Par David North
7 mars 2010
Le budget présenté mardi par le gouverneur du Wisconsin, Scott Walker, a profondément choqué et indigné les travailleurs dans l'ensemble de cet Etat. Pour des centaines de milliers de travailleurs du Wisconsin et leurs familles, il est à présent évident qu'ils sont confrontés à une tentative impitoyable de réduire radicalement leur niveau de vie, de vider de leur contenu les prestations et les services sociaux vitaux et de leur retirer leurs droits démocratiques.
Walker exige des coupes sociales d'au moins 1,5 milliards de dollars pour réduire le déficit budgétaire qui a été créé en grande partie par sa propre réduction massive et récente des impôts pour les grandes sociétés.
Ces coupes comprennent:
La suppression de 1,25 milliards de dollars de subventions accordées aux écoles et au gouvernement local, dont une réduction de plus de 900 millions de dollars sur le financement de l'éducation dans tout l'Etat, ce qui revient à la suppression d'environ 500 dollars par élève.
Des coupes de 500 millions de dollars dans Medicaid qui finance les programmes de couverture médicale pour plus d'un million d'habitants du Wisconsin. L'impact sur les revenus faibles, les adultes et les familles avec enfants qui n'ont pas d'assurance médicale sera dévastateur.
250 millions de dollars seront éliminés du financement des universités du Wisconsin. De plus, comme partie intégrante du programme de privatisation qui servira les intérêts de riches investisseurs, la division de Madison de l'université du Wisconsin sera retirée du système public. Ceci résultera dans la suppression d'au moins 17.000 postes pour les travailleurs de l'université du Wisconsin, entraînant aussi une forte augmentation des frais d'inscription sur les deux prochaines années.
La loi budgétaire de Walker est une déclaration de guerre. Son insertion d'exigences supplémentaires pour l'élimination de la négociation salariale découle logiquement de ses propositions budgétaires. Les coupes qu'il réclame bafouent la « négociation » parce que ses propositions budgétaires demandent, par leur nature même, la totale capitulation des travailleurs à ses exigences unilatérales.
L'argument souvent répété par les responsables syndicaux - qu'ils sont prêts à accepter les coupes budgétaires de Walker si seulement il abandonne sa revendication de mettre fin à la négociation salariale - n'est pas seulement lâche, elle représente une fuite dangereuse devant la réalité politique qui existe au Wisconsin.
Le terme « négociation salariale » ne signifie absolument rien si les syndicats sont prêts à accepter les dictats de gouvernements régionaux qui agissent dans l'intérêt des grands capitalistes de la banque et de l'industrie. La négociation salariale n'est pas apparue sous la forme d'une permission écrite accordée par des entreprises généreuses à leurs travailleurs. Elle a été arrachée à la classe capitaliste au cours de décennies d'âpres conflits pour des droits sociaux et démocratiques au cours desquels des milliers de travailleurs ont perdu leur vie. En fin de compte, la négociation des salaires n'a existé que dans la mesure où les travailleurs ont recouru à l'arme de la grève pour faire échec à l'intransigeance de la classe capitaliste et de son personnel politique dans les gouvernements locaux, les gouvernements d'Etat et le gouvernement fédéral.
Le budget de Walker signifie en pratique, même s'il n'est pas encore en vigueur, l'effondrement de la négociation salariale. Son gouvernement impose de force aux travailleurs du Wisconsin et à leurs familles un budget brutal et socialement destructeur.
Comment la classe ouvrière au Wisconsin devrait-elle répondre à cette réalité politique ?
Ces derniers jours, il y a eu une reconnaissance grandissante de la part des travailleurs partout au Wisconsin que des protestations dans la capitale de l'Etat étaient insuffisantes et qu'ils devaient intensifier leur lutte.
Un sentiment se développe en faveur d'une grève générale de la classe ouvrière. Les travailleurs du Wisconsin commencent, de plus en plus massivement, à réaliser que rien de moins qu'une mobilisation massive de leur force collective suffira à refouler l'attaque du gouvernement Walker.
Ce sentiment est justifié et correspond à la réalité politique qui existe au Wisconsin et, de plus en plus, à travers les Etats-Unis. L'effondrement de la négociation salariale - c'est-à-dire la tentative de l'Etat d'imposer, par la menace implicite de la force, des exigences intolérables et inacceptables aux travailleurs - a une profonde signification objective. La classe dirigeante est en train de dire aux travailleurs : « Nous ne négocions pas. Nous exigeons. Vous devez accepter nos conditions. »
Ceci signifie en réalité la fin du compromis entre les classes. La reconnaissance grandissante de cette réalité politique parmi les travailleurs est sous-jacente au sentiment croissant pour une grève générale.
Il est nécessaire pour les travailleurs qui ont tiré cette conclusion de développer la dynamique pour une grève générale. Les discussions au sujet d'une grève générale doivent s'orienter vers la préparation de celle-ci.
Sur chaque lieu de travail, des réunions doivent être organisées pour discuter, débattre et voter une résolution pour une grève générale. Partout où un soutien substantiel existe pour une grève générale, des comités de travailleurs, indépendants des responsables syndicaux, doivent être formés pour préparer cette action.
Ce mouvement devrait se fonder sur l'appel à la grève générale pour les revendications suivantes :
* Rejet total de toutes les concessions économiques réclamées aux travailleurs du Wisconsin. Les dépenses sociales doivent au contraire être augmentées afin de répondre aux problèmes urgents créés par trois années de récession causée par les activités spéculatives criminelles des banques.
* Rejet sans équivoque de toute restriction du droit légal des travailleurs de négocier et, s'ils le décident, de faire grève pour défendre et améliorer leur niveau de vie.
* Pour une augmentation substantielle des impôts sur les profits des entreprises et des très riches pour couvrir les déficits budgétaires et le coût des dépenses nouvelles et essentielles.
* Pour la démission immédiate du gouverneur Walker et de son gouvernement réactionnaire. Walker s'est délibérément fait le fer de lance politique de l'attaque patronale contre la classe ouvrière et du recours à des méthodes dictatoriales. La revendication pour sa révocation naît de la reconnaissance que la lutte des travailleurs au Wisconsin contre ce budget est, en substance, une lutte politique.
L'appel à la démission de Walker n'implique pas un vote de confiance au Parti démocrate. Au-delà des frontières du Wisconsin il y a des gouverneurs et des maires du Parti démocrate qui réclament des coupes budgétaires pas moins draconiennes que celle que veut Walker. Le gouvernement Obama collabore avec les gouverneurs d'Etat et le Congrès à Washington à la mise en application des coupes budgétaires qui causeront des ravages dans la vie des travailleurs partout dans le pays.
Toutefois, inspirée par l'exemple donné par les travailleurs au Wisconsin, la lutte contre les attaques à l'encontre des droits des travailleurs s'étendra d'un Etat à l'autre et à travers le pays en général, en opposition à tous les représentants politiques de la classe capitaliste.
Ainsi, la revendication exigeant l'éviction de Walker soulève la question la plus importante de toutes - la nécessité des travailleurs de créer leur propre alternative socialiste indépendante aux partis Républicain et Démocrate contrôlés par le patronat.
Le Parti de l'Egalité socialiste (Socialist Equaltiy Party, SEP) soutient et encourage le mouvement en faveur d'une grève générale contre le gouvernement Walker et son budget réactionnaire. Le sentiment croissant parmi les travailleurs qu'une telle action est nécessaire témoigne de l'intensité du conflit social régnant aux Etats-Unis. Nous pressons cependant les travailleurs de réaliser qu'ils ne luttent pas seulement contre un seul gouverneur mais contre la classe capitaliste tout entière et le système de profit sur lequel s'appuie sa domination.
(Article original paru le 3 mars 2011)