Lauriane Bernard, France-Soir
Tracteurs stationnés sur la Pariser platz, non loin de la Porte de Brandebourg, Berlin, 18 décembre 2023.
John MacDougall
MONDE - La fin des avantages fiscaux sur le gazole non routier (GNR) déclenche la colère des agriculteurs allemands. Qui devraient être bientôt rejoints par les cheminots et les routiers. Le mouvement de manifestation "Zu viel ist zu viel" ("Trop, c'est trop") s'intensifie. Une vague de manifestations sans précédent est annoncée pour le 8 janvier prochain.
Le 18 décembre dernier, plus de 1 500 tracteurs ont bloqué la circulation des rues de Berlin. Depuis, des centaines d'engins agricoles circulent dans de nombreuses autres villes allemandes.
Fin des avantages fiscaux sur le gazole non routier (GNR)
A l'instar de la France, l'Allemagne se dirige vers la fin des avantages fiscaux sur le gazole non routier (GNR). Dans l'Hexagone, Bruno Le Maire, soucieux de favoriser les investissements verts, a annoncé dès septembre qu'il fallait s'attendre à une défiscalisation progressive du carburant de 2024 à 2030. De l'autre côté du Rhin, on mise plutôt sur la fin des subventions, mais pour des raisons budgétaires.
En novembre, la Cour de justice de Karlsruhe a tapé sur les doigts de la coalition dirigée par Olaf Scholz. Le chancelier s'était mis en tête de réaffecter une partie du budget non utilisé en 2022 à un fonds spécial pour la transition écologique. Sauf que pour la Cour suprême allemande, ces 60 milliards d'euros, initialement destinés à amortir l'impact économique du Covid, ne pouvaient être dépensés pour autre chose.
Et depuis cette suppression massive de crédits, c'est le casse-tête. Non seulement contraint par la règle constitutionnelle du "frein à l'endettement" qui limite le déficit budgétaire annuel du pays à 0,35 % du PIB, le gouvernement souhaite combler les trous dans le fonds de financement pour la transition écologique. Le coupable n'est-il pas tout trouvé ?
Quitte à rogner sur certaines dépenses, autant commencer par les allègements fiscaux qui favorisent la consommation d'énergies fossiles, au grand dam des agriculteurs, qui ne moissonnent pas encore en tracteur électrique.
"Zu viel ist zu viel" ("Trop, c'est trop")
Peut-être un brin inspiré par le bon mot de leurs voisins, qui scandent : "On marche sur la tête !" à travers les campagnes de France, mais surtout par le mouvement de révolte initié par les agriculteurs hollandais, les paysans allemands défilent par centaines depuis la mi-décembre à bord de leurs tracteurs en arborant le slogan : "Trop, c'est trop" ("Zu viel ist zu viel").
Leurs revendications sont claires. D'après un article paru dans le Berliner Zeitung du 28 décembre, ils comptent faire grève jusqu'à ce que le gouvernement renonce à leur imposer toute mesure d'austérité. M. Joachim Rukwied, président de l'Union des agriculteurs allemands, appelle à une semaine d'action à partir du 8 janvier. Une grande manifestation est programmée à Berlin le 15 janvier, juste avant que la commission budgétaire du Bundestag n'arrête le budget fédéral pour 2024.
Mais la colère ne se cantonne déjà plus au monde agricole. Elle a aussi gagné les cheminots et les routiers, qui veulent se joindre au mouvement. Et risque de faire traînée de poudre et se propager aux restaurateurs. Malgré la promesse de campagne du candidat Scholz de ne pas augmenter la TVA une fois élu, la taxe sur les denrées alimentaires vient de passer de 7 à 19 % le 1er janvier. L'ancien gouvernement avait réduit la TVA il y a trois ans pour sauver les restaurants de la faillite pendant l'épidémie de Covid. Il semblerait qu'il soit désormais temps de payer l'addition...