« La vertueuse indignation » manifestée par la classe politique française de gauche comme de droite à la révélation des complaisances dont madame Alliot-Marie a bénéficié de la part de proches du clan Ben Ali, est tout sauf d'une sincérité convaincante.
Kharroubi Habib - Le Quotidien d’Oran
En effet, beaucoup de ceux qui ont stigmatisé pour cela Michèle Alliot-Marie ne sont pas plus propres qu'elle en la matière. Elles sont nombreuses les personnalités politiques entretenant de douteuses relations avec les cercles du pouvoir et des affaires des dictatures arabes et africaines.
A telle enseigne que l'ancien ministre de la Justice de François Mitterrand, Robert Badinter, a crûment affirmé que si par exemple le trône marocain venait à être renversé, l'on s'apercevrait que c'est pratiquement toute la classe politique française, droite et gauche confondues, qui sera éclaboussée par des révélations du type de celles ayant été à l'origine des déboires qui ont obligé Michèle Alliot-Marie à démissionner de son poste de ministre des Affaires étrangères.
Qu'ils soient de droite ou de gauche, les gouvernements et les hommes politiques français n'ont guère été regardants en terme de morale sur les liens qu'ils ont noués en Afrique et dans le monde arabe. Ils ont été et sont encore en relation « d'amitié » et d'affaires avec les pires prédateurs ayant sévi ou sévissant dans ces contrées. Ils ne prennent de distances, et encore que verbalement, avec ces prédateurs qu'une fois leur chute consommée.
Ce genre de rapports noués par la classe politique française en Afrique et dans le monde arabe procède en fait de la logique sur laquelle sont basées les politiques africaine et arabe de la France. Une logique néocolonialiste qui s'embarrasse peu que ceux dont on cultive « l'amitié » soient des dictateurs, de fieffés voleurs ou des corrompus intégraux. La France se pique d'être la « mère des droits de l'homme », une défenderesse intransigeante des valeurs telle celle du respect de la dignité des peuples. A quelques exceptions près, sa classe politique a fait litière de ces principe et valeurs en se commettant avec ceux qui, en Afrique et dans le monde arabe, les foulent ostensiblement et sans y mettre la forme.
Dans le cas de Michèle Alliot-Marie, il ne faut pas voir un quelconque réveil des consciences morales au sein de cette classe politique française. Mais l'occasion pour son segment qui est dans l'opposition de mettre en difficulté Sarkozy, son gouvernement et l'UMP, et pour ceux-ci de s'offrir à moindres frais l'apparence d'être vertueux dans leur conception de la pratique du pouvoir.
Il reste que les peuples, vraies victimes de ces accointances sulfureuses que la classe politique française entretient avec leurs dirigeants prédateurs et corrompus, ne sont nullement dupes des accès d'indignation dont est prise celle-ci quand l'un de ses membres, moins précautionneux, attire sur lui les lumières de l'actualité et du scandale.
Les révoltes qui secouent le monde arabe sont en partie animées par la détermination de ceux qui les ont déclenchées de ne plus tolérer à l'avenir que les relations de leurs pays avec les autres soient bâties sur le sordide et le cynisme. Le président français Nicolas Sarkozy semble avoir bien décrypté cette détermination.
Lui, son gouvernement et la classe politique française en tireront-ils les enseignements qui leur feront changer leur conduite et leur politique à l'égard des dictatures qui subsistent encore ? Il est difficile de le croire, tant la France est enfermée dans une vision négative, méprisante des peuples arabes et africains qui « n'ont pas su entrer dans l'histoire ».
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