Des affrontements ont suivi l'instauration du couvre-feu du crépuscule à l'aube dans la capitale, faisant au moins six morts, a appris Al Jazeera.
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Ben Ali tente de faire imposer un couvre-feu face aux manifestations qui ne cessent de s'étendre à travers le pays - Photo : AFP
Au moins six personnes ont été tuées dans de nouveaux affrontements en Tunisie, en dépit d'un couvre-feu du crépuscule à l'aube dans la capitale, Tunis, et les banlieues environnantes.
Des affrontements ont éclaté jeudi matin dans le quartier d'al-Kerm, au nord de Tunis, ont déclaré des témoins à Al Jazeera. Parmi les victimes figurent trois personnes dans la ville de Menzel Bourguiba, une personne à Bizerte, et une personne à Tataouine.
Des témoins directs ont fait savoir qu'une sixième personne a été tuée dans la capitale après qu'un couvre-feu ait été imposé. Il y a eu aussi des affrontements violents avec la police à Douz.
Certaines sources ont déclaré à Al Jazeera que les manifestants scandaient des slogans contre le régime dans plusieurs villes tunisiennes, dont Bizerte, Sidi Bouzid et Kairouan.
Ces décès se sont produits dans un contexte d'affrontements entre la police et de jeunes lanceurs de pierres qui sont en colère à cause du chômage et des prix élevés des denrées alimentaires.
Des coups de feu sporadiques ont retenti durant la nuit dans Tunis, prouvant que des jeunes avaient bravé l'ordre de couvre-feu du gouvernement Ben Ali.
Les autorités ont imposé le couvre-feu dans le but de mettre un couvercle (chape de plomb) sur les révoltes qui ont fait au moins 23 morts à travers le pays, selon un bilan gouvernemental.
Mais les groupes de défense des droits humains ont déclaré que le nombre de morts est beaucoup plus élevé.
Navi Pillay, haut commissaire des Nations unies pour les droits de l'homme, a appelé le gouvernement tunisien, ce jeudi, à enquêter sur les meurtres de civils par la police.
« Nous essayons de vérifier le nombre de tués. Les organisations des droits de l'homme rapportent qu'il y a eu près de 40 tués. Il est donc clair que c'est une conséquence de certaines mesures excessives utilisées, tels que les tireurs d'élite, les massacres aveugles de manifestants pacifiques », a-t-elle déclaré à l'agence de nouvelles Reuters.
(La Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH) annonce à ce jour 66 tués - N.d.T).
Session parlementaire d'urgence
Ben Ali devait comparaître au Parlement ce jeudi pour une session d'urgence devant traiter des troubles.
Son apparition aura lieu un jour après qu'il ait limogé Rafik Belhaj Kacem, son ministre de l'Intérieur, qui a été largement critiqué pour la réaction violente du gouvernement face aux manifestations.
Toutefois, son limogeage a peu servi à calmer les centaines de manifestants qui ont jeté des pierres sur la police à un carrefour des plus importants à Tunis ce mercredi.
Des officiers ont répondu par des tirs de gaz lacrymogène, amenant les manifestants à se disperser dans les rues adjacentes. Les magasins de toute la zone ont été fermés.
Tunis avait été épargnée par les manifestations qui ont débuté à la mi-décembre et ont tourné à la violence dans l'ouest du pays le week-end dernier - lorsque la police a ouvert le feu sur des manifestants - et jusqu'au mardi lorsque des révoltés ont attaqué un bâtiment local du gouvernement dans le quartier de Cité Ettadhamen.
Mohamed Ghannouchi, le premier ministre, a déclaré mercredi que toutes les personnes arrêtées lors des manifestations avaient été libérées, mais il n'a donné aucun chiffre disant combien de personnes avaient été initialement arrêtées.
Ben Ali, le président, avait quelques jours plus tôt accusé les émeutiers d'avoir commis des actes de « terrorisme ».
Ghannouchi a également déclaré que les allégations de l'opposition et des groupes de la société civile sur la corruption seraient étudiées par une commission spéciale.
Des mesures « significatives »
Ayesha Sabavala, une analyste tunisienne appartenant à l'Economist Intelligence Unit, a déclaré à Al Jazeera que les mesures du gouvernement ont été importantes.
« Le gouvernement essaie de dire aux gens que 'nous savons que nous avons fait des erreurs et nous savons qu'il y a un mécontentement généralisé, nous essayons d'aborder les questions centrales' », a-t-elle déclaré à Al Jazeera depuis Londres.
« Mais le président lui-même, dans son discours le 10 Janvier, a promis la création de 300 000 emplois au cours des deux prochaines années, ce qui à mon avis, est très ambitieux étant donné le taux de croissance en Tunisie. »
Radwan Masmoudi, un spécialiste de la Tunisie, a déclaré à Al Jazeera que le changement de direction de Ben Ali est un début, mais les exigences des gens sont pour une plus importante réforme et une véritable démocratie.
« Je pense que le président a finalement compris que ces exigences ne sont pas prêtes de disparaître », a déclaré Masmoudi.
« Il se rend compte qu'il doit procéder à des changements importants et pas seulement de personnes, mais aussi de politiques ».
« Les gens voient la corruption comme le principal problème en Tunisie ; il y a un lien entre le développement économique et le fait que les institutions politiques doivent se prémunir contre la corruption. »
Ces manifestations, exceptionnelles dans une Tunisie étroitement contrôlée, ont été déclenchées par le suicide d'un jeune diplômé de 26 ans qui s'est immolé par le feu le 17 décembre 17, après que la police l'ait empêché de vendre des fruits et légumes pour gagner leur vie.
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