Alexandre Lantier
(AFP)
Mardi, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a promis que ses troupes prendraient d'assaut Rafah, où 1,5 million de civils palestiniens sans défense vivent aujourd'hui dans des camps de réfugiés.
Il a ajouté qu'il n'épargnerait Rafah sous aucune condition, qu'un accord ait été conclu ou non sur un échange d'otages détenus par le gouvernement israélien et les autorités du Hamas à Gaza.
«L'idée que nous arrêterons la guerre avant d'avoir atteint tous ses objectifs n'est pas envisageable», a déclaré Netanyahou. «Nous entrerons dans Rafah et nous éliminerons les bataillons du Hamas qui s'y trouvent, qu'il y ait ou non un accord, afin de remporter une victoire totale.»
Le bilan de la guerre contre Gaza est véritablement effroyable. Au moins 34.535 Palestiniens ont été tués, plus de 10.000 sont morts sous les décombres des bâtiments bombardés et 77.704 ont été blessés. Plus d'un million de Palestiniens souffrent d'une grave famine, les forces israéliennes ayant coupé l'accès de Gaza à la nourriture, aux médicaments et à d'autres produits de première nécessité. Pourtant, Netanyahou a déclaré qu'il n'accepterait sous aucune condition les appels du Hamas à mettre fin à l'assaut génocidaire contre Gaza.
Netanyahou a déclaré: «Le Hamas insiste sur une chose - la fin de la guerre - mais il ne l'obtiendra pas. Je ne suis pas prêt à l'accorder. Par conséquent, si telle est la situation - et c'est effectivement le cas actuellement - [l'accord] n'aura pas lieu. Il y a peut-être des gens qui disent qu'ils sont prêts à mettre fin à la guerre et à laisser le Hamas revenir. Je ne l'accepterai pas.»
En s'engageant à poursuivre la guerre et à bombarder plus d'un million de civils sans défense à Rafah, le gouvernement de Netanyahou a réagi aux informations selon lesquelles la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye s'apprêtait à délivrer des mandats d'arrêt contre des responsables israéliens accusés de crimes de guerre. Conforté par le fait que les principales puissances de l'OTAN soutiennent ses atrocités à Gaza, le régime proclame effrontément son intention de commettre des crimes de guerre génocidaires.
Les responsables de la CPI ont prévenu depuis des mois qu'ils enquêtaient sur la conduite de la guerre par les responsables israéliens et, en particulier, sur leurs menaces de détruire Rafah. «Je suis profondément préoccupé par les informations faisant état de bombardements et d'une éventuelle incursion terrestre des forces israéliennes à Rafah», a écrit le procureur de la CPI, Karim Khan, sur X/Twitter: «Comme je l'ai souligné à plusieurs reprises, ceux qui ne respectent pas la loi ne devraient pas se plaindre plus tard lorsque mon bureau interviendra conformément à son mandat.»
En effet, même les responsables de l'OTAN admettent qu'attaquer Rafah reviendrait à commettre des crimes de guerre contre le peuple palestinien. Mardi, le vice-ministre britannique des Affaires étrangères, Andrew Mitchell, a déclaré au Parlement britannique: «Compte tenu du nombre de civils abrités à Rafah, il n'est pas facile de voir comment une telle offensive pourrait être conforme au droit humanitaire international dans les circonstances actuelles.»
Les représentants de l'ONU ont condamné les remarques de Netanyahou. Martin Griffiths, coordinateur des secours d'urgence, a déclaré: «Le monde entier appelle depuis des semaines les autorités israéliennes à épargner Rafah, mais une opération terrestre se profile à l'horizon [...] La vérité est qu'une opération terrestre à Rafah ne sera rien de moins qu'une tragédie sans nom. Aucun plan humanitaire ne peut y faire face. Le reste n'est que détail.»
Dimanche, selon Le Monde, citant des sources à La Haye, les procureurs de la CPI avaient obtenu la signature de trois juges de la CPI sur des mandats d'arrêt qui visent des responsables israéliens. Il s'agit de la dernière étape pour valider les mandats, dont la publication est maintenant «imminente», ont déclaré ces sources au Monde. Les médias israéliens ont rapporté que les noms de Netanyahou, du ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, et du chef d'état-major général des Forces de défense israéliennes (FDI), Herzi Halevi, figuraient sur les mandats d'arrêt.
Si les États-Unis ne reconnaissent pas la CPI, les 124 pays qui la reconnaissent - dont la plupart des pays européens, le Japon et l'Australie - seraient tenus par la loi d'arrêter tout responsable israélien cité dans les mandats d'arrêt qui entrerait sur leur territoire. Cela met en lumière le rôle non seulement d'Israël, mais aussi des puissances de l'OTAN. Leur soutien au gouvernement israélien à l'étranger et leur répression des manifestations contre le génocide dans leur pays sont politiquement criminels.
La guerre et le génocide ne peuvent être stoppés par des appels moraux aux puissances de l'OTAN pour qu'elles mènent une politique plus éclairée. En effet, elles réagissent aux informations faisant état d'accusations potentielles de crimes de guerre par la CPI en redoublant de soutien à Netanyahou. Mardi, le ministre français des Affaires étrangères, Stéphane Séjourné, est arrivé à Jérusalem pour s'entretenir avec des responsables israéliens, et le secrétaire d'État américain, Anthony Blinken, est ensuite arrivé à Amman pour s'entretenir avec la monarchie jordanienne.
Séjourné a assuré son homologue israélien, Israël Katz, du soutien continu de la France à Netanyahou. Soulignant son «soutien» à Israël tout en affirmant avoir des «désaccords» non spécifiés avec les plans de bombardement de Rafah, Séjourné a discuté d'une proposition de résolution de paix de l'ONU sur Gaza. Des diplomates français ont déclaré à l'AFP que le plan «soutient les demandes fortes d'Israël, comme le fait de qualifier le 7 octobre [soulèvement de Gaza contre Israël] de terroriste, en soulignant les violences sexuelles commises ce jour-là, mais donne également des paramètres pour une solution politique au conflit».
À Amman, Blinken a affirmé que les négociations en vue d'une trêve entre Israël et le Hamas et d'un échange d'otages constituaient une voie vers la résolution de paix de l'ONU et a dénoncé le Hamas comme un obstacle à la paix, pour s'être opposé à la résolution. «Maintenant, la balle est dans le camp du Hamas. Plus de retards, plus d'excuses», a-t-il déclaré.
Lorsque les journalistes ont fait remarquer à Blinken que Netanyahou s'était engagé à bombarder Rafah, même si l'échange d'otages proposé par Blinken était mis en œuvre, Blinken les a ignorés. Une trêve, a-t-il répété, «est le meilleur moyen, le moyen le plus efficace, de soulager les souffrances et aussi de créer un environnement dans lequel nous pouvons espérer aller de l'avant vers quelque chose de vraiment durable et une paix durable pour les gens qui en ont désespérément besoin».
Les déclarations de Blinken et Séjourné reviennent à approuver les objectifs de guerre d'Israël, en les faisant passer cyniquement pour un plan de paix. Le Hamas a rejeté la résolution de paix proposée par les Nations unies le mois dernier parce qu'elle créait les conditions d'une occupation permanente de Gaza par Israël, au mépris du droit international. Elle n'aurait pas garanti le départ des troupes israéliennes de Gaza ni le retour des civils dans ce qui reste de leurs maisons ni l'acheminement de nourriture à Gaza.
L'appel de Netanyahou à bombarder Rafah et à poursuivre la guerre montre clairement que la responsabilité de la guerre n'incombe pas au Hamas, mais au régime israélien et à ses alliés de l'OTAN. Les puissances de l'OTAN dépensent des milliards de dollars ou d'euros pour armer Israël en vue du génocide à Gaza. Elles attaquent hystériquement les manifestations contre le génocide, car elles craignent une opposition massive non seulement à leur complicité dans la politique israélienne, mais aussi à toutes les guerres impérialistes qu'elles ont menées en Europe de l'Est et dans le Moyen-Orient riche en pétrole au cours des dernières décennies.
C'est ce qui ressort de l'emportement du président républicain de la Chambre des représentants des États-Unis, Mike Johnson, qui a dénoncé lundi l'enquête de la CPI sur Israël. Avertissant que «l'action de la CPI porterait directement atteinte aux intérêts de la sécurité nationale des États-Unis», Johnson a déclaré. «Si le gouvernement Biden ne s'y oppose pas, la CPI pourrait créer et assumer un pouvoir sans précédent lui permettant de lancer des mandats d'arrêt contre des dirigeants politiques américains, des diplomates américains et du personnel militaire américain, mettant ainsi en péril l'autorité souveraine de notre pays.»
Johnson a demandé au gouvernement Biden «d'exiger immédiatement et sans équivoque que la CPI se retire» et «d'utiliser tous les outils disponibles» pour empêcher la CPI de délivrer les mandats. Peu de temps après, la Maison-Blanche de Biden a effectivement attaqué la CPI, la porte-parole Karine Jean-Pierre déclarant: «Nous ne la soutenons pas. Nous ne pensons pas qu'elle soit compétente.»
Ces événements mettent en lumière la criminalité de l'impérialisme, qui n'est que réaction sur toute la ligne. Pour arrêter le génocide de Gaza, il faut mobiliser toute la force de la classe ouvrière, aux États-Unis, en Europe et dans tout le Moyen-Orient, dans un mouvement antiguerre socialiste international, afin de mettre fin à l'armement de l'État israélien en vue du génocide et de s'opposer aux gouvernements qui en sont complices.
Source : World Socialist Web Site