07/02/2011 info-palestine.net  7min #48980

 Manœuvres américaines contre la révolution égyptienne

La place Ettahrir n'a pas dit son dernier motles Américains préservent le soldat Hosni !

Même si la lassitude se fait sentir et qu'il aspire au retour à la normale, ce peuple n'a pas pour autant renoncé à ses revendications et pourrait poursuivre son mouvement de contestation, et ainsi mettre en échec les compromis qui se négocient loin de lui.

La place Ettahrir n'a pas dit son dernier mot

par Kharroubi Habib

Les manifestants anti-Moubarak occupent toujours la place Ettahrir au Caire. Mais après sa gigantesque démonstration du vendredi écoulé, le camp de la contestation est menacé de désagrégation. Les quinze journées de manifestation non-stop ont entamé la résistance et la détermination de beaucoup qui s'accrochent moins maintenant à la revendication d'un départ immédiat de Moubarak. Fléchissement que des partis d'opposition, et notamment le plus important d'entre eux, celui des Frères musulmans, se sont donnés pour raison pour accepter de répondre à l'invitation à la négociation lancée par le vice-président Omar Souleiman.

Hier, un premier round a réuni celui-ci avec des représentants de ces partis, des membres d'un comité choisi par les groupes pro-démocrates ayant lancé le mouvement de contestation qui réclame depuis le 25 janvier le départ de Moubarak, ainsi que des figures politiques indépendantes et des hommes d'affaires. L'amorce de ce processus de négociation signifie incontestablement que l'armée et le sérail sont parvenus à endiguer le flot révolutionnaire qui a menacé d'emporter violemment le régime et ses hommes et à faire valoir la nécessité d'une « transition ordonnée ». Du moins à l'opposition politique.

Les États-Unis ont immédiatement formulé leur approbation du processus qui vient de s'enclencher, même avec les Frères musulmans en tant que partie prenante. Les négociations entamées au Caire pourraient déboucher sur l'acceptation par l'opposition du maintien à son poste de Moubarak pour un temps encore et la constitution d'un gouvernement d'union nationale chargé de conduire la transition.

Le scénario présente l'avantage pour ceux qui l'ont écrit et pour ceux qui y souscriront de permettre au pays de revenir à la vie normale et d'en finir avec la menace de chaos brandie par Moubarak en guise de conséquence de son départ immédiat réclamé par le peuple.

A ce stade où toutes les incertitudes planent encore en Égypte, l'inimaginable est déjà arrivé dans ce pays. Qui est que les Frères musulmans, hier seulement bête noire du régime, sont aujourd'hui parmi les interlocuteurs avec lesquels il veut négocier la transition et que les États-Unis aient émis leurs encouragements à aller dans ce sens.

Pour les acteurs des tractations en cours, le temps du « pragmatisme » a, semble-t-il, sonné. Et ce sont encore les Frères musulmans qui leur montrent le chemin en déclarant avoir renoncé à briguer la présidence de la République pour l'un des leurs et à se contenter d'une représentation limitée dans le prochain Parlement égyptien.

Sauf qu'il n'est pas certain que les tractations politiques, qui viennent de s'engager entre le sérail représenté par Omar Souleimane et une partie de l'opposition, soient ce que le peuple veut comme aboutissement pour sa révolution. Même si la lassitude se fait sentir et qu'il aspire au retour à la normale, ce peuple n'a pas pour autant renoncé à ses revendications et pourrait poursuivre son mouvement de contestation, et ainsi mettre en échec les compromis qui se négocient loin de lui. Ce n'est pas parce que en apparence les partis traitent en son nom avec le sérail du régime qu'il donnera son aval à ce qui sortira des négociations.

La place Ettahrir n'a pas encore rendu les armes, loin de là.

 Analyse


Les Américains préservent le soldat Hosni !

par K. Selim

Après des flottements intervenus à la suite de l'attaque médiatisée des « baltaguis » contre les manifestants de la place At-Tahrir, les Américains s'en tiennent à leur ligne de soutien à Moubarak pour qu'il aille jusqu'au bout de son mandat avec l'engagement de réformes. L'émissaire d'Obama l'a dit sans ambages. Même si de Washington on fait valoir qu'il s'agit d'un « point de vue personnel », il est manifeste qu'il exprime un consensus au sein de l'establishment américain.

La révolution s'est déclenchée. Il convient, à défaut de l'étouffer, de la contenir, de la contrôler et d'éviter qu'elle aille « trop loin ». Les Américains, qui disposent « d'amis » dans les rangs de l'opposition, renforcent de fait la capacité de négociation du régime.

Si les manifestants de la place At-Tahrir et du reste de l'Égypte veulent la chute du régime, Washington, au nom de ses intérêts stratégiques, n'en veut pas. Préserver Hosni Moubarak et lui permettre d'organiser sa sortie - et d'éviter la déconfiture de Ben Ali - répond, au-delà des considérations subjectives, à cet objectif. Il a suffi que le pouvoir égyptien mette fin aux attaques des « baltaguis » pour que la cote de Moubarak, qui semblait égale à zéro, remonte.

Désormais, c'est affirmé publiquement. « Le rôle du président Moubarak est toujours important. Contrairement à la Tunisie, dont le président a pris la fuite, l'Egypte a toujours son gouvernement et l'autorité de celui-ci est toujours liée à ses forces armées, ce n'est pas le chaos complet », a indiqué Wisner. Ce n'est pas totalement faux.

Et les États-Unis, en dépit d'une communication qui semblait désemparée durant quelques jours, ont tout fait pour que la révolte populaire des Égyptiens ne se transforme pas en révolution. Rien n'est définitivement joué, mais le régime de Moubarak est en train d'appliquer la feuille de route proposée par le même Wisner en comptant sur le temps, l'usure et l'effritement du front de l'opposition.

Les Américains ne font plus de remontrances. Au contraire, et alors qu'une grande partie de la population veut que Moubarak dégage, les Américains sont carrément dans l'éloge. Il faut sauver le soldat Moubarak - dont la fortune personnelle atteindrait, selon The Guardian, la somme faramineuse de 70 milliards de dollars ! -, tel est le mot d'ordre de l'Empire. Mme Hillary Clinton, qui semble revenue de ses frayeurs initiales à la vue des Egyptiens bousculer le « raïs », veut une « transition bien ordonnée ».

Dick Cheney, le fauteur de la guerre sanglante contre l'Irak, ne tarit pas d'éloges sur cet « homme bon, ami et allié des États-Unis ». Qu'il est brave ce Moubarak... Le peuple égyptien serait presque un ingrat de ne pas comprendre ce qu'il perd et ce qu'il pousse vers la porte de sortie !

Mais ces soutiens à Hosni Moubarak, qui ne sont pas surprenants, ne répondent pas seulement au souci de préserver un homme qui a, pendant tout son règne, servi loyalement les États-Unis. Au-delà de cette personne qui pèserait tant de milliards - qui ne sont pas le fruit de l'accumulation d'un salaire présidentiel -, les Américains veulent se donner le moyen de reprendre la main sur un pays qui peut leur échapper. Laisser tomber Hosni Moubarak, tout de suite, sous l'effet de la poussée populaire, aurait provoqué un changement trop profond et trop brusque. Il faut que l'Égypte se démocratise mais pas trop. Il faut donc préserver une partie du personnel en place et accélérer les décantations dans le front de l'opposition.

Moubarak, qui encombre toujours l'avenir de l'Égypte, est encore utile à l'Empire.

 Éditorial

De K. Selim : 

 Shame on you, Mister Obama !
 Bougez, si vous ne voulez pas être bougés !
 En Égypte, la « Tunisie est la solution »
 Au-delà de l'imaginable
 Le rose et le pire
 Le mérite du peuple tunisien
 Lorsqu'un jour le peuple veut vivre
 Disgrâces

De K. Habib : 

 Moubarak fait donner ses nervis
 Moubarak au pied du mur
 L'armée arbitre du bras de fer en Tunisie ?
 La matraque jusqu'à quand ?
 Algérie : L'explosion sociale couve
 Suspension de Dahlane : un signal pour de multiples destinations
 En finir avec le flou sur les frontières de l'Etat palestinien

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