Par MEE et agences
Selon le ministère palestinien de la Santé, 104 personnes ont été tuées et 760 blessées dans ces tirs israéliens près des camions d'aide humanitaire
Le ministère de la Santé à Gaza a annoncé ce jeudi que 104 personnes avaient été tuées par des tirs de l'armée israélienne en direction de Palestiniens se ruant sur des camions d'aide humanitaire dans le nord de la bande côtière menacée de famine.
Après un premier bilan hospitalier faisant état d'au moins 50 morts, le porte-parole du ministère de la Santé Ashraf al-Qudra a indiqué que le « bilan du massacre de la rue al-Rashid [où la distribution alimentaire avait lieu à Gaza City] s'élève désormais à 104 morts et 760 blessés ».
Des témoins ont fait état à l'AFP de scènes pendant lesquelles des milliers de personnes se sont précipitées vers des camions d'aide arrivant au « rond-point de Naplouse », dans l'ouest de Gaza City, principale ville du nord du territoire.
Ahmad, un homme de 31 ans qui n'a donné que son prénom, a déclaré à Middle East Eye que les camions humanitaires étaient arrivés dans la rue à 4 heures du matin et que les forces israéliennes avaient tiré sur les personnes qui tentaient d'atteindre le convoi. Ahmad a reçu une balle dans le bras et à la jambe.
« Les tirs étaient aveugles, les gens ont été touchés à la tête, au pied, au ventre », a-t-il décrit. « Un homme est tombé en martyr, puis écrasé par le char. »
L'armée israélienne a accusé les Palestiniens d'être responsables d'un mouvement de foule : « Les habitants ont encerclé les camions et pillé les fournitures livrées. Des dizaines de Gazaouis ont été tués et blessés dans les bousculades, les piétinements et écrasés par les camions. »
Cependant, parallèlement aux témoignages, des 𝕏 séquences vidéo montrent clairement des tirs nourris lors de l'incident. Des sources israéliennes ont indiqué à l'AFP que les soldats avaient tiré sur les Palestiniens, l'une d'elles affirmant que ces derniers pensaient que la foule « constituait une menace ».
Traduction : « Voici une vidéo où vous pouvez entendre les tirs des troupes israéliennes que [l'armée israélienne] ne mentionne pas délibérément. »
Selon le quotidien israélien Haaretz, l'armée israélienne a décrit la foule de Palestiniens affamés attendant de l'aide alimentaire autour des camions humanitaires comme un « rassemblement violent » qui a donné aux soldats un sentiment « d'insécurité ».
« Le risque de génocide est réel »
« Ce à quoi nous assistons aujourd'hui nous rappelle le massacre de l'hôpital baptiste », a déclaré à Al Jazeera Jadallah al-Shafee, chef du service de soins infirmiers de l'hôpital al-Chifa, en référence au bombardement de l'hôpital al-Ahli al-Arab en octobre, qui avait causé la mort de près de 500 Palestiniens venus s'y réfugier.
« Nous disposons de trois petites salles d'opération fonctionnant avec une capacité limitée pour soigner des centaines de blessés. »
L'ONG internationale Oxfam s'est pour sa part déclarée « consternée » par ces informations.
« Le fait qu'Israël cible délibérément des civils après les avoir affamés constitue une violation flagrante du droit humanitaire international et de notre humanité », a déclaré l'organisation.
« Le risque de génocide est réel. »
Ce n'est pas la première fois que des Palestiniens sont tués par l'armée israélienne lors de la distribution d'aide humanitaire.
Des témoins oculaires ont notamment raconté à Middle East Eye que le 11 janvier, une foule nombreuse qui attendait un camion de ravitaillement dans la rue al-Rasheed à Gaza avait été la cible de tirs de l'armée israélienne, faisant des dizaines de morts et de blessés.
Hausse des décès dus à la malnutrition
Une grande partie de la population de Gaza est au bord de la famine en raison du blocus israélien, selon l'ONU et d'autres organisations humanitaires.
Les Nations unies estiment que 2,2 millions de personnes, soit l'immense majorité de la population de Gaza, sont menacées de famine, en particulier dans le nord où les destructions et les combats rendent presque impossible l'acheminement de l'aide humanitaire.
Selon l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), un peu plus de 2 300 camions d'aide sont entrés dans la bande de Gaza au mois de février, une baisse d'environ 50 % par rapport à janvier, et une moyenne quotidienne de quelque 82 camions par jour.
D'après l'ONU, environ 500 camions entraient en moyenne quotidiennement dans la bande de Gaza avant le début de la guerre le 7 octobre, alors que les besoins de la population locale étaient alors moindres.
Les Palestiniens de Gaza sont contraints de manger des feuilles ou du fourrage pour le bétail, voire d'abattre des animaux de trait pour se nourrir.
Middle East Eye a recueilli plusieurs témoignages de Palestiniens craignant qu'eux-mêmes et leurs proches ne meurent de faim, tandis que plusieurs décès par malnutrition ont déjà été signalés.
Le chef du bureau de coordination de l'aide humanitaire de l'ONU pour les territoires palestiniens, Andrea De Dominico, a déclaré récemment à l'AFP qu'à plusieurs reprises, lors de l'arrivée de convois de denrées alimentaires dans le nord de Gaza, des « milliers de personnes avaient bloqué les camions pour les décharger au risque de se faire tirer dessus ».
Ammar Helo, un Palestinien de 30 ans qui a survécu à l'attaque, a déclaré à MEE qu'il continuerait de se rendre aux distributions d'aide humanitaire, malgré les risques pour sa vie.
« Nous n'avons pas de pain, nous n'avons pas de farine, nous mangeons de la nourriture animale », a-t-il témoigné. Des survivants ont indiqué à MEE que même la nourriture pour animaux commençait à manquer dans le nord.
« Je le jure, tout Gaza est détruit, je jure qu'un tremblement de terre venant de Dieu aurait été mieux. »
Selon le dernier bilan en date des autorités locales, l'offensive israélienne à Gaza a fait plus de 30 000 morts depuis le 7 octobre.
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