Dr Hicham Mourad - Al-Ahram/hebdo
L'ONU reconnaîtra-t-elle l'État palestinien en septembre prochain ? Une réponse positive est ardemment souhaitée par les Palestiniens qui, face au blocage de toute solution négociée, cherchent à faire avancer leur cause via une demande d'adhésion de l'État de la Palestine à l'organisation internationale. En revanche, la partie adverse s'évertue à bloquer la démarche. Israël a ainsi lancé une vaste offensive diplomatique pour faire échouer l'initiative palestinienne.
En vertu de la charte des Nations-Unies, l'adhésion d'un État se fait sur recommandation du Conseil de sécurité. Une majorité de 9 voix sur 15 est nécessaire. Aucun des 5 membres permanents ne doit opposer son veto. Or, les États-Unis devraient le faire. Une solution de remplacement, une approbation par l'Assemblée générale de l'adhésion de la Palestine, n'a pas effet d'obligation et paraît avant tout symbolique. Recourir à la résolution de 1950 : « Unité pour la paix », destinée à éviter le veto d'un membre permanent du Conseil de sécurité, pose de problèmes juridiques. Cette résolution était destinée à des questions relatives à la paix et à la sécurité mondiales, et non à l'adhésion d'un État à l'Onu.
En réalité, la reconnaissance d'un État se fait entre États, au niveau bilatéral, et non via l'Onu. La Palestine peut en ce sens se prévaloir de la reconnaissance de 112 États parmi les 193 de l'Onu. Une adhésion aux Nations-Unies renforce cependant cette reconnaissance internationale ainsi que la position juridique de l'État concerné. L'occupation militaire israélienne de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est sera alors considérée comme une agression contre un État souverain. La présence de colonies juives de peuplement sera également considérée comme une violation de la souveraineté de cet État, au même titre que le blocus imposé à la bande de Gaza. La position d'Israël en sera ainsi grandement affaiblie.
Sous forte pression des États-Unis et de certaines puissances européennes, qui s'opposent à l'initiative, l'Autorité palestinienne serait, elle-même, divisée sur son utilité si elle devait se solder par une détérioration des rapports avec Washington, voire une baisse de leur assistance financière. Washington et ses alliés stigmatisent la démarche « unilatérale » palestinienne, feignant d'ignorer que l'État juif est le champion de l'« unilatéralisme », notamment en matière de colonisation et d'annexion de Jérusalem-Est. Mais aussi de création de faits accomplis sur le terrain et de modification démographique. Les États-Unis objectaient que la proclamation d'un État palestinien doit être le fruit d'un processus de négociation avec Israël, et non le produit d'une adhésion à l'Onu. Il faut leur rappeler à cet égard qu'Israël lui-même a été créé en vertu de la résolution 181 de l'Assemblée générale de l'Onu (novembre 1947) sur le partage de la Palestine en deux États, et qu'il n'était donc pas le produit d'un processus de négociation avec les Palestiniens. La position américaine ignore également le fait que c'est l'État hébreu qui rejette toute reprise de pourparlers de paix sur une base acceptable. Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a ainsi rejeté en bloc, dans son discours devant le Congrès américain le 24 mai, les idées avancées, le 19, par le président Barack Obama pour une reprise des négociations. Celui-ci avait soutenu la création d'un Etat palestinien indépendant et viable sur les frontières de juin 1967, tout en proposant un échange de terres entre la Palestine et Israël, pour permettre à ce dernier de garder les grands blocs de colonies construites en Cisjordanie. Netanyahu a justifié son refus des frontières de 1967 en prétextant que celles-ci sont « indéfendables » militairement. Ces frontières « indéfendables » ont pourtant tenu de 1948 à 1967 et, loin de constituer une faiblesse, ont permis à l'État juif de conquérir toute la Palestine et des terres de deux pays arabes, l'Égypte et la Syrie. Sans parler du Liban, victime à plusieurs reprises des agressions israéliennes.
L'impératif de sécurité qu'Israël ne cesse d'invoquer n'est finalement qu'un prétexte pour engloutir les terres, justifier sa politique expansionniste et imposer sa solution de la question palestinienne. L'insécurité que ressent Israël est plutôt due à la poursuite de son occupation des terres palestiniennes et seule une paix qui met fin à cette occupation apportera la sécurité à Israël. Une frontière mutuellement approuvée garantira cette sécurité, car les Palestiniens n'auront alors pas de raison d'attaquer Israël. On se demande d'ailleurs qui se trouve réellement en insécurité : les Israéliens, dont le pays détient l'armée la plus puissante du Proche-Orient et est l'unique puissance nucléaire de la région, ou les Palestiniens qui font régulièrement les frais d'attaques israéliennes meurtrières et auxquels Tel-Aviv dénie les droits les plus élémentaires.
Netanyahu prétend soutenir la solution des deux États - appuyée par le président américain, mais il renie dans les faits toute souveraineté et indépendance, voire dignité, à l'État palestinien, qui dépendrait d'Israël pour sa survie. Une éventuelle reprise des négociations sous l'actuel gouvernement israélien - et vu ses positions - ne servirait qu'à couvrir la poursuite de la colonisation et de la politique du fait accompli, ce qui préviendrait l'établissement d'un État palestinien viable. L'administration américaine, qui a constamment échoué à modifier la position intransigeante d'Israël, doit réfléchir à changer de politique et à soutenir la démarche de l'Autorité palestinienne à l'Onu. Car loin d'anticiper une solution ou de décider du sort des questions litigieuses, l'adhésion de la Palestine à l'Onu ne fera que soutenir le règlement réclamé par les États-Unis et la communauté internationale : la solution des deux États vivant côte à côte en paix.
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