26/01/2011 info-palestine.net  7min #48298

 Tunisie: Le gouvernement d'« union » se fracture tandis que les protestations se poursuivent

En Égypte, la « tunisie est la solution » L'armée arbitre du bras de fer en Tunisie ?

« La Tunisie est la solution ». Des milliers de personnes qui ont manifesté hier en Égypte ont scandé ce slogan sans équivoque. Un signe que ce qui s'est passé en Tunisie donne des idées aux citoyens dans de nombreux pays arabes où les libertés sont confisquées.

En Égypte, la « Tunisie est la solution »

De K. Selim

« La Tunisie est la solution ». Des milliers de personnes qui ont manifesté hier en Égypte ont scandé ce slogan sans équivoque. Un signe que ce qui s'est passé en Tunisie donne des idées aux citoyens dans de nombreux pays arabes où les libertés sont confisquées.

Et il est évident que cet évènement tunisien considérable, même s'il ne va pas faire « tomber » de manière immédiate des régimes, crée une situation nouvelle. L'enjeu de la bataille qui se déroule encore actuellement en Tunisie déborde largement ce pays. Une démocratisation réussie constituera un repère pour les sociétés et les pouvoirs en place ne pourront feindre de l'ignorer. Quand les opposants dans de nombreux pays arabes scandent « nous sommes tous des Tunisiens », cela signifie que la révolution tunisienne a déjà marqué le niveau minimal des exigences politiques.

Les régimes en place peuvent essayer, bien entendu, de renforcer les dispositifs sécuritaires mais, sur le moyen terme, cela deviendra intenable. La Tunisie n'est loin d'aucun pays arabe, ce n'est pas la lointaine Suède.

On peut constater déjà qu'il est impensable que le régime égyptien ose, après la fin de Ben Ali, aller dans le sens de la transmission familiale du pouvoir. C'est bien fini, à moins que le système égyptien ait perdu tout sens du réel. La Tunisie révolutionnaire a déjà barré le chemin au fils de Hosni Moubarak. C'est au fond la première « victime » extérieure de la Révolution du jasmin. L'impact considérable des évènements rend totalement inacceptable un passage de pouvoir qui semblait, malgré les contestations en Égypte, une forte probabilité. Désormais, cela devient une impossibilité. Et si le régime persiste à essayer de le faire, cela sera un motif d'explosion ou de révolution. On n'imagine pas le régime égyptien se risquer à une pareille aventure.

L'évolution de la situation enhardit considérablement les opposants au régime. A l'image de Mohamed El Baradai dont le discours se met en phase avec la révolution tunisienne. Pour l'ancien patron de l'AIEA et opposant à Moubarak, les choses sont allées trop loin et le « changement par le biais des urnes est dépassé. En Égypte, la rue est devenue l'unique moyen de réaliser les aspirations populaires après que le régime de Moubarak eut fermé toutes les portes à l'introduction de réformes et à l'alternance ».

El Baradai est encouragé par les manifestations d'hier qui ont démontré, selon lui, « l'effondrement de la culture de la peur » entretenue par le pouvoir. Les mouvements actuels sont une « boule de neige qui grossit, grossit »... Le régime de Moubarak « tremble » et « atteint le plus haut niveau de peur et de désarroi » après ce qui s'est passé en Tunisie. L'assertion n'est pas exagérée.

El Baradai estime que la porte de sortie pour le régime est que Moubarak renonce à être encore candidat, une nouvelle constitution, des élections libres et la levée de la loi martiale imposée au pays depuis 29 ans. Il est peu probable que le régime accepte d'aller facilement dans le sens de l'ouverture. Mais, privé d'une succession de père en fils du pouvoir, il pourrait être tenté de reconduire le vieux Moubarak, créant ainsi une distance abyssale entre une société jeune... et convaincre les Egyptiens que la « Tunisie est bien la solution ».

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L'armée arbitre du bras de fer en Tunisie ?

par Kharroubi Habib

L'armée tunisienne peut être appelée à jouer l'arbitre dans le bras de fer que se livrent le gouvernement de transition dirigé par Mohammed Ghannouchi et les manifestants qui en réclament le changement. C'est en tout cas ce que laissent présager les signaux émis lundi par son chef d'état-major, le général Rachid Ammar, tant à destination du gouvernement de transition contesté que de la foule qui assiège le palais gouvernemental.

A celle-ci, le général a promis que l'armée se portait « garante de la révolution », mais en la mettant en garde que les troubles de la rue créent le « vide qui engendre la terreur qui engendre la dictature ». Au premier, il a fait comprendre que les militaires ne font pas exigence de son maintien.

Tout reste à savoir comment les protagonistes du bras de fer ont décodé les signaux du chef de l'armée. Et en premier lieu, quelle conclusion en tirera le président par intérim du pays. Lundi, après la déclaration faite par le général Rachid Ammar, la rumeur s'était répandue à Tunis que des décisions allaient être annoncées dans la soirée ou au plus tard mardi matin. Il n'en a rien été, du moins jusqu'au moment où le présent article a été rédigé.

La confrontation entre le gouvernement de transition et la foule qui lui est hostile se poursuit : le palais gouvernemental est toujours assiégé et de nouveaux manifestants convergent sur la capitale, venant de tous les coins de la Tunisie. En s'installant dans la durée, le bras de fer risque de conduire à cette situation de vide dont le chef d'état-major de l'armée a clairement énoncé la conséquence qu'elle pourrait avoir pour la Révolution du jasmin.

Il est évident que du côté des successeurs du régime de Ben Ali, l'on a misé sur l'essoufflement de la contestation populaire dont ils sont l'objet. Le président par intérim Ghannouchi et son équipe font le dos rond et campent sur leur refus de céder à la revendication primordiale des manifestants qui est le changement du gouvernement de transition.

Du côté de la rue, on fait monter la pression, comme le prouve la grève déclenchée par les enseignants, qui peut faire tache d'huile à d'autres secteurs d'activité, pour peu que l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), acquise au changement revendiqué par les manifestants, en prenne l'initiative. Si un tel développement vient à se produire, il est fatal que la Tunisie en sera paralysée.

A ce stade, l'armée pourrait être contrainte de se départir de la neutralité qu'elle observe entre le gouvernement de transition et ses contestataires. C'est peut-être ce à quoi vise l'entêtement des proches de l'ex-dictateur propulsés dans le gouvernement de transition. Leur calcul partant de la conviction qu'une transition conduite par l'armée serait moins périlleuse pour leurs intérêts et sauvegarde personnels que celle ayant pour acteurs des personnalités bénéficiant du soutien populaire et acquises aux changements inscrits dans les revendications de la Révolution du jasmin.

Les heures qui viennent vont être décisives en Tunisie. L'on saura si la Révolution du jasmin va être en mesure de faire sauter l'ultime barrage que lui a opposé le clan du dictateur déchu, sans offrir à l'armée le prétexte d'entrer en politique avec tous les risques que ce rôle comporte en terme de confiscation des droits individuels et civiques dont les Tunisiens viennent à peine de bénéficier.

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