22/03/2011 elcorreo.eu.org  5min #51080

 Guerre de Libye : bavures médiatiques avant les premiers bombardements

Libération à feu et à sang de la Lybie, toujours la même recette. - El Correo

Le XXIe siècle s'emballe avec le monde arabe. Pour la troisième fois les bombes d'Occident labourent les terres d'un régime arabe sous prétexte de rendre au pays sa liberté. L'Afghanistan a été, en 2001, le premier à savourer les pulsions libératrices de l'administration Bush. L'ex-président a monté une coalition - dans laquelle se trouvaient déjà -et se trouvent encore- Londres et Paris avec l'objectif de renverser le régime fondamentaliste des Talibans, les fameux « étudiants de théologie ». L'intervention fut la réponse de Washington à l'appui que les talibans avaient fourni à Oussama Ben Laden. Mais ces néfastes « étudiants » avaient été aussi les alliés des États-Unis et de l'Occident, obéissants agents locaux qui se sont retournés ensuite contre les empires de l'Ouest. Bush a voulu les sortir du pouvoir et implanter un schéma démocratique à l'occidental. L'Afghanistan continue lui d'être occupé et en état de guerre.

En 2003, le deuxième à expérimenter l'importation de la démocratie avec bombes fut Saddam Hussein. Ici, le prétexte fut que Saddam Hussein cachait des armes de destruction massive. Saddam n'était pas n'importe quel dictateur. Il a été un dictateur puissant, sanglant, épouvantable, digne d'honneurs, appuyé par pratiquement toutes les démocraties du monde développé. Dans la lutte contre l'Iran, Saddam fut une pièce essentielle de l'Occident. Ils lui ont vendu des armes, ils lui ont acheté son pétrole, ils lui ont construit des palais et des édifices tandis que le tyran oppressait son peuple bien au delà des limites de la barbarie. Il a massacré les chiites et des kurdes, il a torturé et il a saigné son pays jusqu'à la nausée. Georges Bush l'a délogé avec une invasion. Au nom de la démocratie et des armes de destruction massive (après sont devenues des armes de disparition massive), une coalition internationale, dans laquelle n'était pas la France, a semé les bombes et la mort sur le sol irakien. Le pays continue d'être occupé et en guerre.

La Libye est un cas à part, mais les arguments sont les mêmes : la croisade militaire est faite au nom des civils que Muammar Khadafi assassine sans égards depuis que le pays lui s'est soulevé vers le milieu février. L'Occident a trouvé un allié idéal en Khadafi pour faire exploiter ses bombes là où les secousses de l'histoire l'avaient exclu. La révolution libyenne dérive des révolutions biologiques qui ont éclaté en Tunisie et se sont propagées dans tout le sud de la Méditerranée et aux pays du Golf. C'était enfin un mouvement génuine, authentique, une démonstration historique, collective et émouvante de ce que tous les idioties et mensonges à propos du monde arabe n'étaient que la propagande grossière de l'Occident, une construction menteuse et raciste pour exclure les Arabes de la place légitime qu'ils avaient dans la modernité et tirer, avec cela, le profit convenable : sous prétexte de la menace terroriste ou du fondamentalisme islamique ont été maintenus au pouvoir des dinosaures sanglants et corrompus avec lesquels les grandes puissances faisaient de multiples affaires.

Les révolutions arabes, de l'Égypte jusqu'à la Tunisie, en passant par le Yémen, Bahreïn, la Libye ou la Jordanie, ont démontré au monde qu'être arabe ou musulman ne signifiait pas être terroriste, que le Coran n'était pas une bombe et la barbe l'insigne d'un kamikaze et que derrière cette image ciselée et modelée par les intelligences et les intérêts occidentaux il y avait une société civile. L'irruption d'avions occidentaux dans le ciel libyen vient embrouille cette dynamique. Encore une fois, l'entreprise messianique des grandes puissances se met en marche pour sauver les civils d'un tyran avec qui les mêmes puissances conservaient des relations de proximité fructueuse.

Aucun démocrate ne peut déplorer la fin d'une tyrannie, mais oui la forme dans laquelle Khadafi vit, peut-être, ses derniers moments à la tête d'un pays dérangé par 42 ans de dictature, les deux phases du colonialisme italien - avant et pendant Benito Mussolini - l'administration britannique et la monarchie chétive du roi Idriss, réintroduit en Libye par les britanniques. L'intervention organisée pour le sortir du pouvoir sent la précipitation, les intérêts politiques transversaux, l'aventure armée, et a des accents de légitimité incertaine et laisse une sensation de méfiance que la bonne action qui se propose de libérer un peuple de la dictature et la répression, n'arrive pas à gommer.

Sans doute il y avait d'autres moyens d'aider à l'opposition libyenne à se débarrasser de Khadafi. Avec moins d'intérêts en jeu entre les acteurs centraux et périphériques qui influent sur cette crise, il n'aurait pas été nécessaire de recourir encore une fois à la chirurgie militaire occidentale.

Beaucoup de chemins existaient, mais l'Occident est revenu sur ses pas pour utiliser la formule habituelle : la libération à feu et à sang. Les puissances sont intervenues avec des armes dans un jeu qui ne leur correspondait pas et qu'elles ont contribué à compliquer avec leurs médiations précipitées, leur manque de cohérence, leur lâcheté et leurs vieux reflexes, toujours renouvelés : fermer les yeux, pactiser avec les diables, et ensuite les ouvrir quand il est déjà trop tard, pour tous.

 Página 12. Buenos Aires, le 20 mars 2011.

Titre original :  Más de lo mismo.

Traduction de l'espagnol pour  El Correo de : Estelle et Carlos Debiasi.

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 El Correo . Paris, le 21 mars 2011.

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