17/03/2024 francais.rt.com  7min #244980

 Livraison de missiles longue portée à l'Ukraine : Scholz réitère son refus et désavoue Baerbock

Missiles Taurus : face au refus de Scholz, la presse britannique maintient la pression sur Berlin


© Odd ANDERSEN Source: AFP

Le chancelier allemand Olaf Scholz et le président français Emmanuel Macron entrent dans la Chancellerie à Berlin, le 15 mars 2024 (photo d'illustration).

Le 15 mars à Berlin, Emmanuel Macron, Olaf Scholz et Donald Tusk ont affiché leur «unité» à l'occasion d'une rencontre au format «triangle de Weimar». «Aujourd'hui plus que jamais, notre unité fait notre force et surtout nos trois États, l'Allemagne, la Pologne et la France, portent une responsabilité particulière», a déclaré le chancelier allemand à l'issue de la réunion.

Les trois pays sont «unis, déterminés» et «résolus à ne jamais laisser gagner la Russie et à soutenir le peuple ukrainien jusqu'au bout», lui a fait écho le président français. «Nous continuerons comme nous l'avons fait depuis le premier jour à ne jamais prendre l'initiative de quelque escalade», a affirmé devant la presse Emmanuel Macron dont le gouvernement, en janvier 2023, avait  ouvert la voie aux livraisons de chars de combat aux forces de Kiev. Pour sa part, le Premier ministre polonais a déclaré que les «rumeurs malveillantes de divergences entre les capitales européennes sont exagérées».

C'était sans compter sur la presse britannique, qui fait ses choux gras des querelles franco-allemandes. «Quand Poutine tousse, Scholz s'enfuit»,  titrait The Times, dans la foulée de la rencontre des trois hommes d'État, reprenant des propos attribués à un conseiller du président français : «quand Poutine tousse, Scholz se met immédiatement à la recherche d'un bunker».

Une phrase assassine,  ébruitée le 13 mars, par un autre titre de la presse britannique : l'hebdomadaire europhile The New European. «Macron et Scholz ne se parlent même pas», venait enchérir un «diplomate basé à Berlin», cité par l'auteur de l'article. Des affirmations qui tranchent avec celles d'Olaf Scholz qui, le même jour, avait assuré avoir avec Emmanuel Macron «une  très bonne relation personnelle».

«L'humiliation se poursuivra jusqu'à ce que la politique s'améliore»

Dans son article, la journaliste de The New European a dressé le portrait d'un Olaf Scholz qui «s'aliène» ses alliés, au péril de la «sécurité européenne», le tout au profit d'une image «d'homme d'État pacifique». En cause : le fait qu'Olaf Scholz ait motivé son refus de livrer les Taurus en assurant que leur réglage nécessiterait l'intervention de militaires allemands, une ligne rouge, dans la belligérance, qu'Olaf Scholz refuse jusqu'à présent de faire franchir à son pays.

«Ce qui est fait concernant l'accompagnement du ciblage de la part des Britanniques et des Français ne peut pas être fait en Allemagne», avait-t-il déclaré le 26 février, laissant entendre que des éléments des services britanniques et français seraient déjà présents sur le sol ukrainien pour aider les forces de Kiev à frapper des cibles russes. Si Paris n'avait pas réagi, il en fut tout autrement à Londres.

«Le comportement de Scholz a montré qu'en ce qui concerne la sécurité de l'Europe, il n'est pas la bonne personne, dans le mauvais travail au mauvais moment»,  avait lancé fin février au Evening Standard l'ancien ministre britannique de la Défense Ben Wallace. «Nous avons donné le Storm Shadow, nous devons tous donner ce que nous pouvons, Scholz devrait donner le Taurus et cesser de compromettre la sécurité de l'Europe», avait pour sa part déclaré la présidente de la Commission des Affaires étrangères du parlement britannique, Alicia Kearns, après avoir qualifié les propos de Scholz d'«irresponsables» et de «gifle aux alliés».

Un angle d'attaque reprit par le correspondant du Times, qui compare un Emmanuel Macron «conciliant», avec la Pologne et «d'autres États de la ligne de front», à un Olaf Scholz qui a «surtout été clair sur ce qu'il ne veut pas» et qui campe «par pure obstination» sur son refus de livrer les Taurus à l'Ukraine. «Ils ne relâcheront pas leur pression, car ils savent à quel point l'Allemagne est importante pour la sécurité européenne», a déclaré au Times Benjamin Tallis, chercheur au Conseil allemand des relations étrangères. «L'humiliation se poursuivra jusqu'à ce que la politique s'améliore», a-t-il ajouté.

«L'autre guerre de l'Europe»

Dans une  lettre ouverte qu'il a coécrite, publiée le 14 mars, Benjamin Tallis a appelé Olaf Scholz à «changer de cap et aider l'Ukraine à gagner». «Ignorant la nécessité évidente de gagner la guerre [...], il s'efforce d'éviter les mesures nécessaires - notamment l'envoi de missiles de croisière Taurus en Ukraine», ont notamment écrit les trois auteurs, accusant le chancelier de mettre «en danger les Allemands et tous les Européens» par sa politique face à la Russie.

Dans d'autres titres de la presse britannique, on se contente de tirer à boulet à rouge sur les dissensions franco-allemandes. Pour The Guardian, cette « démonstration ostentatoire d'unité» à Berlin, «organisée à la hâte», n'a «pas caché le fait que Paris et Berlin ont désormais des perspectives différentes sur le double spectre de l'avancée militaire russe en Ukraine et du refus du Congrès américain d'approuver une aide militaire supplémentaire substantielle à Kiev».

Un rendez-vous au cours duquel, analyse The Guardian, Macron a «de nouveau implicitement critiqué Scholz pour avoir continué à exclure la livraison des puissants missiles de croisière allemands à longue portée Taurus». Évoquant des relations «glaciales» entre Macron et Scholz, à la veille de leur rencontre à Berlin, le Daily Mail titrait quant à lui sur « l'autre guerre de l'Europe». À renfort d'intervenants, le président français y est décrit comme «tent[ant] de diriger l'OTAN comme un "Napoléon"» et «condamnant les "lâches" allemands».

Le Bundestag dit «non» à la livraison des Taurus à Kiev

Pour tenter de convaincre Olaf Scholz, le chef de la diplomatie britannique, David Cameron, avait déclaré lors d'une interview au Süddeutsche Zeitung publiée le 9 mars que Londres était disposé à acheter des Taurus allemands en échange desquels la Grande-Bretagne enverrait davantage de ses propres missiles longue portée à l'Ukraine. Un arrangement refusé, dans la foulée, par le ministre allemand de la Défense. Quant à Olaf Scholz, réinterrogé par la presse depuis, il a réitéré son refus de livrer ces missiles à l'Ukraine.

Une position qu'il peut visiblement se permettre, car sur cette question chancelier n'est pas aussi isolé sur la scène politique allemande que ses détracteurs ne le laissent entendre. Par 495 voix contre, face à 190 voix pour et cinq abstentions, le Bundestag  a rejeté le 14 mars la  motion déposée par la CDU/CSU visant à forcer le gouvernement allemand à livrer les Taurus à l'Ukraine.

Bundestag à l'endroit duquel la Douma a appelé le 12 mars à enquêter, après  la publication d'un enregistrement audio dans lequel on peut entendre des officiers supérieurs allemands évoquer la livraison des Taurus à l'Ukraine ainsi que le ciblage du pont de Crimée avec ces missiles. «Nous percevons cela comme une agression, nous considérons cela comme une menace pour notre sécurité», avait déclaré le président de la chambre basse du Parlement russe, Viatcheslav Volodine. «Nous pensons que cela est inacceptable et conduit au déclenchement d'une troisième guerre mondiale à grande échelle, nucléaire, avec toutes les conséquences qui en découlent», avait-il ajouté.

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