L'association Human Rights Watch publie un rapport accablant sur les méthodes de la police égyptienne.
Damien Roustel - L’Humanité
« Travaillez-le jusqu'à ce qu'il avoue : l'impunité de la torture en Égypte. » L'intitulé du tout récent rapport de l'association de défense des droits de l'homme Human Rights Watch est on ne peut plus explicite. Sur près de cent pages, l'ONG américaine détaille les pratiques de la police égyptienne et des agents de la sûreté intérieure (SSI). « Human Rights Watch a constaté que les policiers recouraient systématiquement et délibérément à la torture et aux mauvais traitements dans les affaires pénales ordinaires et pour extorquer des aveux ou obtenir des informations de dissidents politiques et de "détenus de sécurité", ou tout simplement pour punir des détenus », indique le rapport.
Ci-dessus, une faible illustration des méthodes employées par les flics de Moubarak, grand ami des pouvoirs européens, étasunien et israélien
De 2006 à aujourd'hui, seulement sept policiers ont été condamnés alors que des centaines de plaintes ont été déposées. « Que sept policiers seulement, en quatre ans, aient été condamnés dans un pays où la torture est systématiquement répandue, révèle un profond hiatus avec la réalité. C'est un déni de justice pour des centaines de victimes et leurs familles », explique Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à HRW.
Le rapport passe en revue une dizaine de cas de torture et de décès pendant la garde à vue qui ont donné lieu à des dépôts de plainte malgré les intimidations de la police. Nasr al-Sayed Hassan Nasr, un ancien membre des Frères musulmans, y raconte ses soixante jours de détention, les yeux bandés, dans des locaux de la SSI, en 2010. « Ils m'ont frappé au visage avec une chaussure. Ils m'ont donné des coups de pied dans les testicules jusqu'à ce que je tombe. Ils m'appliquaient des décharges électriques pour que je me relève puis me redonnaient des coups de pied dans les testicules », détaille-t-il.
« La torture est un problème endémique en Égypte et la colère suscitée par les exactions policières a été l'un des éléments moteurs des manifestations de masse des derniers jours », affirme HRW. L'ONG évoque le cas de Khaled Saïd. Ce jeune de vingt-huit ans a été battu à mort par deux policiers en civil dans une rue d'Alexandrie, en juin dernier. Le classement de cette affaire par la justice locale a déclenché de nombreuses protestations publiques. Le groupe Nous sommes tous Khaled Saïd, sur Facebook, a été l'un des éléments déclencheurs des manifestations du 25 janvier 2011. HRW appelle l'Égypte à « engager des poursuites contre les policiers qui commettent des exactions et à rompre une fois pour toutes avec la pratique de la torture ».