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A Dakar le 9 février, des manifestants scandent des slogans et brûlent des planches et des pneus pour protester contre le report de l'élection présidentielle prévue initialement le 25 février.
La mobilisation de ce 9 février est la première contestation d'ampleur depuis le report du scrutin présidentiel initialement prévu le 25 février, qui a ouvert une grave crise politique au Sénégal et plongé le pays dans une période d'incertitude.
Des policiers en tenue anti-émeute ont tenu à distance les personnes qui cherchaient à accéder à la vaste esplanade de la place de la Nation en tirant du gaz lacrymogène, provoquant des affrontements. Un nuage de fumée s'élevait au-dessus de toute la zone.
Tous les accès à la place sont fermés, ont constaté des journalistes de l'AFP. L'autoroute et des axes importants de la capitale ont aussi été bloqués. Le train a été arrêté.
Des manifestants ont riposté en lançant des cailloux et en érigeant des barricades avec des objets de fortune - des planches et des pierres - et en incendiant des pneus. À Colobane, où les échoppes sont habituellement bondées, tous les magasins ont fermé.
Les heurts ont dépassé les alentours de la place de la Nation pour toucher d'autres quartiers de la capitale. «Les Sénégalais doivent s'indigner et plus seulement sur les réseaux sociaux», a déclaré à l'AFP l'un des candidats à la présidentielle, Thierno Alassane Sall.
Des manifestations dans plusieurs autres villes du pays ont été signalées sur les réseaux sociaux. Dans la commune de Nioro du Rip, à quelque 250 km à l'est de Dakar, une manifestation d'environ 200 personnes a été dispersée par la police, a constaté un journaliste de l'AFP.
«C'est juste le début d'un combat»
À la mosquée Masjidounnour de Dakar, pour la grande prière musulmane du vendredi, l'imam Ahmed Dame Ndiaye s'est insurgé contre la situation politique. «Même le président peut faire des erreurs et dans ce cas c'est à nous de lui dire la vérité», a-t-il estimé, ajoutant que «personne n'a le droit de regarder la société en train d'être détruite». Pour le muezzin Souleymane Ndiaye, le président Macky Sall «s'est dédit et c'est une honte pour tous les Sénégalais. La parole donnée est sacrée».
Dans la matinée, les professeurs ont donné le ton avec des débrayages dans les écoles. Au lycée Blaise Diagne de Dakar, des centaines d'étudiants ont quitté leurs cours à 10h, à l'instar de Seynabou Ba, 18 ans, qui déclare «ne plus avoir d'espoir» pour la démocratie dans son pays. «C'est juste le début d'un combat. Si le gouvernement s'entête, nous serons obligés de mener d'autres actions», a déclaré Assane Sene, un professeur d'histoire-géographie syndiqué de cet établissement.
Le report de la présidentielle de 10 mois a soulevé une indignation largement partagée sur les réseaux sociaux. L'opposition crie au «coup d'Etat constitutionnel». Elle soupçonne une manigance pour éviter la défaite du candidat du camp présidentiel, voire pour maintenir le président Sall à la tête du pays encore plusieurs années. Un collectif de 14 candidats de l'opposition a déposé dans l'après-midi un recours devant la Cour suprême.
Macky Sall assure qu'il ne briguera pas un nouveau mandat
Les tentatives de manifestations depuis l'annonce du report ont été réprimées et des dizaines de personnes interpellées. Les autorités ont communément interdit de telles manifestations et empêché leur tenue ces dernières années. Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines arrêtées depuis 2021 lors de différents épisodes de contestation.
Le collectif Aar Sunu Election («Protégeons notre élection»), qui prévoit une autre manifestation mardi a insisté sur sa volonté de protester pacifiquement et de garder son indépendance. Une douzaine de candidats opposés au changement de calendrier, sur les 20 retenus par le Conseil constitutionnel, ont exprimé leur souhait d'une convergence avec la société civile.
Le président Sall a décrété le 3 février le report de la présidentielle, trois semaines seulement avant l'échéance, en pleine bagarre politique sur les candidatures retenues ou écartées pour le scrutin.
L'Assemblée nationale a approuvé le 5 février un ajournement au 15 décembre, avec les voix du camp présidentiel et des partisans d'un candidat recalé et sous la protection des gendarmes. Elle a aussi voté le maintien de Macky Sall au pouvoir jusqu'à la prise de fonctions de son successeur, vraisemblablement début 2025. Le deuxième mandat de Macky Sall expirait officiellement le 2 avril.
Après avoir entretenu le doute pendant des mois, il a répété à différentes reprises, et encore le 7 février au soir, l'engagement pris en 2023 de ne pas se représenter.
Face à l'une des plus graves crises politiques des dernières décennies, le président Sall a dit vouloir engager un processus «d'apaisement et de réconciliation».