05/02/2011 blog.emceebeulogue.fr  10min #48873

 Obama soutient un bain de sang en Egypte

Obama et les despotes du Moyen-orient

Article: Why the US Must End Its Support for Undemocratic Regimes/ Obama and the Despots of the Middle East, par CORINNA MULLIN,  CounterPunch, 1 février 2011

Pourquoi les Etats-Unis doivent cesser de soutenir des régimes anti-démocratiques

Karl Marx, dans son traité célèbre sur le coup d'état de Louis-Bonaparte, en 1851, qui avait beaucoup de points communs avec le coup d'état réalisé par son oncle, Napoléon Bonaparte, à la fin du XVIII°s, soulignait que l'histoire avait tendance à se répéter, ajoutant: « la première fois c'est une tragédie, et la seconde une farce ».

Comme de nombreux autres aspects des événements tragiques qui se déroulent au Moyen-Orient et en Afrique du Nord depuis quelques semaines, le discours du dictateur égyptien Hosni Mubarak, prononcé le 28 janvier à minuit, et les diverses déclarations de la Maison Blanche qui l'ont précédé, montrent bien la pertinence des propos du théoricien politique révolutionnaire.

Comme son homologue tunisien, Zine El Abidine Ben Ali - dont la timide tentative de calmer la colère et le désespoir de dizaines de milliers de citoyens courageux, toutes tendances politiques et tous âges confondus, qui avaient pris part aux manifestions - a dû affronter les demandes de mettre un terme à la farce à laquelle se livrait le gouvernement, Moubarak était désavoué, son discours ayant été considéré par la plupart des Egyptiens comme insuffisant et arrivant trop tard.

En effet, les manifestants en Egypte, tout comme ceux de Tunisie quelques semaines à peine avant eux, n'exigent pas seulement que cessent les violations des droits humains, la corruption généralisée, l'absence de perspectives économiques et de liberté de choix politique, caractéristiques de qui se passe dans leur pays depuis aussi loin que la plupart d'entre eux se souviennent, mais également, ils exigent, avec la même détermination, la fin du régime répressif responsable de cette situation.

Ils ne se satisferont probablement pas des "réformes" cyniques de Moubarak, comme la nomination de l'ancien chef des services secrets, Omar Suleiman, un homme qui a été encensé par l'ancien ambassadeur des Etats-Unis en Egypte, Edward S. Walker, pour l'aménité dont il a fait preuve en soutenant certaines des activités illégales les plus abjectes dans le cadre de la "guerre contre le terrorisme" menée par les Etats-Unis, comme la torture et le kidnapping de personnes soupçonnées de « terrorisme ».

A peine trois semaines plus tôt, l'homologue tunisien de Moubarak, Ben Ali, s'était également distingué de façon pitoyable lors de son discours au peuple tunisien à qui il jurait de baisser le prix des produits alimentaires et de garantir la "liberté totale de la presse et de ne plus fermer les sites internet" et promettait qu'il n'y aurait plus de « présidence à vie », cela, pour tenter désespérément de prolonger son régime dictatorial.

Cette farce s'est poursuivie avec les membres de l'administration Obama qui, comme pour les événements en Tunisie, étaient restés largement muets jusqu'à ce que l'indignation exprimée par les Egyptiens devienne si assourdissante qu'ils ne pouvaient plus faire semblant de ne pas entendre leurs supplications désespérées et les oblige à changer radicalement de discours. C'est lors de la conférence de presse du porte-parole de la maison Blanche, Robert Gibbs, le 28 janvier, qu'on a pu constater le changement de cap.

Alors que la veille encore Gibbs rappelait que le régime de Moubarak était considéré comme un "associé proche et important" des Etats-Unis et confirmait sa stabilité, le 28 janvier, le discours avait changé, et le ton était bien plus agressif.

"Les rancoeurs légitimes qui s'accumulent depuis un bon bout de temps en Egypte doivent être immédiatement résolues par le gouvernement égyptien, et la violence n'est pas une solution", grondait Gibbs.

Plus tard dans la journée, son patron se lançait dans un exercice rhétorique acrobatique visant à démontrer les états de services de l'administration Obama dans la "promotion de la démocratie" tout en évitant en même temps d'ébranler la "stabilité" d'un important allié des Etats-Unis - quelqu'un qui avait offert un soutien inestimable en faveur des intérêts géostratégiques américains dans le "conflit" israélo-palestinien, la guerre contre le terrorisme, la sécurité énergétique, de même qu'il avait mis en oeuvre les "réformes" économiques néolibérales soutenues pas les Etats-Unis dans la région.

Les 1,5 milliards de dollars que reçoit l'Egypte tous les ans en rente/subventions de la part de son protecteur américain, et que beaucoup appellent les "dividendes de la paix", en remerciement des accords de paix signés en 1979 avec Israël, attestent de l'importance de cette relation pour les Etats-Unis.

Dans le passé, même si le régime de Moubarak, comme tous les états qui touchent une rente, utilisait la majeure partie de cet argent à entretenir les dispositifs sécuritaires nécessaires à sa survie, il en destinait également intelligemment au moins une petite partie aux dépenses sociales, en particulier aux aides alimentaires, à l'éducation, à la santé et aux salaires des fonctionnaires, affectant cet argent en premier lieu aux plus pauvres.

Au cours des dernières décennies, et particulièrement ces dernières années, toutefois, cette répartition de la rente avait largement basculé en faveur de la "sécurité".

Comme pour la Tunisie, malgré son programme de "promotion de la démocratie" au Moyen Orient et dans le Maghreb, l'utilisation pernicieuse des subventions US par l'Egypte à des fins clairement antidémocratiques, n'était pas une surprise pour le gouvernement des Etats-Unis.

En contradiction totale avec l'indignation feinte avec laquelle l'administration Obama a appris la nouvelle de la répression musclée de son allié contre les manifestations populaires qui s'étendaient dans tout le pays, ainsi que contre les nouvelles formes de communications qui facilitent leur organisation, les récentes révélations de Wikileaks ont montré que les Etats-Unis avaient déjà parfaitement conscience de la brutalité du régime. Dévoilant ce que la plupart des analystes politiques informés, ainsi que la majorité des Egyptiens, avaient toujours su sur le régime de Moubarak, second bénéficiaire mondial de l'aide militaire et économique après Israël, une des dépêches indiquait que la brutalité du gouvernement était "courante et omniprésente ".

En outre, selon les dépêches diplomatiques, l'utilisation de la torture contre des criminels ordinaires, des détenus islamistes, des militants de l'opposition et des blogueurs, était tellement généralisée que le gouvernement égyptien ne "cherchait même plus à le nier ".

Ces dépêches révèlent que le gouvernement d'Obama avait pour but de préserver des rapports politiques et militaires étroits avec Moubarak, tout en étant parfaitement conscient de l'absence de démocratie. Il avait déclaré: "les avantages tangibles de notre collaboration militaire sont évidents: l'Egypte est en paix avec Israël, et l'armée US bénéficie d'un accès prioritaire au Canal de Suez et à l'espace aérien égyptien ".

Malgré tout cela, au cours de sa conférence de presse du 28 janvier, la veille des manifestations après la prière du vendredi, les plus dramatiques depuis le début de la révolte en Egypte, Obama omettait d'évoquer les revendications des manifestants courageux qui demandaient la démission de Moubarak. Au contraire, il insistait sur le fait que le régime devait s'engager à faire des réformes, disant: "cette période d'instabilité doit se transformer en une période de promesses".

Citant son discours du Caire en 2008, Obama demandait instamment à Moubarak de reconnaître que "Où qu'il s'installe, le gouvernement du peuple par le peuple ne s'appuie que sur un seul et unique modèle pour ceux qui détiennent le pouvoir: conserver le pouvoir grâce au consentement du peuple et non pas par la coercition; respecter les droits des minorités et agir dans un esprit de tolérance et de conciliation. Une fois de plus, l'administration Obama a fait preuve d'une énorme duplicité dans sa façon d'aborder le problème de la promotion de la démocratie dans la région.

De ce fait, elle s'est retrouvée, comme d'autres gouvernements occidentaux qui ont déclaré préférer la "stabilité" et l'"ordre" à la justice et à la responsabilité, du "mauvais côté de l'histoire".

Peut-être y a-t-il une autre leçon qu'ils pourraient tirer du 18 Brumaire de Marx, où on trouve une autre de ses célèbres phrases, cette fois-ci sur le rôle que joue dans l'histoire l'action l'individuelle: "les hommes font leur propre histoire, mais ne la font pas comme ils veulent, ils ne la font pas dans des conditions qu'ils ont choisies, mais dans un contexte préexistant, donné et hérité du passé".

Face à d'énormes difficultés, comme le soutien sans faille de l'occident pour leurs gouvernements, un ordre économique mondial conçu pour favoriser une minorité au détriment de la majorité, des appareils de sécurité largement subventionnés, équipés et entraînés, en grande partie grâce aux américains (comme le prouve l'inscription "made in America" sur les bombes de gaz lacrymogène utilisées contre les manifestants), les populations en Egypte, en Tunisie et ailleurs dans la région où les manifestants sont descendus dans la rue, ont décidé que, malgré ces conditions extrêmement défavorables, elles ne voulaient plus figurer comme de simples objets dans une histoire écrite par et pour d'autres. Elles sont prêtes à donner leur vie pour retrouver leur place légitime parmi les acteurs de l'histoire.

Il est temps qu'Obama cesse de faire seulement semblant de s'intéresser au rôle croissant que joue le pouvoir populaire en dessinant les contours d'un nouveau paysage politique de la région. Il peut commencer par soutenir les revendications des partis d'opposition en Égypte - comme les islamistes, dirigés par le parti d'opposition le plus populaire, les Frères Musulmans, ou les laïques, représentés par leur chef de file le plus connu, ancien patron de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed El-Baradei - qui demandent l'arrêt immédiat de la répression organisée actuellement par le régime de Moubarak contre les manifestants - qui est, selon les termes d'un des dirigeants des Frères Musulmans "du terrorisme d'état organisé" - le renversement du régime de Moubarak et l'instauration d'un gouvernement de transition qui conduirait à lancer de véritables réformes démocratiques et à demander au régime de Moubarak de répondre des crimes qu'il a commis.

Obama peut également profiter de l'occasion pour mettre en oeuvre les changements structurels nécessaires à la politique étrangère menée actuellement par les Etats-Unis dans la région, et pour poser de véritables conditions à l'aide économique et militaire que fournit le gouvernement US à tous les régimes antidémocratiques et répressifs de la région, tels qu'Israël, la Jordanie et le Yémen, afin d'aider les efforts des populations de ces pays pour reprendre le pouvoir et créer leur "propre histoire".

Des réductions importantes des aides à ces états, associées à une réduction globale des dépenses militaires US et à la fin des agressions des Etats-Unis dans la région, feraient d'une pierre deux coups: elles seraient la preuve de la volonté des Etats-Unis de réduire leur énorme déficit budgétaire de façon plus éthique que les mesures qui ont été prises à ce jour, et qui induisent à des réductions massives des dépenses sociales.

Et, pour rappeler les promesses électorales d'Obama, ce serait véritablement un "changement auquel on pourrait croire".

Corinna Mullin est maître de conférences sur la politique internationale comparative à l'Ecole d'Etudes Orientales et Africaine Studies (SOAS), en rapport avec le Moyen-Orient. Ses travaux actuels portent sue les conceptions islamistes et occidentales de la paix, la guerre, la justice, et la souveraineté. Elle habite à Londres.

Note:

Ce n'est pas une grande surprise ici aussi, vu que les toutous jappeurs des US copient tout ce que font leurs maîtres yankees.

Commentaires

[1.] Le vendredi 4 février 2011, 21:21 par  birahima2

Les aides militaires US sont directement versées à l'armée égyptienne

quant à votre note, elle indique que l'espèce est stable.

quoique.

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