'est l'auteure qui souligne.)
Par ailleurs, le Secrétaire général de l'ONU, trahissant son mandat, a présenté la flottille comme « potentiellement violente » :
Le Secrétaire général a appelé tous les gouvernements concernés à utiliser leur influence afin de dissuader de telles flottilles, lesquelles peuvent dégénérer en conflits violents. (United Nations, Statement Attributable to the Spokesperson of the Secretary-General on Letters by the Secretary-General about Possible Flotillas to Gaza, 27 mai 2011)
Pourtant, en septembre 2010, la mission d'enquête établie par Commission des droits de l'homme des Nations Unies a conclu qu'Israël avait exercé une violence excessive et inutile contre des civils non armés.
- Les militaires israéliens ont manifesté une « violence totalement inutile » "
- Le comportement des militaires israéliens envers les passagers de la flottille a été « disproportionné et excessif »,
- Aucune arme n'a été saisie à bord des navires de la flottille à l'exception de quelques lance-pierres.
- « [S]ix des personnes décédées ont été victimes d'exécutions sommaires, deux ont été abattues après avoir été grièvement blessées et alors qu'elles ne pouvaient pas se défendre »
- « Les passagers ont été agressés en recevant des coups de pieds et de crosse. Sur trois des embarcations les passagers ont également été soumis à une violence inutile de la part des forces israéliennes alors qu'elles prenaient le contrôle »
- Quand elles les ont débarqués au port d'Ashdod, elles ont tenté de leur faire signer des confessions selon lesquelles ils étaient entrés illégalement en Israël. Ceux qui ont refusé de signer ou de donner leurs empreintes digitales ont été tabassés.
- « Le traitement à terre était un prolongement du traitement à bord des navires après que l'armée ait pris le contrôle », [et] à la fin de l'épreuve, les passagers ont dû endurer davantage de violence, incluant des volées de coups avant leur déportation à l'aéroport international Ben Gourion près de Tel Aviv. ( UN rights probe into Gaza flotilla incident rebukes Israel for 'unnecessary' violence, UN News Center, 27 septembre 2010. C'est l'auteure qui souligne)
Le problème fondamental réside dans la nature antidémocratique du Conseil de sécurité de l'ONU. Alors que l'Assemblée générale de l'ONU, qui représente véritablement la communauté internationale, a condamné Israël, la réelle prise de décision revient au Conseil de sécurité. Ce dernier comprend les cinq membres permanents (États-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie, Chine), lesquels peuvent opposer leur veto à toute résolution, ainsi que dix membres non permanents.
En ce qui concerne les résolutions critiquant Israël, le nombre de vetos de la part des États-Unis est frappant et a empêché l'ONU de faire son devoir qui consiste à :
à préserver les générations futures du fléau de la guerre [...]
à proclamer à nouveau notre foi dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des nations, grandes et petites,
à créer les conditions nécessaires au maintien de la justice et du respect des obligations nées des traités et autres sources du droit international ( Préambule de la Charte des Nations Unies, C'est l'auteure qui souligne.)
La nécessité de l'activisme propalestinien
Récemment la secrétaire d'État étasunienne Hillary Clinton a déclaré ce qui suit :
Nous ne croyons pas que la flottille soit un effort nécessaire ou utile pour tenter d'aider le peuple de Gaza [...] Il n'est pas utile que des flottilles tentent de provoquer des actions en entrant dans les eaux israéliennes et de créer une situation dans laquelle les Israéliens ont le droit de se défendre. ( Remarks With Philippines Foreign Secretary Albert del Rosario After Their Meeting, U.S. Department of State, 23 juin 2011. C'est l'auteure qui souligne.)
Dans un amer retournement de situation, Israël l'oppresseur, est présenté comme la victime : Israël est menacé et a « le droit de se défendre ». De plus, Mme Clinton affirme que les flottilles « provoqu[ent] des actions en entrant dans les eaux israéliennes », alors qu'en réalité, elles ne l'ont jamais fait et ne le feront jamais. Ces eaux n'appartiennent pas à Israël : il s'agit soit des eaux internationales ou des eaux palestiniennes, ces dernières étant contrôlées illégalement par l'armée israélienne.
Sur le terrain toutefois, de tels efforts visant à briser le siège ne sont pas vus comme inutiles.
Malgré l'ensemble des déclarations selon lesquelles « la flottille n'est pas nécessaire », la réalité sur le terrain démontre que le seul moyen efficace pour faire une différence dans la vie des Palestiniens est l'action directe non violente.
La pression imposée par la flottille a mené à trois grands changements en termes de politique du siège appliqué par Israël à Gaza; de couverture médiatique et d'intérêt publique pour la scène de crime qu'est Gaza; et de prise de position face au blocus, à laquelle les gouvernements et les institutions ont été contraints. (Adam Shapiro, Gaza flotillas have made a difference, Gulf News, 6 juillet 2011. C'est l'auteure qui souligne.)
Tant et aussi longtemps que l'ONU contreviendra à sa propre charte et ne s'objectera pas aux violations israéliennes du droit international et des droits humains fondamentaux, les activistes propalestiniens persévéreront dans leur quête de justice et de dignité. À cet égard, l'espoir est non seulement utile, mais aussi nécessaire.
Julie Lévesque est journaliste et recherchiste au Centre de recherche sur la mondialisation (CRM).