La ministre des Affaires étrangères fut finalement contrainte dimanche à une humiliante démission qu'elle excluait encore publiquement le vendredi, orchestrant une contre-attaque désespérée dans les médias pour tenter de forcer la main de Nicolas Sarkozy. Elle s'est d'abord fendue d'une pathétique défense de sa politique dans Le Monde avant d'aller déclarer en direct sur France Info , alors que le monde entier savait déjà que son sort était scellé : « Ma devise, c'est bien faire et laisser dire. (...) Moi, les rumeurs, ça ne m'intéresse pas. (...) Aujourd'hui, je travaille ». Il ne manquait que les rires en boîte ! Qu'elle soit empêtrée jusqu'au cou dans ses mensonges, que l'opposition réclame sans relâche sans démission, passe encore pour le chef de l'Etat. Mais deux éléments la condamnaient irrémédiablement, résumés par Mediapart : « Après avoir été lâchée progressivement par les parlementaires de la majorité (...), puis par certains ténors de l'UMP, Mam a été abandonnée en rase campagne par une partie de ses collègues du gouvernement, soucieux de l'image de la France lors de la réunion du G20 des ministres des affaires étrangères, les 14 et 15 mars. Le pouvoir s'inquiète aussi de sa chute vertigineuse dans les sondages, à un mois des cantonales. «Michèle Alliot-Marie a dévissé et elle entraîne tout le monde. Il faut stopper ça», racontait un ministre à l'AFP, vendredi. «La séquence de la présidence française du G20 est importante et en tant que ministre des affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie sera très en vue, au côté du chef de l'Etat. Or, à son poste, l'action ne permet pas d'effacer l'image», a expliqué un autre, jugeant la situation «intenable». Une grande première dans l'histoire de la politique française : alors même qu'elle jurait qu'il n'était pas question qu'elle quitte son poste, deux ministres anonymes s'en vont déclarer le contraire à l'AFP !
Les dés en étaient jetés et Mam consentit enfin finalement, abandonnant sa pitoyable résistance, accrochée à son portefeuille telle une moule à son rocher, à présenter sa « démission », en des termes montrant qu'elle aura jusqu'au bout persisté dans le déni de réalité et le foutage de gueule : « Depuis quelques semaines, je suis la cible d'attaques politiques puis médiatiques véhiculant, pour créer la suspicion, contre-vérités et amalgames ». Lesquels ? Tout ce qui lui a été reproché est avéré, preuves à l'appui ! « J'y ai répondu point par point afin de rétablir la vérité. » Fiction totale là encore : elle n'a évidemment rien rétabli du tout, puisque tout était vrai ! « Depuis quinze jours, c'est ma famille qui subit de la part de certains médias un véritable harcèlement dans sa vie privée, pour tenter d'y chercher de quoi m'affaiblir à défaut de l'avoir trouvé chez moi. » Quel harcèlement ? Les médias ont juste révélé les conditions dans lesquelles les parents de la ministre, dont elle héritera à brève échéance vu leur âge avancé, ont fait une excellente affaire, cadeau du pouvoir benaliste, en spoliant le peuple tunisien. Quant à son « à défaut de l'avoir trouvé chez moi« , et avoir proposé à la dictature l'aide sécuritaire de la France en pleine révolution tunisienne ? Et avoir menti à six reprises à propos de son séjour chez Aziz Miled ? « Cette campagne n'entrave en rien mes relations avec mes partenaires internationaux ni ma capacité à remplir la mission que vous m'avez confiée, comme chacun a pu le constater récemment au Brésil ou hier encore dans le Golfe. » Tu parles : discréditée jusqu'à l'os, oui ! « Je ne puis néanmoins accepter que certains utilisent cette cabale pour essayer de faire croire à un affaiblissement de la politique internationale de la France. J'ai trop de considération pour les hommes et les femmes du ministère des Affaires étrangères et européennes qui servent notre pays avec dévouement et compétence, pour accepter que leur action puisse être affectée par cette manipulation. » Ben voyons : innocente comme l'agneau venant au monde, l'Alliot-Marie, tout est de la faute des méchants médias et des vicieux socialistes, c'est une « cabale » et une « manipulation ». Décernons lui une dernière place d'honneur dans notre rubrique Ferme ta gueule !
Avec le lâchage par l'UMP, un autre signe indiquait que Mam allait être acculée à la démission : la presse de droite l'avait elle aussi laissée tomber. C'est ainsi que Paris Match a publié le 25 février un article des plus malveillants, à l'introduction lourde d'insinuations : « C'est une des faces les plus méconnues de Michèle Alliot-Marie. Pendant plusieurs années, de 1995 à 2000, Mam a été présidente d'une Fondation reconnue d'utilité publique, la Fondation du bénévolat, avant de passer la main à son père, Bernard Marie, et son beau-frère, Jean-Pierre Olive. Une vraie PME familiale, dont l'histoire ne manque pas de sel. » Extraits choisis : « Un «cadeau» de 2,5 millions de francs. La Fondation du bénévolat est créée en 1994, grâce à l'argent du ministère de la Jeunesse et des Sports. A l'époque, la ministre s'appelle Michèle Alliot-Marie. Mam apporte à la fondation 2,5 millions de francs, sur le budget du ministère (...). La fondation sera reconnue d'utilité publique par un décret du 5 mai 1995, la veille du second tour de l'élection présidentielle. Statut très envié, une Fondation d'intérêt public permet notamment, grâce à des exonérations fiscales, de recueillir des legs et des dons beaucoup plus facilement. Ecartée du gouvernement d'Alain Juppé en 1995, Mam prend alors la présidence de la Fondation, installée avenue Bugeaud, dans le 16ème arrondissement de Paris. (...) Elue à la tête du RPR fin 1999, Mam quitte la tête de la Fondation. Son père et son beau-frère prennent le relais. Pendant toutes ces années, la Fondation ne fera guère parler d'elle, jusqu'à une rocambolesque histoire de piratage informatique, en 2006. A l'époque, Mam est ministre de la Défense et envisage de se présenter contre Nicolas Sarkozy pour obtenir l'investiture de l'UMP à l'élection présidentielle. Le monde associatif et ses 10 millions de bénévoles ne doivent pas être négligés. Lobbyiste infatiguable, Bernard Marie convainc le ministère des sports, dirigé par Jean-François Lamour, de financer un système visant à offrir, via la Fondation, une assurance responsabilité civile aux dirigeants d'association. La Fondation travaille alors avec une société, EAR (Refasso), dirigée par Christian Beder, qui dispose de la plus grande base de données du monde associatif. Mais après plus de deux ans de collaboration, Bernard Marie juge les prétentions financières de EAR trop élevées. Christian Beder tente de trouver une solution avec Florimont Olive, le petit-fils de Bernard Marie et neveu de Mam. «Puis, du jour au lendemain, je n'ai plus eu de nouvelles», explique Christian Beder. Coïncidence ? Au même moment, sa base de données est «aspirée», victime d'une attaque informatique de la DRM, la direction du renseignement militaire, qui dépend du ministère de la Défense, dirigé par Michèle Alliot-Marie, et dont la nièce, Ludivine Olive, la soeur de Florimont, est chef de cabinet. «La DRM a reconnu avoir aspiré ma base de données, mais nous a expliqué qu'il s'agissait d'un test et que ma société avait été choisie au hasard», raconte Christian Beder. Ce dernier a depuis attaqué en justice, et la DRM devant le Tribunal administratif de Paris, et la Fondation du bénévolat, au civil, pour «rupture abusive de pourparlers». Débouté en première instance dans les deux procédures l'an passé, il a fait appel devant la Cour administrative d'appel et la Cour d'appel d'Aix-en-provence. Quant à sa société, elle a été placée en redressement judiciaire. En 2007, la Fondation du bénévolat obtiendra 560 000 euros de subventions du ministère des Sports, selon les comptes que nous avons consultés. Et ne déboursera, pour assurer les dirigeants bénévoles, que 63 000 euros, via un contrat collectif souscrit à la Macif. (...) En 2008, la convention avec le ministère ne sera pas renouvelée, malgré les efforts de Bernard Marie...et de Mam. «Elle m'avait demandé de recevoir son père. Je l'ai fait. Il prétendait qu'il pouvait soutenir les bénévoles grâce à des assurances. Cela ne me semblait pas très opérationnel», se souvient Martin Hirsch, haut-commissaire en charge de la vie associative en 2009, qui ne donnera pas suite. »
Les avisés lecteurs que sont les plumonautes auront noté le pluriel du titre à « derniers scandales » : c'est que Var matin, journal de droite pur sucre lui aussi, en avait révélé un autre le 21 février, qui n'a curieusement pas fait le bruit qu'il aurait mérité, tant cette nouvelle affaire est grave. Jugez plutôt : « Impliqués dans un trafic de yachts de luxe entre la France et la Tunisie, Imed et Moez Trabelsi n'ont jamais été jugés en France. En septembre 2009, ces deux neveux de l'ancien président tunisien Ben Ali avaient pourtant été mis en examen par un juge d'instruction en Corse pour vol aggravé. Pendant l'instruction, les deux hommes avaient été présentés comme les commanditaires des vols de bateaux. Renvoyés devant la justice, Imed et Moez Trabelsi n'ont bizarrement jamais été cités par le parquet. «Le procureur a expliqué qu'au plus haut niveau des assurances avaient été données pour qu'une instruction soit menée en Tunisie et qu'ils soient jugés là-bas», affirme aujourd'hui Maître Michel Mas, avocat d'un commerçant toulonnais condamné dans cette affaire. « Le code de procédure pénale fait obligation de citer les prévenus » Saisi de cet incident, le tribunal avait estimé dans le rendu de son jugement que le «parquet n'a pas fait citer ces prévenus (...) alors que le Code de procédure pénale lui en fait l'obligation». «Il y a un déni total du juge français et aucune indépendance du parquet», martèle l'avocat toulonnais. A l'époque, Michèle Alliot-Marie n'était autre que la garde des Sceaux. » Il était vraiment temps que Mam dégage !
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