Basile Lemaire
Battu à mort par des policiers égyptiens en juin dernier, Khaled Saïd devient le symbole de la révolte contre le régime d'Hosni Moubarak.
Khaled Saïd, interpellé le 6 juin dernier en Egypte, puis battu à mort par deux policiers, est en passe de devenir le Mohamed Bouazizi égyptien. La toile s'agite et fait du décès tragique du jeune homme, le symbole de la révolte antigouvernementale.
À 28 ans, Khaled Saïd avait diffusé sur Internet une vidéo montrant deux policiers se partageant de la drogue après un coup de filet. Arrêté dans un cybercafé de son quartier d'Alexandrie, il est mis à mort, en pleine rue, sous le regard de tous. Si les résultats officiels de l'autopsie ont indiqué qu'il s'était étouffé à la suite d'une ingestion de drogue, deux policiers ont tout de même été poursuivis et renvoyés devant un tribunal.
Depuis, des milliers d'Egyptiens ont manifesté pour dénoncer les brutalités policières et réclamer la levée de l'état d'urgence, en vigueur, sans interruption, depuis 1981.
Réaction au sommet de l'Etat
Même Gamal Moubarak, fils du président égyptien, a réclamé que les responsabilités soient établies dans cette triste affaire. "La justice doit suivre son cours (...), particulièrement après le renvoi des accusés devant un tribunal par le procureur général". Les propos du fils d'Hosni Moubarak, qui dirige le comité politique du Parti national démocrate (PND) et en qui certains voyaient un successeur possible à son père, laissent penser que les autorités cherchent à temporiser la colère de l'opinion à l'approche de rendez-vous électoraux d'importance, à l'automne 2011.
La Toile s'enflamme
Mais sur le Web, Khaled Saïd devient une icône. Le réseau social Facebook voit fleurir des groupes portant son nom, dont l'un d'eux comptabilise près de 500 000 membres - soit près de 10% des utilisateurs de Facebook en Egypte -: "Nous sommes tous des Khaled Saïd"
Sur le site de micro-blogging Twitter, les internautes se sont mis à utiliser le hashtag "#khaledsaïd", au même titre que "#egypt" pour évoquer la révolte en cours dans le pays. L'un des facteurs d'émergence du "mouvement Khaled Saïd" a été l'existence d'un blog très complet, relevant jour après jour toutes les informations disponibles sur l'affaire et les circonstances de la mort du jeune homme.
Du Web à la réalité
Puis, le phénomène Khaled Saïd s'est petit à petit propagé dans la société égyptienne, connectée ou non. Des artistes ont rallié la cause, des chansons ont été écrites à sa mémoire, des comédiens et des acteurs présents dans les média Egyptiens se sont mobilisés et ont même participé aux "silent stands" qui s'organisaient régulièrement sur la page Facebook.
Et les manifestations se multiplient, à Alexandrie comme au Caire. Elles suivent le scénario classique égyptien: les policiers anti-émeute sont bien plus nombreux que les manifestants. Mais ce "vendredi de colère" les choses ont commencé à changer. La police a dû laisser la place à l'armée, certains soldats fraternisent avec les manifestants, ou du moins n'agissent pas, alors que le pouvoir leur a confié la mission de faire respecter de couvre-feu... Le QG du parti national de Moubarak a été réduit en cendres, tout un symbole. La révolution est en marche et, entre deux slogans du type "Moubarak dégage", le nom de Khaled Saïd est sur toutes les lèvres.
Dessins de Carlos Latuff
Courtesy of L'Express
Source: lexpress.fr
Publication date of original article: 30/01/2011
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