23/03/2011 michelcollon.info  4min #51109

 « zone d'exclusion aérienne » sur la Libye

Bahreïn et Libye - Les bons et les mauvais révoltés

Domenico Losurdo

Les USA ont convoqué le Conseil de sécurité, non pas pour condamner l'intervention des troupes saoudiennes au Bahrein mais pour exiger et finalement imposer le lancement de la « no-fly zone » et d'autres mesures de guerre contre la Libye.

Pour couvrir la reprise des plus infâmes pratiques colonialistes, l’habituel, gigantesque appareil multimédia de manipulation et désinformation s’est déchaîné. Et, pourtant, il suffit de lire avec un minimum d’attention la presse bourgeoise elle-même pour s’apercevoir de la tromperie. Jour après jour on a répété que les avions de Kadhafi bombardaient la population civile. Or voici ce qu’écrivait Guido Ruotolo sur La Stampa du 1er mars (p. 6) : « C’est vrai, il n’y a probablement eu aucun bombardement ». La situation a-t-elle radicalement changé les jours suivants ? Sur le Corriere della Sera du 18 mars (p. 3)

Lorenzo Cremonesi rapporte de Tobrouk : « Et comme il est arrivé déjà dans les autres localités où l’aviation est intervenue, il s’est agi tout au plus de raid d’avertissement. "Ils voulaient faire peur. Beaucoup de bruit mais pas de dégât", nous a dit par téléphone un des porte-parole du gouvernement provisoire ». Ce sont donc les révoltés eux-mêmes qui démentent le « génocide » et les « massacres » invoqués pour justifier l’intervention « humanitaire ».

A propos des révoltés. Jour après jour ils sont célébrés comme des champions de la démocratie dans toute sa pureté, mais voici en quels termes a été racontée leur retraite face à la contre-offensive de l’armée libyenne par Lorenzo Cremonesi sur le Corriere della Sera du 12 mars (p. 13) : « Dans la confusion générale, des épisodes, aussi, de saccage. Le plus visible est celui de l’hôtel El Fadeel, où ils ont emporté des téléviseurs, des couvertures, des matelas en transformant les cuisines en poubelles, les couloirs en bivouacs crasseux ». Il ne semble pas que ce soit vraiment le comportement d’un mouvement de libération ! Le moins qu’on puisse dire est que la vision manichéenne du conflit en Libye n’a aucun fondement.

De plus. On dénonce chaque jour les « atrocités » de la répression en Libye. Et lisons maintenant ce qu’écrit sur l’International Herald Tribune, à propos du Bahrein, Nicholas D. Kristof : « Pendant ces dernières semaines j’ai vu des cadavres de manifestants, tués presque à bout portant par des coups d’armes à feu, j’ai vu une jeune fille se tordre de douleur après avoir été tabassée, j’ai vu le personnel d’ambulances être frappé pour avoir tenté de sauver des manifestants ».

Encore : « Une vidéo du Bahrein semble montrer des forces de sécurité atteindre à quelques mètres d’eux, avec une grenade lacrymogène un homme pas très jeune et désarmé. L’homme tombe à terre et essaie de se relever. Ils l’atteignent alors à la tête avec une autre grenade ». Si tout cela ne suffit pas, qu’on se souvienne que « ces derniers jours les choses vont beaucoup plus mal ». Avant même que dans la répression, c’est d’abord dans la vie quotidienne que la violence s’exprime : la majorité chiite est obligée de subir un régime d’ « apartheid ».

Pour renforcer l’appareil de répression sont à l’œuvre des « mercenaires étrangers » et des « chars d’assaut, armes et gaz lacrymogènes » étasuniens.

Le rôle des USA est décisif, comme l’explique le journaliste de l’ International Herald Tribune, en rapportant un épisode qui est en lui-même éclairant : « il y a quelques semaines un de mes collègues du New York Times, Michael Slackman, a été capturé par les forces de sécurité du Bahrein. Il m’a raconté qu’on a même pointé les armes sur lui. Craignant que quelqu’un ne tire, il sortit son passeport et cria qu’il était journaliste américain (étasunien, NdT). A partir de là l’humeur changea tout d’un coup ; le leader du groupe s’approcha et prit la main de Slackman, en s’exclamant chaleureusement : « Ne vous inquiétez pas ! Nous, nous aimons les américains ! ».

On s'en doutait.

La secrétaire d’Etat Hillary Clinton reçue par Ahmed bin Mohammed Al Khalifa, ministre des Affaires étrangères de Bahreïn, le 2 décembre 2010.
Source :  ministère des Affaires étrangères de Bahreïn.

Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Source :  domenicolosurdo.blogspot.com

 michelcollon.info

 Commenter