12/01/2012 2 articles silviacattori.net  9min #62047

 Les effroyables crimes de l'otan en Libye (the Herald on Line)

A-t-on fait la guerre en Libye pour empêcher un projet de développement ?

Un article d'Hannes Hofbauer

Depuis l'effondrement de l'Union soviétique et du Pacte de Varsovie en 1991, trois chefs d'État et de gouvernement mal vus furent assassinés par ou moururent sous la responsabilité du triumvirat des USA-UE-OTAN agissant dans le monde entier. Cette évolution est inquiétante.

11 janvier 2012

Le 11 mai 2006, l'ancien chef d'État yougoslave Slobodan Milo?evic fut retrouvé mort dans sa cellule de Scheveningen, après que le Tribunal de la Haye lui eût refusé le traitement médical qu'il avait demandé. Le 30 décembre 2006, le président Saddam Hussein, après avoir été renversé par la guerre de bombardements et l'invasion militaire, mourut pendu à al-Kadhimiya, au nord-est de Bagdad. Et le 20 octobre 2011 des rebelles libyens frappèrent et traînèrent à mort Muammar al Kadhafi.

Qu'ont en commun ces trois chefs d'État décédés ? Avant toute chose et visiblement la forme brutale de leur élimination. Aucun tribunal sérieux n'a jamais examiné leur culpabilité, aucun hearing international n'a constaté leur responsabilité d'éventuels crimes de guerre. Les condamnations furent systématiquement établies par les médias occidentaux suivant les instructions des plus hauts cercles politiques et militaires des milieux de l'OTAN. Au moment de leur élimination, les trois passaient pour la personnification du mal en soi ; et en tant que tels - dans le cas de Kadhafi, Saddam Hussein et de leurs fils - leurs cadavres défigurés furent présentés au public. Il fallait que les consommateurs de médias soient rassurés : là gisent des diables, pas des hommes. L'assassinat politique, suivi de l'exposition publique de l'ennemi renvoie, sur le plan de l'histoire des civilisations, à un passé lointain.

Milo?evic, Saddam Hussein et Kadhafi furent éliminés physiquement non pas en tant que criminels, mais en tant qu'ennemis. Et ils étaient certainement des criminels, responsables de toute une série de crimes. Mais leurs crimes, qui s'étendaient de l'écrasement des forces d'opposition jusqu'à la répression de minorités ethniques, n'ont fait que fournir le prétexte aux interventions militaires de l'Occident. Une autre interprétation est exclue par le fait que la répression politique se déroule aussi ailleurs sous de multiples formes et qu'aucune « communauté internationale » n'imagine intervenir militairement pour autant. De l'Arabie saoudite jusqu'en Espagne?/?Pays basque, du Nigeria jusqu'en Indonésie, l'OTAN aurait du travail par-dessus la tête pour envoyer son armada au combat.

L'alliance occidentale n'apparaît militairement que dans des cas tout à fait particuliers pour - soi-disant - protéger des civils. Quand et où le fait-elle ? Et quelles raisons se cachent là-derrière ?

Les alliés occidentaux ont chassé à mort Milo?evic, Saddam Hussein et Kadhafi non pas à cause de leur mauvaise, mais à cause de leur bonne politique. Tous les trois étaient des symboles de différentes formes de « dictatures du développement ». Celle-ci comprenait une politique sociale pour la masse du peuple, des efforts pour un équilibrage régional et des efforts en direction d'une modernisation économique. Cela les différenciait de ceux qui se voyaient et se voient en première ligne comme les représentants d'investisseurs étrangers ou d'intérêts géopolitiques étrangers. En Yougoslavie, en Irak et en Libye les investisseurs étrangers n'avaient qu'un accès restreint aux marchés indigènes, les bases militaires étrangères étaient indésirables. C'était une des raisons principales pour laquelle Milo?evic, Saddam Hussein et Kadhafi étaient suspects aux yeux de la troïka de l'OTAN, des USA et de l'UE et c'est pour cela qu'ils ont finalement été considérés comme des ennemis.

Mais la situation géopolitique de leurs pays en fit également l'objet de l'avidité occidentale. Tous les trois se trouvent à la périphérie de la zone d'influence occidentale, historiquement comme actuellement. Durant la guerre froide, la Yougoslavie, l'Irak et la Libye étaient des nations-clé entre les deux blocs, qui en raison de leur propre force politique et économique ne voyaient aucune raison d'abandonner leur indépendance autant à des prises de contrôle occidentales qu'à des convoitises orientales. Moscou et Washington garantissaient indirectement pour moitié chacun cette autonomie, ce qui faisait aussi croître la conscience nationale de leur propre valeur. A la fin de l'Union soviétique celle-ci était en suspens et mena, sans le soutien de Moscou, directement à la catastrophe. Il semblerait que les pays entre les blocs eurent et ont le plus à souffrir de la marche en avant de la nouvelle stratégie impériale. Etait-ce parce qu'ils auraient potentiellement été en mesure de réussir une autre intégration dans le marché mondial que celle dictée par l'UE, les USA et l'OTAN ? La troïka impériale se sentit-elle menacée par cela ?

La Yougoslavie, l'Irak et la Libye pouvaient évoquer une longue histoire du partenariat avec le CAEM (Conseil d'assistance économique mutuelle, le pendant soviétique de l'UE). Le commerce de biens d'investissements, de biens de consommation et d'armes était florissant jusqu'à la fin des années 1980. Le commerce se déroulait autant au moyen de monnaies fortes que d'affaires appelées Barter (=?troc), donc par l'échange direct de biens, ce qui était mal vu dans le monde de l'hégémonie du dollar. Le commerce triangulaire avec des États africains ou avec l'Inde était à l'ordre du jour. Au début des années 1990, les USA et l'UE profitèrent de la faiblesse des dirigeants postsoviétiques pour décréter via l'ONU des embargos économiques précisément contre ces trois Etats économiquement relativement forts et se comportant de façon autonome. En août 1990, un même embargo atteignit l'Irak, dont les troupes avaient auparavant envahi le Kuweït. Deux années plus tard, en 1992, le Conseil de sécurité de l'ONU décréta des sanctions contre la Yougoslavie (le 30 mai) et la Libye (le 31 mai). Dans le cas de Belgrade, celles-ci furent justifiées par une « fausse » prise de parti dans la guerre civile yougoslave, dans le cas de Tripoli par la prétendue responsabilité de l'attentat contre un avion de la PanAm au-dessus de Lockerbie, qui avait eu lieu des années auparavant.

L'Irak, la Yougoslavie et la Libye furent les seuls États à être paralysés durant des années par des embargos économiques. Et cela ne les atteignit pas seulement eux-mêmes, mais encore leurs partenaires commerciaux traditionnels de l'Est : la Russie, la Bulgarie, la Roumanie... Ceci précisément à une époque où les économies postcommunistes qui s'effondraient devaient se réorienter. Elles auraient eu un besoin urgent de partenaires assez forts qui auraient pu commercer et échanger avec eux des produits sur une base autre que le dollar. Les embargos contre l'Irak, la Yougoslavie et la Libye empêchèrent cela. Au début, des cadres de l'époque soviétique pas encore épurés s'indignèrent des pertes forcées : « Dans les premiers six mois de l'embargo contre l'Irak, l'Union soviétique a perdu quatre milliards de dollars US », affirma Igor Mordvinov, le porte-parole du Ministère des Relations économiques extérieures. Aujourd'hui nous savons que la future Fédération russe a perdu beaucoup plus : la possibilité d'une intégration économique alternative au marché mondial dominé par les USA.

Milo?evic et Saddam Hussein avaient déjà été renversés quand la Libye de Kadhafi vit une petite chance de survivre au grand changement d'époque sans devoir se livrer totalement aux dictats de Washington et de Bruxelles. Après qu'en 2004 Tripoli eut payé un pretium doloris (réparations pour tort moral) aux descendants des victimes de Lockerbie, sans combiner cela avec un aveu de culpabilité, le Conseil de sécurité de l'ONU leva l'embargo. Jusque là Kadhafi avait été le seul des trois parias à avoir survécu physiquement aux sanctions économiques. Des accords internationaux avec la Grande-Bretagne, la France et l'Italie furent signés. Mais Kadhafi se souvint aussi de ses relations traditionnellement bonnes avec Moscou, et il commença à les réactiver. En marge des contacts avec l'Ouest, Moscou et Tripoli cherchèrent à nouer des liens économiques étroits. En 2007, le ministre des Affaires étrangères Sergeï Lavrov rendit visite au pays désertique, peu après, Vladmir Poutine vint personnellement pour finaliser le contrat de construction d'une ligne de chemin de fer de 550?km entre Benghazi et Syrte. Plus importants furent les entretiens concernant la construction d'une conduite de gaz naturel qui - placée sous la direction technique de Gazprom - devait rallier l'Europe à travers la Méditerranée. Lorsque par la suite l'homme le plus puissant de Russie, le chef de Gazprom Alexeï Miller rendit visite à Kadhafi en 2008, les sonnettes d'alarme retentirent en Occident. Son offre à Tripoli équivalait à une bombe géopolitique. Selon l'annonce de l'agence Interfax du 9 juillet 2008, Gazprom achèterait à l'avenir « la totalité du gaz naturel extrait ainsi que le gaz naturel liquéfié, aux pris du marché mondial ». L'Occident se sentit menacé. S'il en avait résulté un contrat, Gazprom aurait acquis un contrôle étendu sur le marché du gaz d'Europe occidentale par le gazoduc de la Baltique « North Stream » inaugurée en novembre 2011 ainsi que par le gazoduc de la Méditerranée à construire.

Aujourd'hui nous savons qu'il en fut autrement. Depuis des semaines, les présidents des conseils d'administration de groupes occidentaux de pétrole, gaz et eau se précipitent en Libye pour conclure, aux conditions d'un État qui n'existe pas encore et avec un soi-disant gouvernement de transition - ce qui rend les affaires très avantageuses -, des contrats d'extraction et de jouissance. Après huit mois de guerre, la coalition des volontaires, avant tout des groupes français, britanniques et états-uniens, peuvent se servir à bon compte. Abdel Rahim el-Kib qui est, au moment du bouclage du journal, le chef du gouvernement de transition, remplira ses devoirs administratifs envers les investisseurs occidentaux en protestant aussi peu que ses collègues Boris Tadic et Nuri al-Maliki à Belgrade et à Bagdad.

Hannes Hofbauer
 Compact Magazin  12/2011.


Hannes Hofbauer est le chef des Editions « Promedia » à Vienne et est auteur de nombreux livres. En automne 2011 fut publié sous sa plume « Verordnete Wahrheit, bestrafte Gesinnung. Rechtssprechung als politisches Instrument » [« Vérité décrétée, opinion condamnée, la justice comme instrument politique »].

Traduit de l'allemand par Horizons et débats (09.01.2012) :
 http://www.horizons-et-debats.ch/index.php ?id=3081

Texte original en allemand :
 http://www.zeit-fragen.ch/index.php ?id=595

Cet article a paru d'abord en anglais sur www.strategic-culture.org :
 strategic-culture.org

Toutes les versions de cet article :
-  Wurde in Libyen Krieg geführt, um ein Entwicklungsprojekt zu verhindern?
-  What do the killings of Milosevic, Saddam Hussein and Gaddafi have in common?

[:mmd]
 silviacattori.net

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08/01/2012 slate.fr  3min #61932

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