Par Keith Jones
13 juin 2011
Le gouvernement conservateur canadien a annoncé que les Forces armées canadiennes (FC) continueront de jouer un rôle de premier plan dans l'agression impérialiste contre la Libye bien au-delà des deux prochaines semaines.
En mars, les quatre partis représentés au parlement canadien, tout comme le Parti Vert qui a depuis élu une première députée, ont soutenu une motion du gouvernement autorisant les FC à déployer leurs forces contre ce pays d'Afrique du Nord riche en pétrole pour les 90 prochains jours.
Le Canada s'est depuis imposé comme l'un des principaux belligérants. À la fin du mois de mai, les sept avions de chasse CF-18 déployés par les FC sur le théâtre libyen avait effectué 324 missions d'attaque et largué 240 bombes à guidage laser. Seuls les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont effectué plus de sorties aériennes et de bombardements sur la Libye.
Le Canada a également déployé une frégate au large de la Libye patrouillant devant Tripoli et d'autres ports libyens pour imposer un blocus sur les armes. Les soldats canadiens de la Force opérationnelle interarmées-2, une unité d'élite d'opérations spéciales, auraient été actifs en Libye avant même que le Parlement n'ait formellement approuvé l'intervention dans ce pays, et c'est un général canadien, le lieutenant-général Charles Bouchard, qui a été chargé par l'OTAN de diriger la campagne pour renverser le régime de Kadhafi et le remplacer par un autre encore plus servile face aux intérêts occidentaux.
Alors qu'il assistait au sommet du G-8 en France, le premier ministre Stephen Harper a annoncé que son gouvernement allait demander l'autorisation au Parlement d'étendre la participation des FC dans la guerre en Libye au-delà de la limite de 90 jours.
Dans son premier voyage à l'étranger depuis qu'il a remporté une majorité parlementaire aux élections fédérales du 2 mai, Stephen Harper a bien démontré que son gouvernement serait une source de guerre et de réaction sur la scène mondiale.
Afin de renforcer la position diplomatique d'Israël, Harper aurait empêché le communiqué du sommet du G-8 d'inclure tout soutien explicite à l'appel du président américain Obama pour une solution à deux États au conflit israélo-palestinien sur la base des frontières d'avant 1967. La presse israélienne a affirmé que Stephen Harper a opposé son veto à toute mention des frontières d'avant 1967 à la demande du premier ministre israélien sioniste et extrémiste Benjamin Netanyahu. Les aides de Harper ont insisté sur le fait que le premier ministre du Canada est un ardent défenseur d'Israël depuis des années, admettant dans les faits qu'il a coordonné sa position au sein du sommet du G-8 avec le gouvernement d'Israël.
Après le sommet, Harper s'est rendu à Athènes où il a fortement appuyé les mesures d'austérité qui sont imposées contre la classe ouvrière par le gouvernement du PASOK en Grèce afin de satisfaire les grandes banques du monde et autres investisseurs internationaux.
Harper a déclaré : « J'admire assurément la détermination du premier ministre Papandréou, et les actions très difficiles qu'il a eu à entreprendre en réponse à des problèmes que son gouvernement n'a pas créés. Nous sommes tout à fait à ses côtés. » Quittant la Grèce, Harper s'est envolé pour l'Afghanistan, où il a salué le rôle joué par les FC depuis dix ans dans l'invasion de l'Afghanistan et la guerre contre-insurrectionnelle. Le premier ministre du Canada a vanté l'intervention des FC et qualifié la guerre en Afghanistan de succès retentissant.
En fait, cette guerre - dont on peut faire remonter les origines à la Guerre froide, alors que les États-Unis ont fait un champ de tirs de l'Afghanistan - s'est révélée être un désastre total pour les peuples de l'Afghanistan et du Pakistan voisin, ayant entraîné d'innombrables morts dans ces deux pays, en plus d'avoir chassé des millions de personnes de leurs foyers.
Même du point de vue de Washington et de ses alliés de l'OTAN, la guerre n'a pas donné les dividendes attendus. Le régime de Hamid Karzaï installé par les États-Unis est largement méprisé par le peuple afghan et ne survit que grâce à la présence massive et coûteuse des troupes des États-Unis et de l'OTAN.
Si Harper est si affirmatif lorsqu'il loue l'intervention des FC en Afghanistan, c'est parce qu'il voit dans le renforcement des FC, tout comme l'élite politique et financière du pays, un tournant décisif de la politique étrangère du Canada et un instrument majeur permettant d'acclimater la population canadienne à la participation du pays dans des guerres partout dans le monde. En fait, à peine Harper était-il revenu au pays qu'il a été révélé que les FC cherchaient actuellement à établir un réseau de sept bases militaires - en Extrême-Orient, dans le golfe Persique, en Afrique orientale et occidentale, en Europe et dans les Caraïbes - de façon à faciliter le déploiement rapide des FC dans d'éventuelles guerres.
En termes réels et après ajustement de l'inflation, les dépenses militaires du Canada n'ont jamais été aussi élevées que maintenant depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, aucun parti, pas même le soi-disant NPD de « gauche », n'a appelé à des réductions du budget militaire lors de la campagne pour les élections fédérales du 2 mai.
À ce jour, les conservateurs n'ont pas fourni de détails quant à leur motion parlementaire pour étendre le rôle de premier plan déjà joué par les FC dans la guerre en Libye, sauf pour dire qu'elle sera déposée dans les prochains jours.
Le NPD, qui a été catapulté dans l'opposition officielle à la suite d'une augmentation de plus de 10 pour cent de sa part du vote populaire le 2 mai, a, pour sa part, refusé d'indiquer son attitude face à la participation continue du Canada dans la guerre en Libye.
En réponse à l'annonce de Harper, le critique des affaires étrangères du NPD, Paul Dewar, a été prompt à souligner que le NPD s'était joint à tous les autres partis pour autoriser l'intervention des FC en Libye. Dewar a par la suite ajouté que la mission devait être clarifiée, puisque les puissances de l'OTAN « semblent » être allé au-delà de la résolution d'origine de l'ONU autorisant une intervention « humanitaire » en cherchant à renverser le régime du colonel Mouammar Kadhafi. Dewar a dit : « Nous allons devoir examiner cette question de près avant de décider de soutenir ou non » une prolongation.
En dépit de ce que prétend Dewar, depuis le tout début, les demandes formulées par le Canada et les autres puissances occidentales pour intervenir en Libye afin de sauver des vies civiles n'ont été qu'un prétexte cynique. Celui-ci a été invoqué pour justifier une intervention contre un pays non seulement riche en pétrole, mais partageant également des frontières avec l'Égypte et la Tunisie, deux pays où des soulèvements populaires viennent de détrôner des dictatures soutenues par l'Occident depuis des décennies.
En dépit de ce que Dewar prétend selon le fait qu'il est encore difficile de savoir si l'OTAN et le gouvernement Harper visent un « changement de régime » en Libye, les dirigeants occidentaux, dont le premier ministre du Canada, depuis des semaines ne cessent de déclarer qu'ils ne mettront pas fin au bombardement des villes en Libye tant que Kadhafi n'aura pas été chassé du pouvoir. Et les forces de l'OTAN, agissant sous le commandement du général canadien Bouchard, ont à plusieurs reprises visé Kadhafi et sa famille.
Le vote du NPD en mars appuyant le déploiement des FC contre la Libye n'est que la dernière occasion où le parti social-démocrate du Canada a facilité une guerre impérialiste. Le NPD a en effet appuyé en 1999 la campagne de bombardements de l'OTAN contre la Yougoslavie, n'appelant à la fin de la campagne que quelques jours seulement avant que l'OTAN elle-même ne mette fin à la boucherie. Le NPD soutient aussi depuis longtemps la participation du Canada dans la guerre en Afghanistan, notamment le rôle prépondérant des FC dans la guerre contre-insurrectionnelle dans la province de Kandahar, un bastion des talibans. Même après avoir officiellement demandé que le Canada retire toutes ses troupes de combat de l'Afghanistan, le NPD a changé à nouveau de position en décembre 2008 en acceptant de siéger dans un éventuel gouvernement de coalition dirigé par les Libéraux qui s'était engagé à poursuivre la guerre en Afghanistan jusqu'en 2011.
Peu importe la position que prendra le NPD lors du vote de la nouvelle motion des conservateurs sur la Libye, ce parti s'est de nouveau avéré être un parti de la grande entreprise et pour la grande entreprise - un parti qui ne peut plus servir d'instrument pour s'opposer aux intérêts prédateurs de l'élite dirigeante canadienne à l'étranger. Pas plus qu'il ne peut servir de moyen pour résister à l'assaut de classe dirigeante sur le niveau de vie des travailleurs, les services publics et les droits démocratiques au pays.
(Article original anglais paru le 8 juin 2011)