par Fabrice Epelboin
A l'époque de la dictature, alors qu'il était de mise de se taire dans les espaces semi publics de Facebook, les Tunisiens y étaient déjà de grands bavards (une caractéristique méridionale ?). Depuis une semaine à peine, ce qu'il se passe sur le Facebook Tunisien est d'une toute autre nature.
On n'y bavarde plus, on y discute, de façon très sérieuse et étonnamment constructive, de l'avenir du pays.
La Tunisie est préssée d'une dictature brutale à une démocratie qui se cherche en un mois, sans même passer par les inévitables scènes de lynchage (une première ou presque dans l'histoire des révolution), et surtout, sans leader sur qui retomberait la légitimité d'une révolution (première, là aussi).
La télévision, bien incapable d'étancher la soif de débat des Tunisiens, doit faire avec la prépondérance de Facebook dans le pays pour tout ce qui relève de l'échange et du débat. C'est là qu'il a lieu, la télévision, média 'top to bottom' par nature, étant bien incapable de satisfaire au besoin (sans parler qu'elle manque de crédibilité)
Du coup, ce tout jeune processus démocratique a très largement lieu sur l'espace naturel de Facebook, avec milles discussions passionnées, certaines ayant pour initiateur un même contenu, toutes réparties dans des espaces semi public ou semi privés de Facebook. Là encore, première, pas de mass media pour imposer un agenda politique à une population.
Quelles seront les conséquences de la prépondérance de Facebook et de ses multiples conversations éclatées aux quatre coins de l'espace Tunisien qu'il abrite ? Difficile à dire, mais la relecture du livre de Versac, qui abordait le problème posé par un processus démocratique sans média fédérateur pourrait apporter quelques réponses, pour peu qu'on prenne en compte que son analyse – globalement négative – de ce phénomène, portait sur son application à la démocratie Française, et pas du tout sur un processus de construction démocratique à l'échelle d'un pays sortant d'une dictature.
Un long sujet de débat en perspective. En attendant, ceux qui sont Tunisiens ou qui ont une large proportion de leurs amis Facebook qui le sont, voient leur timeline occupée essentiellement par la mise au monde de la toute première démocratie arabe de la planète.