A commencer par la bataille des manuscrits de la mer Morte
La Palestine est donc considérée par l'UNESCO comme un Etat à part entière. C'est à dire un Etat en droit de faire jouer sa souveraineté sur son patrimoine historique et culturel. Cela change tout au niveau des richesses archéologiques de cette région, matrice des religions monothéistes. Cela va relancer les revendications palestiniennes, appuyées par la Jordanie, sur la propriété et l'étude des manuscrits de la Mer Morte.
Voila ce qu'écrivait sur ce sujet le magazine Plume, spécialisé dans l'actualité de l'écrit et des manuscrits. « Pour les Palestiniens, ces manuscrits ont été volés à la terre palestinienne et à son peuple par les occupants israéliens. Pour les Israéliens, ils font partie de l'histoire juive. Les rouleaux, dont certains remontent au IIIe siècle avant JC, ont été découverts par un berger bédouin palestinien, en 1947, un an avant la création de l'État d'Israël. Voila qui complique le dossier juridique, le berger étant un Palestinien de Palestine, avant Israël.
Selon les Palestiniens, l'exposition de ces rouleaux au musée de Toronto violait récemment au moins quatre conventions ou protocoles sur le traitement des biens culturels qui ont été acquis illégalement. Or, les Palestiniens affirment que le Canada, comme Israël, sont signataires de ces accords. » L'adhésion à l'UNESCO va permettre à la Palestine de parler plus haut et plus fort.
Les manuscrits de la mer Morte ont été exhumés de Qumrân, en Cisjordanie, sur une période allant de 1947 à 1956, par le musée archéologique de Palestine, avec le département des Antiquités de Jordanie et l'École biblique française. Les parchemins étaient à Jérusalem-Est jusqu'en 1967. En tant que signataire de la Convention de l'UNESCO pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé (1954), ainsi que de la Convention sur les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert de propriétés illicites de biens culturels (1970), le Canada ne peut pas importer de biens culturels provenant d'un territoire occupé.
On a donc passé outre. Mais de tels comportements ne seront plus possibles avec une Palestine siégeant à l'UNESCO. Ce qui était une polémique va, rapidement, se transformer en affrontement. D'où, sans doute, le vote négatif des Canadiens et leur réaction très vive.
L'affrontement des longues mémoires
Opposé à cette candidature, le Canada a, pour sa part, évoqué une possible remise en cause de sa participation à cette agence de l'ONU. "Nous ne sommes pas heureux de la décision de l'Unesco. Nous allons évaluer quelle sera notre réponse", a déclaré le chef de la diplomatie canadienne, John Baird. "Nous sommes en train d'évaluer l'avenir de notre participation" a ajouté M. Baird, soulignant néanmoins que cette agence de l'ONU faisait un "travail très important", notamment pour la sauvegarde du patrimoine mondial. La contribution canadienne à cette agence de l'ONU avoisine 10M$ par an.
Un front culturel est maintenant ouvert, qui touche aux racines des plus longues mémoires des peuples présents sur ces terres. Cela explique la fureur d Israël car, pour l'Etat juif, le passé est la justification du présent et de l'Etat sioniste. C'est du concret, du biblique et donc du politique et même de l'intouchable.
L'adhésion à l'Unesco de la Palestine ce n'est pas discuter du sexe des anges. C'est la possibilité, donnée aux Palestiniens, de remettre en cause l'appartenance de certains biens culturels. Interrogé à la radio publique, le vice-ministre israélien des Affaires étrangères, Danny Ayalon, a affirmé qu'"Israël veut peser ses réactions à ce vote au niveau diplomatique et politique en tenant compte de ses intérêts". Selon lui, "l'Unesco est devenue une organisation politique en intégrant en son sein un Etat qui n'existe pas, à la suite du vote d'une majorité automatique de ses membres [...]. Cette démarche des Palestiniens prouve qu'ils ne veulent ni la paix ni des négociations, mais entendent perpétuer le conflit".